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Par Jean-Marc Warszawski —— 2 novembre 2014.

Les musiciens et la Grande Guerre en 30 cédés Hortus

Les musiciens et la Grande Guerre (IV) : Mélodies, Préscience, conscience, Marc Mauillon (Baryton), Anne Le Bozec (piano). Mélodies de Halphen, Février, Hahn, Fauré, Kelly, Ravel, Jürgens, Butterworth, Farrar, Dawaere, Stephan, Schulhoff. Hortus 20104 (HORTUS 704).

Les musiciens et la Grande Guerre (V) : La naissance d'un nouveau monde, Thomas Duran (violoncelle), Nicolas Mallarte (piano), œuvres de Schulhoff, Bridge, Granados, Boulnois, De la Nesle. Hortus 20104 (HORTUS 705).

Les musiciens et la Grande Guerre (VI) : Métamorphose, Thomas Monnet (orgue), œuvres de Andrienssen, Jongen, Prokofiev, Reger, Boulnois, Ravel. Hortus 20104 (HORTUS 706).

Les éditions discographiques Hortus ont décidé de participer aux commémorations de l'année 2014 de la Grande Guerre (le centenaire du début des hostilités) de manière spectaculaire, avec l'enregistrement d'une collection d'une trentaine de cédés, dont la parution sera étalée jusqu'en 2018. Cela concerne une trentaine de compositeurs et une quinzaine d'interprètes plus une partie de l'ensemble d'harmonie de la Garde-Républicaine. Ce sont avant tout des œuvres solistes ou des duos. Sept albums sont aujourd'hui publiés.

Il est aujourd'hui d'usage de substituer l'envie, le plaisir de musique et de spectacle par des considérations rhétoriques ou d'histoire qui ne sont pas toujours bienvenues ou en adéquation. Mais pour un tel projet, le point de vue historique, qui ne doit pas oblitérer la musicalité, est essentiel. On écoute ces disques avec plaisir, on découvre des noms de compositeurs jusque là parfaitement inconnus et d'œuvres tirées pour la première fois de la profondeur des archives.

Cependant, nous avons des réserves quant à la présentation et à l'organisation des programmes qui ne nous semblent pas tout à fait à la hauteur du projet, étant entendu qu'il n'est pas facile de marier homogénéité musicale, contraintes techniques, et ce qu'on veut raconter. De fait, les problématiques mises en œuvre, concernant la Grande Guerre, nous semblent pour le moins artificielles. En contrepartie nous avons des programmes homogènes du point de vue instrumental, un cédé d'orgue (VI), un de mélodies (IV), trois de duos piano et violoncelle (I, III, VI), un de duos de pianos (II), un de duos piano et alto (VII).

Hortus nous présente, au moins pour ces trois albums, « La naissance du nouveau monde », « Prescience et conscience », « Métamorphoses », ce qui nous semble vague et abstrait par rapport à ce que fut l'enfer, la fureur, l'hécatombe et la stupidité de cette guerre pour ceux qui furent au front.

On aurait pu penser à la colère, avec Lucien Dorosoir et Erwin Schulhoff. Contrairement à la présentation, ce dernier n'était pas anarchiste, mais communiste, il n'est pas mort en camp de concentration. Ayant obtenu, pour émigrer, la nationalité soviétique à la veille de la guerre, il s'est trouvé bloqué par la fermeture des frontières et a été emprisonné comme ressortissant d'un pays hostile. On aurait pu l'opposer à Lucien Durosoir, lui aussi très en colère. L'un s'est engagé dans le mouvement social et la modernité la plus provocante, l'autre s'est terré dans un petit village du Pays basque.

On aurait pu penser à l'orchestre du général Mangin, avec Durosoir, Caplet et Maréchal. On aurait pu penser aux amis, professeurs, collègues qui se tiraient maintenant dessus depuis des tranchées opposées. On aurait pu réunir les morts, et aussi les hommages, opposer les combattants et ceux de l'arrière (les planqués écrivait Durosoir), ceux qui ont pleuré leurs disparus (Vierne, Ravel), les musiques de circonstance, aux instruments fabriqués avec les moyens du bord, enfin tout ce qui peut dire quelque chose de concret sur la boucherie que fut cette guerre et d'un État qui a transformé ses enfants en chair à canon.

On peut lire quelque chose de saisissant sur la pochette de « Métamorphoses : entre angoisse et renaissance » : La Grande Guerre signe véritablement l'entrée dans le siècle nouveau. Les tensions qu'elle engendre fertilisent les esprits créateurs... C'est un peu ce qu'écrivit à l'époque la pianiste Blache Selva à Albert Roussel qui, au front, en fut scandalisé à juste titre.

Jean-Marc Warszawski
2 novembre 2014


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