width="100%" musicologie

Avril 2012 —— Pierre-François Pinaud.

Cet article est paru dans la revue « Renaissance traditionnelle » (162) avril 2011, p. 112-129. Nous remercions Pierre-François Pinaud (1951-2012) et la revue pour nous l'avoir confié.

Les musiciens d'église francs-maçons à Paris (1790-1815) : l'exemple des organistes

Depuis que l'homme existe, il a accompagné, interprété, ornementé, approfondi, inspiré chaque événement important de sa vie grâce à la musique : la naissance, le mariage, la mort, la guerre, la paix, etc. Les chrétiens, sous le souffle de l'esprit de Pentecôte, chantent lors de leurs célébrations. L'orgue, instrument propre à la musique de l'église latine, les accompagne souvent, jouant un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la liturgie.

L'orgue est l'instrument « total ». Il peut se comparer à l'orchestre symphonique. Par son souffle et la tenue indéfinie des sons, il se confond avec la voix humaine et l'amplifie. Par la diversité, la qualité, la puissance et la douceur de ses voix (ses jeux), il peut commenter un texte, interpeller, calmer, réveiller ou endormir une assemblée. Dans l'église, l'orgue se place derrière l'assemblée, avec qui il fait cœur et souffle. L'organiste reste invisible. Il ne joue pas pour qu'on l'admire. Son accomplissement est d'amener l'assemblée à chanter, pour découvrir et déployer son humanité.

La musique de l'église n'est pas un spectacle, un agrément ou un décor. La musique sacrée est la quintessence de la musique. Passant par l'oreille, elle dépasse l'émotion et la sensation, réalités individuelles et liées à la matière : elle réalise l'unité des individus qui composent une assemblée. Elle transcende le niveau du sentiment épidermique et de circonstance et permet à tous d'être « un seul cœur, un seul souffle »1.

La musique est essentielle aussi en franc-maçonnerie ; elle seule peut suggérer l'inexprimable, rendre intelligible le symbolisme, enrichir la perception du sacré. La musique devient alors supérieure à la parole. La franc-maçonnerie lui ouvre le champ des domaines initiatiques, ésotériques et mystiques. Le premier contact sensible du profane avec l'Ordre maçonnique n'est-il pas la musique ? Ce sont les yeux bandés qu'il accomplira les voyages initiatiques et subira les épreuves. Il ne peut donc qu'entendre, entendre les paroles du rituel soutenues par la colonne d'harmonie2. La franc-maçonnerie a ceci de particulier que son action sur la musique s'opère de deux façons : si les compositeurs francs-maçons ont créé et développé la musique destinée à illustrer et à soutenir le rituel, ils ont aussi été marqués comme initiés, au point que leurs œuvres profanes se sont imprégnées du sentiment maçonnique. Clérambault3, initié en 1737 à la loge Coustos-Villeroy, Mozart ou Sibelius n'auraient pas été les mêmes sans initiation, non plus que Haydn, Meyerbeer, Rameau, ou Liszt4.

L'orgue, dans les esprits est appelé à faire le lien entre deux mondes. « Son caractère orchestral, son symbolisme chrétien, l'ampleur soutenue de ses sons, tout dans l'orgue parle d'infini et d'éternité ». Il doit élever l'âme en reflétant les bruits de la nature et en figurant l'unité de l'humanité dans sa diversité, c'est le but de la musique en loge. Francs-maçons et chrétiens, in fine, en s'appuyant sur la pensée des Lumières, demandent la même chose à l'orgue, toucher l'homme d'une façon immédiate, émotionnelle, illustrative, démonstrative. Aux yeux des profanes et des Fils de la Lumière, l'orgue ne symbolise pas seulement le progrès humain, il en constitue l'un des moteurs5.

Dans les faits on constate que l'orgue, au moins en France, n'est devenu l'instrument parfait pour traduire les cérémonies maçonniques que tardivement, et que peu d'organistes furent francs-maçons au cours des xviiie et xixe siècles. Cependant, reconnaît Berlioz dans son Traité d'instrumentation : « L'orgue et l'orchestre sont rois tous les deux, ou plutôt l'un est empereur et l'autre pape… L'orgue est fait pour la domination absolue, c'est l'instrument jaloux et intolérant »6.

Entre 1790 et 1815, sauf une parenthèse, il est difficile de suivre les parcours de ces musiciens, particulièrement à Paris pendant cette période troublée, d'autant plus que leur cadre professionnel fut remis en question par les événements politiques. Cette période a longtemps fait figure de parent pauvre de la musicologie. Cependant elle apparaît comme une période de transition entre le postclassique et le préromantisme. C'est un véritable tournant esthétique qui se produit alors.

La musique d'orgue va être animée par une quarantaine d'organistes qui exercent sur une cinquantaine d'instruments. Une petite phalange de quinze d'entre eux est maçonne durant cette période. Après la Révolution et pendant le Premier Empire, depuis la suppression des maîtrises, l'art de « toucher » l'orgue était presque entièrement éteint et les organistes devenus rares. Dessiner parmi eux des parcours individuels et sortir de l'ombre des personnalités marquantes, relève d'ordinaire de la gageure, mais dans le cas précis des musiciens d'église francs-maçons, cela relève du défi. Telle est pourtant l'ambition de ces quelques pages.

Les organistes avant 1789.

Les organistes forment une classe à part dans le monde des instrumentistes7. L'étude de cette société dégage de nombreux paradoxes. D'une part, ils s'insèrent dans le monde des musiciens, mais s'y opposent et en émergent. D'autre part, pour beaucoup ils paraissent vivre cachés, modestes, solitaires et silencieux devant leur console8. Ils sont incontestablement liés par un contrat moral et matériel à un organisme religieux, une administration ou une fabrique, au point d'être obligés à chaque instant de témoigner de leur fidélité, de leur présence et de leur création9. Ils jouissent en échange d'un salaire fixe, alors que leurs émules courent le cachet pour assurer leur subsistance10. Association groupant des musiciens souvent d'élite, ils se refusent à faire partie d'une corporation officielle. En revanche, de véritables dynasties d'organistes vont se créer, tant en province que dans la capitale. Dans ce panthéon, rappelons les noms de Clérambault, Marchand, Dandrieu, Daquin, et particulièrement les Corrette et les Couperin11.

Les organistes parisiens cachés dans leur tribune pendant les saccages de la Révolution ont su conserver et transmettre une tradition, un répertoire et une façon de l'interpréter qui a donné naissance à l'École française d'orgue. Pendant la tourmente révolutionnaire, personne n'a pensé à les déloger de leurs instruments ni à les contraindre à une « constitution civile des musiciens », leur faisant abjurer toutes les musiques écrites sous l'Ancien Régime12. Cependant faute d'instruments, les organistes de l'Ancien Régime vont disparaître peu à peu, laissant la place à leurs disciples. Suivant l'heureuse formule de Marie-Claire Mussat, ceux-ci devinrent des « citoyens-musiciens »13, et nous suivons entièrement cet auteur lorsqu'elle distingue parfaitement l'attitude des musiciens de la capitale et leur opportunisme, et celle « des obscurs musiciens d'église de la France profonde », dont le devenir sous la Révolution est encore mal connu.

Ainsi les derniers organistes du xviiie siècle s'amusent à imiter la tempête, le tonnerre et se forcent à entonner les airs militaires ou révolutionnaires à la mode ( Ah ça ira !, la Marseillaise, le Chant du Départ…) pour prouver leur très opportun ralliement au nouveau pouvoir. Ce qui ne les empêche d'ailleurs pas de perdre leurs subsides, mais leur permet aussi de sauver leurs orgues menacés par les révolutionnaires.

Pendant toute cette période les métiers d'organiste et de claveciniste étaient les mêmes et exercés souvent par les mêmes artistes. Ceci explique peut-être pourquoi on ne trouve que très peu d'organistes dans les loges maçonniques, mais en revanche de nombreux clavecinistes, surtout en province. Un grand nombre d'entre eux ont aussi participé au rayonnement de l'École française de clavecin14. Les deux instruments suivent donc une évolution assez comparable pendant « l'ère baroque ». Mais les années révolutionnaires sont le signal de la disparition du clavecin et d'un cantonnement prolongé de l'orgue dans l'accompagnement liturgique, peu adapté qu'il est à l'esthétique romantique15.

