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Jean-Marc Warszawski, 18 octobre 2006.

Poésie, musique et société : l'air de cour en France au XVIIe siècle

DUROSOIR GEORGIE (coordination) poésie, musique et société : L'air de cour en France au XVIIe siècle. « Musique / Musicologie » éditions Mardaga, Liège 2006 [348p.; ISBN 2-87009-909-6 ; 348 p. ; 45,00 €].

Ce livre est assez difficile à lire. Non pas en ce qu'il aborderait des sujets obscures ou de hautes technicités, mais parce qu'il est unecollection de communications faites en colloque. Il s'adresse à des personnes dont on suppose un minimum d'initiation et fait économie de pédagogie. Il est aussi l'exposition de recherches en devenir et non pas un compte-rendu public d'un état de savoir.

Cela est dommage, car ce livre semble indispensable. Un simple glossaire aurait peut-être facilité le confort de lecture. D'un autre côté, y compris avec ses annexes, ce livre est un ouvrage de référence, un usuel de bibliothèque.

Le passage des XVIe-XVIIe siècles est le théâtre d'importantes évolutions de la musique savante petite européenne. On a l'habitude de marquer par le nom de Monteverdi, où plutôt par sa seconde période créatrice, le début de l'opéra, l'abandon de la polyphonie au profit de la mélodie accompagnée, le début du système musical dit « tonal », en remplacement du système dit « modal ».

À Florence, dans le salon du comte Bardi, un riche financier qui ne tardera pas à être ruiné en misant sur les mauvaises couronnes et des guerres perdues, intellectuels et artistes, dont le père de Galilée, planchent sur la question : le retour, selon eux, à la pureté lyrique antique. D'autres on laissé par écrit le témoignage de ces nouveautés, dont ils avaient, dans les milieux cultivés, parfaitement conscience. Tout cela est parfaitement documenté, mais on ne peut s'en contenter pour expliquer un tel changement de cap esthétique. En réalité, toute la société féodale est en mouvement dans un renouvellement des classes dirigeantes où émergent les financiers, comme le sont les Médicis. Ils importent avec eux leurs goûts et habitus dans les sphères des pouvoirs, alors qu'une part importante de l'aristocratie traditionnelle a disparu dans les guerres incessantes qui secouent le VIe siècle ou dans la ruine financière.

On constate aussi dans cette transformation de la société une nette émergence du personnel intellectuel et artistique laïc, qui s'empare et met en chantier les langues vernaculaires qui peu à peu deviennent la langue des poètes et des savants à la place du latin. 

l'Air de cour (expression d'époque), est assez massivement attesté par une documentation allant des années 1570 à 2200 (Henri IV, Louis XIII). Il s'agit en général de transcriptions de chansons pour voix seule et luth ou de chansons polyphoniques où la voix supérieure est la partie la plus importante.

Le grand intérêt de ce livre est de largement sortir du cadre descriptif formel, simplement érudit, pour tenter de rejoindre le mouvement d'histoire. Le titre, juste, est explicite : « Poésie, musique et société ».

Nous accédons ici à quelque chose de plus réel, de plus crédible et surtout de plus prospectif que l'idée de cette petite élite italienne révolutionnant l'esthétique musicale européenne.

On peut même inverser la problématique : il y a en Italie comme en France un mouvement de la société qui force, fait pression, à reconnaître une tradition d'origine populaire, ignorée jusqu'alors de l'élite écrivante.

Cela n'est pas anodin. Lorsque la seconde école de Vienne, réunie autour de Schönberg tente de révolutionner l'esthétique musicale à la charnière des XIXe-XXe siècles, elle se réfère à un sens de l'histoire incorporant la révolution supposée florentine. Pourtant, là aussi, il y a une pression du goût et des envies qui a déjà dépassé le système tonal.

On peut se demander si l'élite ne s'emploie pas, au XVIe siècle comme au XXe, à sauver théoriquement un fait sinon accompli, du moins déjà bien engagé.

On planche donc en Italie autour du comte Bardi, on planche en France dans l'Académie réunie par Jean-Antoine de Baïf (1532-1589). Ce qui en  sort, ici et là, porté par un même mouvement, est différent. En France on pose les bases de ce qui sera le grand classicisme, la suprématie du texte sur la musique qui doit s'y modeler.

Après la lecture de ce livre, on peut même se demander, si l'éclosion de l'opéra français, tardif par rapport à celle de l'opéra italien, est une adaptation nationale, une réaction, ou un aboutissement propre à une tradition développée avec l'air de cour.

Voici donc quelques réflexions personnelles après la lecture de cet excellent livre, qu'il faudrait faire suivre d'une publication moins spécialiste.

Résumer l'ensemble du livre, en raison de la densité de sa vingtaine d'articles nous semblait trop fastidieux, et peu utile de redire en plus mal les dix pages d'introduction de Georgie Durosoir, une des grandes spécialistes du sujet.

Jean-Marc Warszawski
18 octobre 2006


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