Jean-Jacques Rousseau a développé
et théorisé une critique sociale sur un
front extrêmement large, par la diversité
des sujets, mais encore celle des approches, y compris
introspectives, et ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui
un engagement politique.
De sorte, il ne s'est pas attiré
que des amis, d'autant qu'il était lui-même
prompt à la polémique et à la fâcherie.
Il est apparu, aux yeux d'un certain nombre de ses contemporains,
comme un personnage provocant, voire scandaleux... Mais
pour les révolutionnaires, il fut considéré
comme le philosophe du peuple. La Convention ordonna
en 1793, 15 ans après sa mort, le dépôt
de ses cendres au Panthéon.
On l'a bien entendu attaqué
sur ce qui apparaissait comme des « maillons faibles
», sa vie privée, sa manière de
s'habiller, l'abandon d'enfant, mais aussi sa prétention
à vouloir parler de musique, un art, où
dit-on, il n'entendait pas grand-chose.
Aujourd'hui, on sait qu'il est un
penseur essentiel de notre histoire philosophique, sociale
et politique. Sa pensée est là, incontournable
et demeure une source prospective. On lui prête
même une vertu qu'il n'a peut-être pas eue,
la paternité du romantisme.
Mais, dans le milieu des musicologues,
au domaine des sous-entendus et des biens entendus,
si on se réfère souvent à lui,
à ses écrits polémiques ou à
son dictionnaire de musique, on n'évite pas le
haussement d'épaules, le demi-sourire qui en
dit long, la petite réflexion en marge ou entre
parenthèses, pour souligner l'inconsistance,
l'incohérence, la mauvaise foi de Jean-Jacques
en musique.
Pourtant, Jean-Jacques Rousseau aborde
les questions musicales en philosophe de sa philosophie,
au même titre que le feront plus tard Nietszche,
Adorno ou Jankélévitch, lesquels ne provoquent
pas de signes d'un mépris convenu.
De cette philosophie, découle
pour la musique, une théorie esthétique,
une vision sociale, un engagement politique. Et là,
Rousseau est tout aussi génial qu'il l'est dans
les autres domaines, même s'il est techniquement,
un musicien moyen, et qu'il ne dispose que des connaissances
disponibles à son époque.
Pour mettre les actes au diapason
des paroles, il a écrit le livret et composé
la musique d'un petit opéra, un divertissement
: « Le Devin du village ». Présenté
à la cour, le « Devin » eut
un immense succès, et fut programmé, jusqu'à
la Restauration, pratiquement sans interruption, à
l'Opéra de Paris.
C'est une œuvre simple, sans grands
moyens, mais d'une magnifique élégance
et pureté.
Cette œuvre qui fit date, inscrite
dans la démarche philosophique d'un des penseurs
la plus marquants de notre histoire, mais encore notre
réflexion, méritaient bien un colloque,
dont on nous offre aujourd'hui les actes.
Ceux-ci abordent le sujet dans une
ampleur et des ramifications conséquentes, de
manière claire et pédagogique, facilement
abordable pour les non-spécialistes.
Jean-Marc Warszawski 20 janvier
2007
Présentation de l'éditeur
L'actualité de la pensée
de Jean-Jacques Rousseau, l'intérêt de
son étude dans le contexte du monde contemporain
ne sont certes pas chose contestable, que l'on adopte
le point de vue du politologue, celui du psychologue
ou encore du sociologue. Pour le musicien ou le musicologue,
s'il a pris soin d'écarter de lui quelques idées
caricaturales au sujet de l'autodidacte s'efforçant
de discourir d'un art dont il ne maîtrisait pas
le pratique, les occasions ne manquent pas non plus
de méditer aujourd'hui l'actualité et la
pertinence du propos rousseauiste [...] Pierre Saby (extrait
de l'avant-propos)
Table des matières
PIERRE SABY, Jean-Jacque Rousseau
et la musique de son temps, p. 5-21
GÉRARD LE VOT, Rousseau et
les musiques antique et médiévale,
p. 23-69
CLAUDE DAUPHIN, L'idée de
génie de Rousseau : entre l'inspiration et l'ouvrage
du « Devin », p. 71-96
MICHAEL O'DEA, « Le Devin
du village » dans les Dialogues de Jean-Jacques
Rousseau, p. 97-115
PIERRE SABY, Le « non-devin »
de Jean-Jacques Rousseau : une figure pour la contestation
de l'opéra français, p. 117-140
OLIVIER BARA, La réception
du « Devin du village »
sous la Restauration, ou comment Rousseau fut chassé
de l'Opéra, p. 141-171
RAPHAËLLE LEGRAND, Les «
Amours de Bastien et Bastienne » de Marie-Justine
Favard et Harny de Guerville : parodie ou éloge
du « Devin du village de Jean-Jacques
Rousseau ? p. 220-194
Bibliographie ; sources ; ouvrages et
études postérieures à 1800, p.
195-213
Index, p. 215-221
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