Au service de la République,
l'effort à la Révolution.

Les hommes politiques et surtout les Conventionnels, les Montagnards et les Directeurs s'avisèrent d'orienter l'esprit public par le moyen des Muses. La Révolution avait besoin de musiciens comme elle avait besoin de chimistes ou de mathématiciens. Les musiciens ont été alors réquisitionnés, ou se sont eux-mêmes mobilisés au service de la République, du pouvoir et de la patrie. Dans ses Mémoires, Grétry raconte comment l'opéra Le Congrès des rois, représenté le 26 février 1794, et qui se terminait sur une carmagnole dansée par les rois en bonnet rouge, avait été mis en musique en deux jours par tous les musiciens de Paris :

«  le redoutable Comité de Salut Public en donna l'ordre aux comédiens ; on numérota tous les morceaux destinés au chant ; ils furent mis dans le bonnet rouge ; alors le scrutin décida du morceau que chacun devait faire dans la journé »16.

Le 28 floréal an II (17 mai 1794) « Le Comité de Salut Public appelle les musiciens à un grand concours ouvert entre les musiciens pour la composition de chants civiques…et de musique guerrière et tout ce que leur art a de plus propre à rappeler aux républicains les sentiments et les souvenirs les plus chers de la Révolution ».

Les manuscrits affluèrent ! Ils étaient soumis à la Convention qui les renvoyait au Comité et le Comité décidait. L'enseignement des chants célébrant les actions héroïques est inscrit dans la loi du 27 brumaire an II (17 novembre 1794). Danton, dès le 20 novembre 1793, du haut de la tribune de la Convention réclamait la création des fêtes civiques : « Le peuple doit célébrer les grandes actions qui auront honoré notre Révolution [...] si la Grèce eut ses jeux olympiques, la France solennisera aussi ses jours sans-culottides [...] Donnons des armes à ceux qui peuvent les porter, de l'instruction à la jeunesse et des fêtes nationales au peuple… »17.

Désormais la musique est « un acte civique, soumis à un contrôle officiel, elle aura sa place sur le forum au milieu des foules ». La musique est présente à l'heure des grands rassemblements populaires, des fêtes fraternelles, des commémorations officielles, des célébrations de victoires ou des funérailles triomphales18. Ces cérémonies funèbres font retentir sur les places de Paris et dans les différentes églises des marches imposantes. C'est ainsi que le cercueil de Mirabeau est acheminé au son d'une musique dans laquelle sont exploités d'une manière inusitée jusqu'alors, la sonorité des trombones et le rythme obsédant du tam-tam, musique reprise et amplifiée par l'orgue de l'église Sainte-Geneviève qui devenait ainsi le Panthéon consacré aux grands hommes. Mirabeau fut le premier à être honoré ainsi, le 4 avril 1791, par un cérémonial grandiose digne d'un roi19.

Lors de la Fête des morts du 10 août en 1792, le pathétique cortège des veuves et des orphelins qui suivent les membres de la Représentation Nationale portant des couronnes civiques, est accompagné par les hymnes vengeurs de Gossec. Ce dernier, pendant toute la période révolutionnaire va se faire le chantre de la musique de circonstance20. Il composa l'Hymne à la Raison, le Chant funèbre sur la mort de Féraud21, l'Hymne dédié aux Mânes de la Gironde, au total il a écrit vingt-cinq pièces de circonstance.

Mais la République appelle à la rescousse d'autres compositeurs en vogue : Cherubini, Mehul22, Dalayrac23, d'autres encore. La totalité de ces œuvres est reprise tant à Paris qu'en province par les organistes. Le journal La Gazette de Paris, dans un de ses numéros, suggère : « d'ajouter nos chansons à nos canons : celles-ci seront pour les chaumières, ceux-ci pour les châteaux… ».

Et pendant ce temps, dans les églises les organistes reprennent en les arrangeant ces musiques « nationales », qui au départ sont écrites pour des accompagnements d'instruments à vent, ou bien ils accommodent

des airs populaires, ainsi la romance Nina écrite par Dalayrac connue un grand succès dans les églises. Dans ses Mémoires Berlioz décrit « sa première impression musicale où un jour de 1810 lors de la communion, il entendit cette romance revue et corrigée à l'orgue » 24.

Le 30 fructidor an II (16 septembre 1794) résonna au « Temple de la Morale », section Guillaume Tell25, un concert organisé au bénéfice des victimes de la catastrophe de l'explosion du magasin à poudre de la plaine de Grenelle, la musique était de Gaveaux26, la marche religieuse qui servait d'ouverture fut chantée par Chénard de l'Opéra-comique, l'explosion était traduite par vingt-et-une parties d'instruments de toutes espèces.

Il y avait là, comme musiciens, outre Gaveaux, membre de la loge L'Age d'Or de 1802 à 1804, puis de la loge Anacréon de 1808 à 1820, Dalayrac, membre de la loge Les Neuf Soeurs de 1778 à 1808*, Plantade, membre de la loge Les Amis Réunis de 1805 à 1816, puis de la loge La Réunion des Arts et de l'Amitié, Lachnitt, membre de la loge Les Neuf Sœurs de 1806 à 1809, puis de la loge La Trinité de 1809 à 182027. Tous frères en loge. Devant cette phalange de musiciens en vogue, l'histoire a perdu le nom de l'organiste ! Le nom des compositeurs a traversé les siècles, Gossec, membre de la loge La Réunion des Arts, auteur de trente-quatre compositions, Méhul, de la loge La Société Olympique avant 1789, puis du Grand Sphinx à partir de 1808, compositeur de treize morceaux, Cherubini de La Société Olympique, puis du Grand Sphinx, auteur de neuf compositions, Devienne, membre des loges La Réunion des Arts de 1781 à 1785, puis Les Amis Réunis de 1783 à 1791, enfin La Société Olympique, a composé quatre grandes symphonies, avant de mourir fou en 1803.

Tribulations des orgues de Paris pendant la Révolution Française

Notre propos n'est pas ici de retracer l'histoire des orgues de la ville de Paris à la veille de la Révolution28. Pour mémoire, rappelons seulement la situation de certaines d'entre elles, à différentes époques. Nous n'avons retenu que celles dont les titulaires entre 1790 et 1815, sont des musiciens francs-maçons. Vers la fin du XVIIe siècle on compte environ 37 paroisses, vers 1750 environ 50 et un peu plus de 55 en 1789. La loi du 4 février 1791 divise Paris en 33 paroisses (27 suppressions, 9 créations). En 1802, Paris compte 113 églises paroissiales29. Le lecteur sera peut-être surpris, de lire plusieurs fois le même nom d'organiste, titulaire simultanément de plusieurs orgues. Il était d'usage à cette époque de cumuler les fonctions, et il n'est pas rare qu'un même organiste soit titulaire de plusieurs tribunes. Ce bref panorama présente les églises de Paris avant 1789, puis pendant la période révolutionnaire et impériale. C'est souvent grâce aux facteurs d'orgues que nous connaissons l'histoire d'un instrument, ou d'un organiste. La Révolution après avoir réduit de nombreux musiciens au chômage, a engendré beaucoup de préjudices envers les instruments. Nombre d'entre eux ont été mutilés ou détruits, tandis que ceux qui furent épargnés, souffrirent pendant plusieurs années du manque d'entretien, de telle sorte que les instruments construits ou remaniés avant 1830 conservent l'essentiel de l'esthétique de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Saint-Louis-en-l'Ile

On trouve aux claviers une demoiselle Bouchard, signalée en 1763, puis Éloi-Nicolas Miroir* (1746-1815), également organiste à Saint-Germain-des-Prés jusqu'en 1811, et aussi à Saint-Eustache en 1802, qui fait « relever » l'orgue de Lesclop par François-Henri Clicquot vers la fin du siècle. Comme bien d'autres, l'instrument classique de Lesclop ne survit pas à la Révolution et disparaît entre 1795 et 1797, victime du vandalisme révolutionnaire ou plus probablement de la réquisition des métaux par le Comité de Salut Public pour soutenir l'effort de guerre.

Saint-Nicolas-des-Champs

En 1793, la paroisse fut fermée et devint « Temple de l'hymen et de la fidélité ». Elle sera rendue au culte en 1802 et restaurée. Composition de l'orgue de François-Henri Clicquot (1777). Reconstruction par le même30 pour un montant total de 14.600 livres. Organistes titulaires : Claude-Étienne Luce (1773-1783), Antoine Desprez (1783-1806), Pierre Lecourt (1806-1808), Éloi-Nicolas Miroir (1808-1815), Jean-Nicolas Marrigues (1808-1834). L'orgue passe la période révolutionnaire sans encombre et le citoyen Mollard le juge de premier ordre en l'an III. L'église est affectée au « Culte de la Fertilité ». De 1804 à 1825, Dallery se charge de l'entretien régulier.

Saint-Philippe-du-Roule 

A peine achevée en 1784, l'église ne possédait pas encore de grand orgue à l'époque révolutionnaire. Mais quand l'église des Jacobins de la rue Saint-Honoré fut désaffectée, le transfert étant à la charge du département, c'est l'administration départementale qui, le 2 octobre 1791, disposa de l'instrument qui s'y trouvait, pour l'attribuer à l'église Saint-Philippe. Le 18 décembre 1791, des ordres furent donnés au facteur Somer pour transporter l'orgue des Jacobins dans l'église Saint-Philippe et pour activer les travaux de construction de la tribune entrepris d'après les plans et sur les ordres de Chalgrin. Cependant les travaux traînèrent en longueur et lors d'une inspection, le 3 septembre 1795, l'orgue n'avait pas encore été installé. Il fallut attendre 1799 pour que l'instrument puisse être en état de servir. Après le Concordat, en 1809, sa remise en état est exécutée par Pierre-François Dallery. Titulaire de l'orgue des Jacobins depuis 1779, François Lacodre dit Blin, suivit son instrument31.

Notre-Dame

La Révolution affecte cruellement la musique à la cathédrale. La dispersion du Chapitre en 1790 entraîne rapidement celle de la maîtrise. Jusque-là fixé à douze, le nombre d'élèves se met à décroître dangereusement. Les quatre organistes titulaires, Balbastre, Beauvarlet-Charpentier, Nicolas Séjan et Claude-Étienne Luce, sont renvoyés en 1793. Dès 1794, lors d'une séance de la Commission Temporaire des Arts, le citoyen Godinot annonce la détérioration de l'orgue de la ci-devant Métropole, occasionnée par la défense faite de « toucher » cet instrument; et il demande que l'on permette aux citoyens Desprez, Séjan, Charpentier fils et autres organistes connus de toucher cet orgue. Consulté, Desprez répond : « que le mélange des jeux produit différents effets plus beaux les uns que les autres et forme un orchestre qui peut très bien servir à accompagner nos chants civiques, peindre les sentiments des vrais républicains, peindre aussi les foudres que nous réservons aux tirans ». La demande est accordée au motif suivant : « rien ne contribue tant à la conservation d'un orgue que de le toucher. » Néanmoins la Convention Nationale menace l'instrument par un arrêté du 16 Ventôse an III (5 mars 1795) qui exige « la vente des orgues existant dans les églises appartenant à la République dans la forme prescrite pour la vente du mobilier national ».

Cependant le 15 avril 1795, le clergé constitutionnel prend possession de l'église : l'orgue est peut-être employé pour des fêtes diverses. Le chœur de Notre-Dame est affecté au culte des Théophilanthropes (mai 1795) et on y organise des cérémonies en l'honneur de la déesse Raison. Le 22 thermidor an III (9 août 1795) la Commission Temporaire des Arts visite l'instrument. Un rapport est établi par le citoyen Mollard (24 thermidor - 11 août) qui déclare : « les réparations à y faire consistent en un repassage général de toutes les pièces qui le composent, le dit buffet étant d'ailleurs dans le meilleur état possible ». Le grand orgue de la Métropole est alors placé sous la surveillance du gardien P. Gilbert et l'instrument classé dans la première catégorie, celle des orgues à conserver eu égard à leur importance plus qu'à la qualité de leurs jeux. A la réouverture au culte catholique, décidée par Napoléon en 1802, c'est un des anciens organistes de Saint-Merri, Antoine Desprez, qui est titulaire du grand Clicquot. François Lacodre dit Blin, élève de Balbastre et Séjan, prend les claviers à la suite de Desprez en 1806 et obtient en 1812 un relevage réalisé par Pierre-François Dallery32, successeur de Clicquot.

Saint-Louis-des-Invalides

Régulièrement entretenu et réparé, l'instrument assura le service jusqu'en 1793. Abandonné pendant la Révolution, il se dégrade rapidement si bien que le 28 septembre 1795, une commission, composée des organistes Éloi-Nicolas-Marie Miroir, Claude Balbastre, Jean Landrin et des facteurs Jean Somer et François Dallery, déclare l'instrument hors d'état de pouvoir servir et dans un état de vétusté qui ne permet pas d'en faire usage. Il fut simplement ordonné de fermer la tribune et d'empêcher quiconque d'y pénétrer. À la réouverture de l'église, le facteur Jean Somer présente un devis de réparation qui s'élève à 8.500 francs. Ce devis, daté du 3 mars 1806, est approuvé et exécuté. Les travaux doivent se terminer le 15 août 1807. La réception des travaux a lieu le 7 octobre 1807 par les organistes Miroir, Jacques-Marie Beauvarlet-Charpentier et l'organiste titulaire : Nicolas Séjan.

Saint-Eustache

L'orgue vient de la composition de ce qui restait de celui de SaintGermain-des-Prés encore fermée au début du Consulat. En 1797-1798 cet orgue avait été démonté de Saint-Germain-des-Prés par François Clicquot pour être transporté à Saint-Eustache. Miroir tenait alors les claviers. Mais ce n'est que plusieurs années plus tard, de 1800 à 1802, que cet instrument fut remonté par les Dallery. Miroir, curieusement, suivit son orgue et devint ainsi titulaire de Saint-Eustache en 1802 !

Saint-Vincent-de-Paul

C'est sous l'Empire que débute l'histoire de l'église Saint-Vincentde-Paul. En effet en messidor de l'an XII (juillet 1804), alors que l'actualité est occupée par le procès des généraux Pichegru et Moreau et du chef chouan Cadoudal, un décret crée la paroisse Saint-Vincent-de-Paul. Ce nom lui est donné parce que son territoire s'étend sur une partie des dépendances de la Maison de Saint-Lazare. Au début, cette nouvelle église fut très modeste puisqu'il s'agissait d'une chapelle en location, contenant à peine 200 chaises, située au numéro 6 de la rue de Montholon. Le premier organiste est un certain Branchard, qui prit ses fonctions en 1810. C'est sous son titulariat que Dallery répara l'orgue qui fut inauguré le 15 septembre 1812 par Miroir. Cependant Branchard ne resta que quatre années à Saint-Vincent-de-Paul, car dès la fin de 1814 Baron père lui succédait33.

Saint-Laurent

En 1789, dès le début de la Révolution, l'église fut dévastée par les émeutiers. Elle deviendra « Temple de la Raison » en 1793, puis « l'Hymen et de la Fidélité », enfin « Temple de la Vieillesse » en 1798, pour être rendue, en 1802, au culte catholique. En 1787, le facteur François-Henri Clicquot avait reconstruit entièrement l'instrument pour la somme de 5.100 livres. Pendant la Révolution, l'organiste Nicolas-Jean-Pierre Chauvet assura bénévolement la garde et l'entretien de l'instrument.

Saint-Merri

Fermée en 1793, comme Saint-Germain-des-Prés, l'église sera transformée en usine de salpêtre. De 1795 à 1801, elle sera baptisée « Temple du Commerce ». A partir de 1763, c'est François-Henri Clicquot qui avait entretenu l'orgue, puis entrepris une grande restauration, objet de deux marchés successifs : 7.400 livres en 1778, puis 1.200 livres en 1782. Il semble qu'il ait alors laissé l'ancien sommier qui ne sera changé qu'après la mort de Clicquot, par son fils Claude-François, en 1791. Pendant la période révolutionnaire, l'instrument échappe au pillage mais soufre et salpêtre sont entreposés dans l'église ! En 1796, l'organiste Desprez fait réparer le buffet et en 1799, quelque temps avant sa mort, Claude-François Clicquot le remet en état34.

Saint-Jacques du Haut-Pas

L'église est pillée en 1793, comme de nombreuses autres. A cette date elle fait partie des quinze églises mises à la disposition des catholiques parisiens par la Convention nationale suite à la reconnaissance de la liberté des cultes. En 1797, la loi impose l'égal accès des édifices religieux à tous les cultes qui le demandent. Les Théophilanthropes demandent à pouvoir bénéficier de l'église comme lieu de réunion. Elle prend alors le nom de « Temple de la Bienfaisance ». Le chœur est réservé aux Théophilanthropes et la nef reste à la disposition des catholiques. En 1801, suite au Concordat, la paroisse reprend la totalité du bâtiment. L'orgue, acheté en 1742, au facteur François Thierry, restera en service jusqu'à la Révolution et en 1792, lors de sécularisation de la collégiale Saint-Benoît-le-Bétourné, son grand orgue, œuvre du facteur Langhedul, est offert à Saint-Jacques par la municipalité. C'est Claude-François Clicquot qui est chargé du transfert et de la remise à neuf de l'instrument qui aura trente-trois jeux et quatre claviers. Certaines parties du buffet, dues au menuisier Claude Delaistre, remontent à 1587, ce qui donne à Saint-Jacques le privilège de posséder partiellement le buffet le plus ancien de Paris. Le titulaire en titre est le profane Cudin (père) de 1788 à 182635, mais Antoine Lefebure-Wely, maître de clavecin, lui est adjoint en tant que suppléant de 1802 à 1805.

Saint-Roch

Au cours de la Révolution, les soldats pénétrèrent dans la tribune. Ils enlevèrent un grand nombre de tuyaux d'étain et les firent fondre pour en fabriquer des cuillers, de sorte qu'après la Révolution, il ne restait plus que 1367 tuyaux sur les 2795 dont se composait l'instrument avant la fermeture de l'église ! Quand le culte fut rétabli, Claude Marduel, curé de Saint-Roch, dans l'impossibilité d'utiliser son grand orgue, demanda et obtint celui de l'abbaye Saint-Victor ; mais il ne put jamais en prendre possession et dut se contenter de matériaux déposés aux Menus-Plaisirs, et prélevés dans des orgues provenant de la chapelle de l'École Militaire et de l'église des Petits-Augustins, « sauf les grands jeux » de ce dernier instrument. Le facteur Pierre Dallery tira donc le meilleur parti des tuyaux mis ainsi à sa disposition, et arriva à mettre l'orgue en état de fonctionner d'une manière satisfaisante pour l'inauguration de 1805. Se sont succédés à la tribune de Saint-Roch : Claude-Bénigne Balbastre (1756-1795), Antoine Lefebure-Wely (1805-1831), puis son fils Louis James Alfred Lefebure-Wely (1831-1847)36.

Saint-Thomas-d'Aquin

En 1791, l'église du couvent est érigée en paroisse sur l'ancien territoire de Saint-Sulpice, et placée désormais sous le patronage de SaintThomas-d'Aquin. En 1793 les religieux sont expulsés, les bâtiments conventuels abritent le musée de l'Artillerie (1796) et l'église, en 1797, devenue « Temple de la Paix », est concédée aux Théophilanthropes, puis au Club des Jacobins. Le buffet de l'orgue fut exécuté, en 1769, par François-Charles Butteux, maître sculpteur, pour la somme de 2.800 livres. Il était « de chêne sculpté avec figures et ornements », et renfermait un orgue de 16 pieds, ouvrage de François-Henri Clicquot, qui fut inauguré en 1771 et reçu le 2 août 1773 avec, comme arbitres, « le Sieur Balbâtre, organiste, et Dom Bedos de Celles de l'abbaye de Saint-Denis ». En 1792, il est démonté et transporté au Panthéon. En 1802, année de la réouverture au culte de l'église Saint-Thomas-d'Aquin (ordonnance du 7 mai 1802), il retrouve sa place d'origine. Ce travail est confié au facteur Louis-Paul Dallery qui constate que les vieilles orgues ne sont plus que des débris et que l'ensemble des réparations et de l'installation coûtera 12.000 livres. Ces travaux sont cependant exécutés et l'inauguration a lieu le 19 juin 1802. Le 26 décembre 1804, le pape Pie VII y célèbre la messe37. Les différents titulaires sont : Duchesnes, puis Jean-Nicolas Marrigues du 18 octobre 1802 à 1834.

Saint-Germain-des-Prés

L'abbaye est dissoute en 1791. L'église devient d'abord une église paroissiale, puis est convertie en usine de salpêtre. Les anciennes tombes des rois mérovingiens sont dispersées, les statues du portail sont détruites et la bibliothèque disparaît dans un incendie en 1794. Les bâtiments de l'abbaye sont vendus et dévastés par le percement de la rue de l'Abbaye en 1800. En 1803, l'église est rendue au culte. Au cours des années qui suivent, elle menace alors de tomber en ruines au point qu'on envisage de la démolir.

Au début de la Révolution, l'orgue est en bon état. La démolition de l'abbatiale décidée, les facteurs Somer et Chevallier durent démonter l'orgue et l'entreposer au « Cabinet des Machines », alors rue de l'Université. On le destinait aux savants de ce qui deviendra le Conservatoire des Arts et Métiers, pour servir de noyau à un orgue modèle aussi complet que celui de Saint-Sulpice. Ce projet n'eut pas de suite. L'orgue fut alors transféré vers le dépôt du prieuré de Saint-Martin-des-Champs. En 1802, on rendit le rang de paroisse à l'église de l'ancienne abbaye Saint-Germain. Il ne pouvait être question de ramener l'orgue aliéné. Il fallait en trouver un autre. On se mit en quête dès 1804 mais les temps étaient passés et il ne restait plus grand-chose de disponible qui fût complet et en bon état. Seul l'orgue de l'abbaye Saint-Victor répondait à peu près au désir. Il avait été démonté pour procéder à la démolition de la vieille abbaye rivale et dormait au dépôt du Conservatoire des Arts et Métiers. En 1804, cet orgue de valeur, mais entreposé depuis huit ans, était le dernier grand instrument disponible. La « succursale de Saint-Germain-des-Prés » l'obtint du ministre de l'Intérieur, au prix d'un grand affolement au Conservatoire où un conservateur tient toujours à garder le contenu de ses dépôts. En outre, il y avait eu des vols que l'on aurait préféré tenir ignorés en haut lieu. Il fallut bien avouer la chose au ministre et le gardien indélicat identifié écopera de deux mois de prison. Somer prendra livraison de l'orgue de Saint-Victor et le transportera à Saint-Germain. Pour compenser les pertes, chiffrées à environ 400 kg d'étain, le ministre fait livrer en plus, ce que Somer a pu dénicher dans le dépôt : « 214 livres de plomb, 79 d'étain, 2 grands soufflets provenant des Cordeliers et ... 12 grilles de fer de 18,70 mètres de long sur 1 mètre de haut ».38

Saint-Nicolas-des-Champs

Pendant la Révolution, l'organiste Antoine Desprez, qui avait succédé à Claude-Étienne Luce, se constitua le gardien de son instrument qui fut ainsi préservé de tout dommage. Le citoyen Mollard le juge de premier ordre en l'an III. De 1804 à 1825, Dallery se charge de l'entretien régulier. À cette date, on entreprend une remise en état du décor de l'église et c'est alors que le buffet reçoit cette superbe couleur chocolat afin de l'embellir. De plus, après 50 ans de service, plusieurs travaux furent nécessaires pour le remettre en état39.

Notre-dame-des-Victoires

À la Révolution l'église, privée de ses religieux, devient le siège de la Loterie Nationale, puis de la Bourse des Valeurs. Elle retrouve le culte et sa paroisse sous l'Empire, en 180240. C'est Jean-Nicolas Lefroid de Mereaux qui est titulaire de l'orgue.

Temple des Billettes

Ancien couvent des Carmes Billettes (du nom d'un ornement sur la robe des moines), construit en1290 sur l'emplacement d'un « miracle » (une hostie lardée de coups de couteau par un juif se serait envolée). Le cloître date du XVe siècle, c'est le seul du Moyen-âge subsistant à Paris. L'église a été reconstruite en 1756. Les bâtiments ont servi de grenier à sel sous la Révolution. Ils ont été affectés au culte luthérien en 1808, et réhabilités. Le premier culte y a été célébré le 26 novembre 180941.

Temple de l'Oratoire du Louvre

C'est en 1621 que le père de Bérulle forme la Congrégation de l'Oratoire et ouvre le chantier de la chapelle de l'Oratoire. En 1793, l'église est saccagée, pillée et devient salle de conférences, salle d'études, magasin de dépôt de décors de théâtre. En 1811, Napoléon met l'Oratoire à la disposition du culte réformé. L'intérieur de l'édifice sera entièrement réaménagé pour le culte protestant. Les boiseries proviennent de l'ancienne église Saint-Louis-du-Louvre, déjà affectée au culte réformé de 1790 à 1811 puis démolie. Le premier pasteur de l'Oratoire a été Paul-Henri Masson (1754-1832), précédemment chapelain de l'ambassade de Hollande. C'est Jean-Nicolas Lefroid de Mereaux qui d'octobre 1791 à février 1838 est titulaire des orgues.

Temple du Marais

Cette ancienne chapelle du couvent des filles de la Visitation ou Visitandines a été construite par François Mansart entre 1632 et 1634. En 1790, devenus bien national, le couvent et la chapelle sont vidés de leur mobilier et servent d'entrepôt aux livres saisis chez les émigrés. En 1792, les Visitandines doivent quitter leur couvent. Dans la chapelle se réunissent l'association des « Amis des Lois » et un club révolutionnaire.

En 1796, les bâtiments sont vendus, puis détruits à l'exception de la chapelle. Par arrêté du premier consul Bonaparte, cette église désaffectée est attribuée au culte réformé le 3 décembre 1802, et devient un temple protestant où le culte est célébré depuis le 1er mai 1803.

La condition sociale et financière des organistes

Les organistes francs-maçons de la période impériale forment une petite phalange d'une quinzaine de solistes, en marge d'une « masse de granit » composée de presque 400 autres musiciens. Nous ne savons pas grand-chose de leur milieu social, de leur formation, de leur mode de vie. Il en est de même de leurs activités maçonniques. La lecture des archives ou des mémoires de l'époque ne donne qu'une masse de faits divers, de menues précisions qui ne reflètent pas obligatoirement la réalité. Nous ne pouvons que procéder par pointillisme42.

Les organistes et leur origine.

Comme d'autres instruments, mais peut-être plus que les autres, l'orgue demande un long apprentissage en raison de sa complexité. Rappelons que cet instrument est doté de trois ou quatre claviers manuels et pédales, il compte en général entre dix-huit et trente-deux bascules et trois jeux à l'octave. Mais certains instruments possèdent jusqu'à trente-sept bascules chromatiques et six jeux, dont deux de mutation (quinte, tierce)43.

Dans ces conditions, un long apprentissage est nécessaire pour pouvoir « toucher honnêtement » de l'instrument. Plusieurs années s'avèrent nécessaires à l'acquisition d'un tel bagage. Se pose alors la question du métier et du don. Le premier s'acquiert peu à peu par la pratique, au clavecin d'abord, puis à l'orgue. Le second habite souvent une famille et passe de père en fils. Il peut aussi sourdre chez un être sans attache musicale, sous l'influence d'un maître.

Dans le cas du don, il n'est pour l'apprenti organiste que de se laisser prendre, vivre, au contact des siens. C'est au centre d'un foyer musical que naissent les vocations. Citons quelques fils ou membres de familles d'organistes : Jacques-Marie Beauvarlet-Charpentier dont le père Jean-Jacques (1730-1794) était organiste de Notre-Dame44.

François Lacodre dit Blin (1757-1834), originaire de Beaune dans la Côte d'Or, n'était pas fils d'organiste, mais neveu d'un organiste de Dijon, Blin, bien connu comme titulaire de l'orgue des Jacobins et de l'hôpital du Saint-Esprit ; afin de perpétuer la mémoire du dit oncle, il se fait connaître à Paris sous le nom de Lacodre dit Blin45. Il fut l'élève de l'abbé Roze, de Séjan et peut-être de Balbastre.

Jean-Nicolas Lefroid de Mereaux (1767-1838) est l'exemple même d'un membre d'une dynastie musicale. Trois générations de cette famille s'illustrèrent à l'orgue. Il est le fils de Jean-Nicolas (1746-1797) organiste de l'église Saint-Sauveur de Paris et membre de la loge Saint-Charles des Amis Réunis (1783-1786) et de La Société Olympique (1783-1786)46. Son fils Amédée (1802-1874) fut un pianiste de renom.

Venant d'Allemagne, Jean-Gilles Schwarzendorf dit Martini (1741-1816) était le fils d'un modeste instituteur du Palatinat supérieur mais organiste de talent. Après de solides études chez les Jésuites de Fribourg-en-Brisgau où il est organiste du séminaire, il s'installe à Nancy où il épouse la nièce du premier organiste de la cathédrale. Il fut membre de la prestigieuse loge des Amis Réunis de 1782 à 181647.

Le cas d'Éloi-Nicolas-Marie Miroir (1746-1815) mérite attention. Fils d'Éloy-Marie Miroir organiste à Montreuil-sur-Mer, il appartenait à une famille d'organistes : outre son père, il avait deux frères organistes. Suivant l'usage, on les distinguait en les désignant sous le nom de Miroir l'Aîné, Miroir le Cadet et Miroir le Jeune. Celui qui nous concerne est le premier.

Joseph Pouteau dit Forqueray (1739-1823) est originaire de Chaumesen-Brie, véritable pépinière de musiciens, berceau de la famille Couperin48 et de la famille Forqueray49. Joseph Pouteau, petit-neveu de Michel Forqueray, adopte son nom50.

Henri-Jean Rigel (1770-1852) appartient aussi à une famille de musiciens, son père Henri-Joseph (1741-1799) était un compositeur et claveciniste réputé, et il avait un frère Louis (1769-1811) lui-même claveciniste de renom. Il fut membre de la loge La Société Olympique en 1786.

Le métier

Il y a une autre manière de découvrir l'instrument : c'est la mise en apprentissage chez un musicien qui pratique l'orgue et qui se voit confier un jeune adolescent auquel il révèlera durant plusieurs années, la musique, puis le jeu de l'instrument. Souvent entre les parents et ce maître, un acte sera passé devant notaire. Le maître s'engage à laisser de temps en temps la tribune dont il se trouve être titulaire.

Marie-Pierre Chenié (1773-1832) fut l'élève de l'abbé d'Haudimont (1759-1780), lui-même disciple de son compatriote Rameau. Chénié est plus connu comme contrebassiste et compositeur, et pourtant il a été durant plusieurs années organiste de l'église Saint-Louis de la Salpetrière.

Antoine Desprez (1725-1806) était l'un des disciples de Nicolas-Gilles Forqueray, dont il devint rapidement le suppléant comme organiste à l'église des Saints-Innocents, puis titulaire de 1750 à 1779 ; il succède ensuite en 1789 à Pierre-Louis Couperin. Il a occupé les grandes orgues de Saint-Merri pendant quarante-quatre ans. Son fils Nicolas-Philippe devait lui succéder51.

Pierre Desvignes (1756-1827) avant d'être organiste à Notre-Dame de Paris en 1802 et chef adjoint de la chapelle de Napoléon, avait débuté sa formation à la maîtrise de la cathédrale Saint-Étienne de Dijon. Il a été ensuite le disciple de Lesueur et nommé organiste de la collégiale Saint-Martin de Tours52.

Jean-Nicolas Marrigues (1757-1834) était l'élève d'Armand-Louis Couperin (1727-1789) et de Julien Mathieu de Lepidor. Organiste de Saint-Louis de Versailles de 1785 à 1793, il fut titulaire du nouvel orgue de Saint-Thomas-d'Aquin de 1802 à 1834.

Joseph Nonot (1751-1840) organiste de Saint-Germain-des-Prés, avait appris seul à jouer de l'orgue et du clavecin ; il eut ensuite comme maître son prédécesseur Leclerc.

Philippe-Jacques Pfeffinger (1765-1826) titulaire du Temple Réformé des Billettes, avait été l'élève d'Ignace Pleyel, lui-même disciple de Joseph Haydn !

Prosper Charles Simon (1788-1866) d'origine bordelaise était l'élève de Franz Beck, et à Paris il étudie la composition avec Antonin Reicha. Il débute sur les orgues de l'abbatiale Sainte-Croix de Bordeaux, à peine âgé de quatorze ans !

Les organistes dans la ville

Pour le moment nous manquons d'une grande synthèse sur la vie quotidienne des organistes parisiens de cette époque. Par les catalogues de la Bibliothèque nationale de France fonds musique, nous pouvons dresser une typologie de leurs œuvres. Mais les zones d'ombre demeurent encore nombreuses. Nous savons peu de chose sur leur recrutement, leurs revenus, leur place dans la société53. Parfois, les archives des églises nous laissent une trace.

C'est le cas pour Lefroid de Mereaux, dès le mois d'octobre 1791, un traitement annuel de 300 livres lui fut proposé il en réclama 400, que le Consistoire lui accorda pour l'année 1792, et en outre 300 livres pour les huit mois de service qu'il avait assurés depuis l'ouverture de l'église au culte réformé (mai 1791). Si Mereaux partage son activité entre plusieurs églises, l'on comprend qu'en juillet 1792, le Consistoire s'émeuve des « fréquents remplacements que se permet M. Méreaux, organiste ». On se satisfera, du reste, des explications qu'il fournira. En l'an XI, d'après le tableau des employés du temple de la rue Saint-Thomas du Louvre et de leur traitement annuel, « le citoyen Méreaux, organiste, reçoit par an 500 francs, par trimestre de 125 francs ». En 1811, Mereaux suivit son orgue à l'église de l'Oratoire. En 1816, son traitement annuel s'élevait toujours à 500 francs. En 1823, il demanda une augmentation d'honoraires, en raison du nouveau service célébré dans le temple le jeudi ; le Consistoire lui accorda une telle gratification de 150 francs. Hélas, la piste ne va pas au-delà.

Pour mémoire, un baryton de la chapelle impériale54 touchait environ 2.000 francs, un violoniste à l'Opéra 6.000 francs, un professeur au Conservatoire en moyenne 1.000 francs. C'est beaucoup comparé au traitement moyendes organistes, 500 francspour lesplus chanceux et plus souvent 300 francs. Dans ces conditions, ils vont chercher un complément de revenus dans d'autres activités musicales : le professorat, l'édition, la composition.

Deux organistes exercent la profession d'éditeur.

Jacques-Marie Beauvarlet-Charpentier55. A partir de 1794, il est éditeur, son adresse est itinérante dans la capitale, d'abord rue de Touraine (1794-1795), puis quai de l'Égalité (1796-1798), boulevard Poissonnière (1811-1818). Il assure jusqu'en 1811 essentiellement la vente de ses propres ouvrages, ensuite il diffusa ceux d'autres compositeurs. Mais sa situation ne devait pas être très brillante, puisque dès 1818, il se présente en tant que « compositeur, luthier, marchand de musique », quelques années plus tard, il ajoute « professeur de piano, organiste de Saint-Paul et de Saint-Germain-des-Prés, compositeur, éditeur et marchand de musique ». Son nom disparaît des annuaires de Paris après le 3 novembre 1821.

Philippe-Jacques Pfeffinger, originaire de Strasbourg, était le disciple et l'ami de Pleyel. Il fut organiste titulaire du Temple Réformé des Billettes. Il s'installe à Paris vers 1794 comme professeur de piano et compositeur ; il devient un éditeur actif de septembre 1812 à 1826, son commerce était situé au 27 rue du Faubourg Montmartre. Il appartint aux loges La Parfaite Estime et La Société Olympique de 1804 à son décès.

Plus nombreux sont ceux qui vont exercer le professorat. La voie royale est la nomination au Conservatoire. On y trouve Marie-Pierre Chénié, contrebassiste à l'Opéra de 1795 à 1830, membre de la chapelle de Louis XVIII, organiste. Notons que Chénié (1773-1832) était avant tout contrebasse, pendant toute sa vie il a été le défenseur de la contrebasse à trois cordes et c'est en cette qualité qu'il est nommé le 23 mars 1827 professeur au Conservatoire, au traitement de 1.000 francs. Il meurt en fonction. Il fut membre des loges Isis, puis Les Cœurs Unis de 1812 à sa mort.

Jean-Gilles Paul Martini, de son vrai nom Schwarzendorf (17411816) ) nommé professeur de composition au Conservatoire le 4 messidor an IX (23 juin 1801), était précédemment inspecteur de l'enseignement dans le même établissement le 19 thermidor an (6 août 1796). Lors de la Restauration il est nommé surintendant de la musique du roi au traitement de 6.000 francs. Il fut membre de la loge Les Amis Réunis de 1782 à 1790, puis à partir de 1804 jusqu'à sa mort.

Isaac François-Antoine Lefebure-Wely, (1756-1831) quoique organiste de renom durant l'Empire, était compté parmi les professeurs de piano d'une certaine renommée avant la Révolution. Il appartint à la loge Les Frères Unis de Saint-Henri en 1787, puis sous l'Empire à la loge Le Centre des Amis en 1804, et enfin à celle des Élèves de la Nature en 1810.

Jean-Nicolas Lefroid de Mereaux, organiste du « Temple Saint-Louis du Louvre » puis de l'Oratoire pendant 47 ans, percevait un traitement de 500 francs. Il complétait celui-ci par le professorat. Aux dires de ses contemporains « c'était un professeur de mérite, en relations suivies avec toutes les célébrités musicales ». Il fut membre et directeur de la colonne d'harmonie de sa loge Les Cœurs Unis de 1809 à son décès.

Jean-Nicolas Marrigues (1757-1834) titulaire de l'orgue de la Chapelle royale de Versailles, puis de la cathédrale Saint-Louis de Versailles de 1785 à 1793, a été organiste à Saint-Thomas-d'Aquin, à Saint-Nicolas-des-Champs et à Saint-Gervais à Paris à compter de 1826. Également professeur à l'Institut National des jeunes Aveugles56, en 1831, il succède pour l'enseignement de l'orgue à Guillaume Lasceux. Il était membre de la loge Le Patriotisme avant 1789, puis de la loge Du Point Parfait en 1809 jusqu'à son décès en 1834.

Joseph Waast Aubert Nonot (1751-1840) était le fils d'un graveur des États d'Artois à qui sa réputation hors de sa province, avait valu une certaine fortune. Son fils pouvait donc apprendre l'art de la fugue en amateur éclairé. Il apprit seul l'orgue et le clavecin. Puis à Paris il fut l'élève de l'organiste de Saint-Germain-des-Prés, Leclerc. Il était « maître » (professeur) de ces deux instruments, il était aussi organiste mais sans charge à Paris. C'est à Arras à la cathédrale Saint-Géry qu'il exerça comme titulaire jusqu'en 1789. Après la Révolution il tint les orgues de Saint-Germaindes-Prés de 1802 à sa mort en 1840. Il était professeur de clavecin et de piano pour les enfants de la bourgeoisie d'affaires originaire du Nord. Membre de la loge L'Heureuse Réunion en 1788, officier du Grand Orient en 1789, membre de L'Affiliation Lyrique et Anacréontique de 1808 à 1820.

Joseph Pouteau (dit Forqueray) (1739-1823) organiste de SaintJacques-de-La-Boucherie, puis de Saint-Martin-des-Champs à l'âge de quinze ans avant 1789. Il est après la Révolution, titulaire des orgues de Saint-Merri de 1807 à 1818 et de Saint-Séverin. Il était professeur de musique du très select pensionnat des Dames Ursulines, le célèbre collège de Madame Campan. Avant la Révolution il était membre des loges Saint-Théodore de la Sincérité (1776), Caroline-Louise Reine de Naples (1777), sous l'Empire il appartint aux loges Le Centre des Amis (1804), puis Les Élèves de la Nature (1810-1812).

Henri Jean Rigel, élève de son père, élève précoce car il est nommé professeur de 2e classe au Conservatoire en l'an iii (1795) à vingt-trois ans ! Il quitte son poste en floréal an V (avril 1797). Il est l'un des musiciens qui participe à la Campagne d'Égypte et est nommé directeur du Théâtre français du Caire en 1799. De retour en France, il déploie une intense activité de professeur de piano à Paris, Napoléon le nomme en 1804, organiste et pianiste de sa musique particulière. Sous la Restauration, il est pianiste de la musique particulière de Louis XVIII.

Les organistes au service de la propagande.

Le rôle social des musiciens se trouve solennellement affirmé dans un document que publia le journal le Rédacteur du 13 vendémiaire an V (4 octobre 1796) : « Ministère de l'Intérieur. Proclamation faite au Champ de Mars, le 13 vendémiaire an V, anniversaire de la fondation de la République, conformément à l'arrêté du Directoire.

Si, de tout temps, la nation française a su vaincre, de tout temps elle a su chanter ses victoires; mais, sous le règne du despotisme, le génie enchaîné n'avait que peu de cordes à toucher sur la lyre : aujourd'hui la liberté lui rend tout son essor... » La proclamation fait ensuite l'éloge de Rouget de Lisle, elle nomme les poètes qui ont écrit pour la patrie et ajoute : « Au premier rang des compositeurs républicains, la nation place et proclame : le citoyen Gossec. l'un des cinq inspecteurs du Conservatoire de musique, qui ne laisse guère échapper une fête civique sans offrir son tribut de talent à la patrie ; le citoyen Méhul, dont le Chant du Départ rivalise avec l'hymne marseillais. « […] Poètes et compositeurs, la Nation vous proclame dignes de sa reconnaissance, et vous invite encore par vos talents, dans cette nouvelle année, à l'ornement des fêtes nationales et à la gloire de la patrie ! ».

De 1790 à la chute de l'Empire, les musiciens en général et les organistes en particulier sont mis à contribution pour participer à la propagande gouvernementale. L'exemple suivant, se passe de commentaire.

Un service solennel d'action de grâces fut célébré dans le temple de la rue Saint-Thomas du Louvre le jeudi 29 frimaire an xiii(20 décembre 1804), « au sujet du couronnement de Leurs Majestés Impériales » qui avait eu lieu à Notre-Dame de Paris le 2 décembre précédent. Antoine Fabre d'Olivet fut chargé, avec l'organiste Mereaux, de tout ce qui avait rapport à la musique et aux instruments. Pour la circonstance, l'un des membres du Consistoire, nommé Ourry, composa un hymne. Au succès de la cérémonie contribuèrent, le frère Duvernoy, et d'autres. Pour sa peine, Mereaux reçut une gratification de 150 livres, après qu'on lui eut adressé des témoignages de satisfaction pour son « excellente musique ». Le Consistoire pouvait se féliciter d'avoir célébré avec éclat « l'époque mémorable du sacre et du couronnement de Leurs Majestés Impériales ».

On récidiva le 5 brumaire an xix (27 octobre 1805), un service solennel d'action de grâces fut organisé « […] pour témoigner combien nous devons de reconnaissance à l'Éternel, Dieu des armées, pour la haute et puissante protection qu'il accorde à nos armées françaises et à leur auguste chef ». On chanta le Te Deum, et l'orgue fut touché, à la fin du service, par M. Séjan. En cette période euphorique, les protestants français, sans distinction de confession, donnaient libre cours à leur gratitude envers Napoléon Bonaparte, qui par les Articles organiques du 18 germinal an X (8 avril 1802) avait octroyé un statut à leurs églises.

La Révolution, avec ses réjouissances continuelles, ses fêtes civiques destinées à exalter les forces morales de la Patrie, la fraternité humaine et l'idéal de liberté, avait fait la part belle à la musique, qui devenait un art national dirigé par l'État. Mais ces spectacles grandioses qui avaient généralement lieu en plein air au Champ de Mars, ne suffisaient pas à meubler les loisirs des Parisiens oisifs, des parvenus et des néo-bourgeois qui, le soir venu, emplissaient les salles de l'Opéra, du Théâtre italien, de l'Ambigu Comique, de l'Académie de Musique, de l'Opéra-Comique et du Théâtre de Monsieur pour ne citer que les principales salles de l'époque57. Certains musiciens poussèrent le zèle laudateur à l'extrême, Beauvarlet en est peut-être le meilleur exemple.

Jacques-Marie Beauvarlet-Charpentier après la fermeture des églises pendant la Révolution, joua pour des groupes parareligieux comme les Théophilanthropes et aussi au « Temple de la Reconnaissance ». Il composa des œuvres politiquement correctes, notamment Le réveil du peuple (1795) et des Hymnes à l'usage des adorateurs de Dieu et des hommes (c'està-dire pour les Théophilanthropes) datées de 1799. Après le 18 Brumaire, il flatta le nouveau régime en composant non seulement La Bataille d'Austerlitz, mais La Cérémonie du couronnement de l'empereur (1804). Plus tard, à l'instauration de la Première Restauration, il changea encore de camp, en écrivant un morceau à l'honneur de Louis XVIII sous le titre, Louis le désiré à Paris (c. 1814). Ses changements étaient si flagrants que les auteurs du Dictionnaire des Girouettes de 1815 jugèrent qu'il méritait une notice à lui seul : « Beauvarlet-Charpentier. Marchand, éditeur, compositeur de musique. Êtes-vous royaliste? Demandez à M. Beauvarlet, La Paix, l'Union des nations, et le Retour du roi de France, divertissement militaire pour le piano, avec accompagnement de violon, prix 6 francs, ou trois Domine fac salvum regem. Êtes-vous bonapartiste? Demandez alors à M. Beauvarlet-Charpentier, L'Illustre et heureuse alliance, grande symphonie arrangée par lui, à l'occasion du mariage de l'empereur ; prix 6 francs »58.

En tant qu'organiste, Beauvarlet-Charpentier joua successivement à Saint-Germain-L'auxerrois, à Saint-Germain-des-Prés, à Saint-Eustache. Outre les œuvres citées ci-dessus, il composa 50 chansons et romances, dix grandes œuvres programmatiques, de la musique d'église et un opéra court Gervais ou Le Jeune Aveugle qui fut représenté en 1802 au Théâtre des Jeunes Artistes pendant sept mois.

En guise de conclusion provisoire.

Au début du xixe siècle l'école d'orgue était dans le creux de la vague. En province, les maîtrises restaient très peu nombreuses, et la diffusion du répertoire n'était pas assurée. Certains organistes conscients de la situation de leur art, mais aussi d'une façon plus générale du devenir de la musique religieuse, attirent alors l'attention du Ministre des cultes. En 1810, en compagnie de neuf organistes parisiens, celui-ci adresse une requête à Bigot de Préameneu (1747-1825) en vue de fonder une école d'orgue, estimant que l'art de l'orgue, à la suite des méfaits de la Révolution, risquait de disparaître59. Il est notamment précisé que l'orgue est

l'instrument de la religion, qu'il est en partage de l'office divin avec les ministres des autels et les officiers du chœur ; il répond à leurs voix comme aux chants des fidèles ; il dirige et régularise les concerts pieux dont les voûtes saintes retentissent ; et en contribuant au repos du chœur, il laisse à l'assemblée religieuse la tenue du recueillement […] Cet Art [de l'orgue] touche à sa fin ; deux causes en annoncent la destruction prochaine ; d'abord, un préjugé trop accrédité, qui dispute aux organistes le talent propre à l'enseignement du piano ; c'est en vain qu'ils opposent à ce préjugé les nombreux élèves qu'ils ont faits et qu'ils font, l'évidence même ne peut rien contre la prévention. Et, en second lieu, l'insuffisance de leurs traitements. Cet injuste préjugé et cette modicité d'honoraires écartent tout élève de la carrière de l'orgue... 

Les dix organistes signataires sont : Marrigues*, Miroir aîné*, Lasceux, Lefebure-Wely*, Boulogne*, Thomelin, Couperin, Pouteau de Forqueray*, Séjan, et Lacodre dit Blin*. Ainsi parmi eux, six « frères » organistes pétitionnent auprès du Très Illustre Frère Bigot de Préameneu, pour sauver la musique d'église et l'art de l'orgue ! Dans ces conditions il n'est guère possible de parler d'un véritable « Concordat musical » sous Napoléon. Certes, le régime impérial a donné à l'Église la faculté de renouer avec la vie musicale, mais il n'existe pas – en tout cas pas avant 1812 ou 1813 – de volontarisme de l'État dans le domaine de la musique d'église. Soyons reconnaissant à ces six francs-musiciens d'avoir ouvert la porte au renouveau de la musique religieuse.

notes

* L'auteur remercie tout particulièrement MM. Patrice Ract-Madoux, Francis B. Cousté, et Jean-Pierre Bouyer pour leur aide et leurs précieux conseils, sans lesquels cet article n'aurait pu être écrit. Les recherches et publications de M. Denis Havard de la Montagne sur le site Musica et Memoria

  1. Juan R. Biava, organiste titulaire de Saint-Pierre-de-Montmartre (18e), président du Syndicat National des artistes Musiciens des Cultes.

  2. Pierre-François Pinaud, « Présence de la musique en loge : la Colonne d'harmonie », dans L'Éducation Musicale, mars-avril 2010, n° 565, pp. 40-42.

  3. Louis-Nicolas Clerambault (1676-1749), compositeur et organiste. il s'illustre comme l'un des précurseurs de la musique maçonnique, il publie en 1743, une cantate maçonnique de chambre intitulée : Les Francs-maçons.
  4. Pierre-François Pinaud, Les Musiciens francs-maçons au temps de Louis XVI, Paris, véga, 2009, 343 pp.
  5. Joël-Marie Fauquet, Dictionnaire de la musique en France au xixe siècle, Paris, Fayard, 2002, 1406 pp.
  6. Hector Berlioz, Grand traité d'instrumentation et d'orchestration modernes (1843-44) ; Publié pour la première fois en 1843, puis dans une version révisée en 1855 avec l'ajout de L'Art du chef d'orchestre.
  7. François Sabatier, « Pour une histoire des orgues en France pendant la Révolution (17891802) » dans L'Orgue, Paris, 1989, dossier iv.
  8. Félix Raugel, Les grandes orgues des églises de Paris et du département de la Seine, Paris, Fischbacher, 1927.
  9. Norbert Dufourcq, Le livre de l'orgue français, Paris, Picard, 1971-1982, 5 vol., t.4. pp. 203-204.
  10. Pierre-François Pinaud, « Un havre maçonnique : La Chapelle impériale des Tuileries (1802-1815) », dans Chroniques d'Histoire Maçonnique, Paris, 2010, n° 66, pp. 4-15.
  11. Charles Bouvet, Une dynastie de musiciens français : les Couperin organistes de l'église Saint-Gervais, Paris, Delagrave, 1919, 361 pp.
  12. S.N, « Les Musiciens d'église en 1790 : premier état d'une enquête sur un groupe professionnel », dans Annales historiques de la Révolution française, avril-mai 2005, n° 340, pp. 57-82.
  13. Marie-Claire Mussat, « Les musiciens d'Église en Bretagne : des citoyens-musiciens », dans Revue de musicologie, Paris, t. 94, 2008, n°2, pp. 423-439.
  14. Catherine Gas-Ghidinia et Jean-Louis Jam, Aux origines de l'école française du piano-forte, de 1770 à 1815, Clermont-Ferrand, P.U. Blaise Pascal, 2004, 262 pp.
  15. Colombe Samoyault-Verlet, Les facteurs de clavecins parisiens, notices biographiques et documents, 1550-1793, Paris, Société Française de Musicologie, 1966, 289 pp.
  16. Gretry, Réflexions d'un solitaire, Bruxelles-Paris, 1919, 2 vol, t. ii, p. 113.
  17. Alfred Fierro, Histoire et dictionnaire de la Révolution française, 1789-1799, Paris, PUF, 1987, 1213 pp.. voir article musique, pp. 999-1000.
  18. Albert Soboul, Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989, 1132 pp. voir article Musique de F. Robert, pp. 776-777.
  19. Guy Chaussinand-Nogaret, Mirabeau, entre le roi et la Révolution, Paris, Seuil, 1987, 281 pp.
  20. Claude Role, François-Joseph Gossec, 1734-1828, un musicien à Paris, de l'Ancien Régime à Charles X, Paris, 2000, 349 pp.
  21. Représentant du peuple assassiné en l'an ii.
  22. Mary Élisabeth Caroline Bartlet, Étienne- Nicolas Méhul and opera: Source and archival studies of lyric theatre during the French Revolution, Consulate and Empire, Heilbronn, Musik-Edition L. Galland, 1999, 912 pp.

  23. 23. S.N. « Nicolas Dalayrac, musicien muretain, homme des lumières », dans Actes du colloque international organisé à Muret le 27 octobre 1990, Société Dalayrac, 1991.
  24. Hector Berlioz, Mémoires, Paris, Calman-Levy, 1878, t. 1, p. 3.
  25. La section Guillaume Tell correspond à l'actuel quartier Notre-Dame-des-victoires. L'église des Petits-Pères avait pris le nom révolutionnaire de Temple de la Morale, l'église et le couvent des Petits-Pères ont été démantelés en 1858 pour céder la place à une caserne et à la mairie d'arrondissement.
  26. Pierre Gaveaux (1760-1825), chanteur soprano.
  27. Nicolas-Marie Dalayrac (1753-1808), compositeur ; Charles Henri Plantade (17641839), chanteur ; Louis Lachnitt (1746-1820), corniste et compositeur.
  28. François Sabatier, « Musique et vandalisme, le destin de l'orgue en France entre 1788 et 1795 », dans Le Tambour et la Harpe, Œuvres, pratiques et manifestations musicales sous la Révolution 1788-1800, sous la direction de Jean-Remy Julien et J. Mongrédien, Paris, Dumay, 1991, 316 pp. voir pp.45-59.
  29. Yvan Christ, Les Églises de Paris, Paris, Éditions des Deux-Mondes, 1956.
  30. François-Henri Clicquot (1732-1790), et son fils Claude-François (1762-1801) membre de la loge La Douce Union, furent facteurs d'orgues du roi. Claude-François de 1790 à 1801 fut un facteur très actif qui sauva de nombreuses orgues tant à Paris qu'en province.
  31. Michel Le Moël, Les orgues de Paris, Paris, 1992, Délégation à l'action artistique de la ville de Paris.
  32. Pierre-François Dallery (1766-1833), fils de Pierre (1735-1812), facteur d'orgues il apprend son métier avec son père et son parrain François-Henri Clicquot. il se consacre pendant la Révolution et l'Empire à la restauration, relevages et transformations d'instruments existants. « Bricoleur, hâbleur, prétentieux, peut-être bon harmoniste, mais facteur peu capable », Pierre-François fit de mauvaises affaires. voir Denis Havard de la MONTaGNE, « Une famille de facteurs d'orgues : les Dallery » dans L'Orgue francophone, N°29-30, Paris, 2001, pp. 41-57.
  33. abbé Henry Dsoisy, La Paroisse et l'église Saint-Vincent-de-Paul de Paris, Paris, 1942, 600 pp.
  34. Jean Colson (dir.) et Marie-Christine Lauroa (dir.), Dictionnaire des monuments de Paris, Hervas, 1992, 917 pp.
  35. J. Grente, Une paroisse de Paris sous l'Ancien Régime : Saint-Jacques-du-Haut- Pas, 1766-1793, Paris, 1897, 250 pp.
  36. Claude Noisette de Crauzat, « De la virtuosité dans l'orgue français au xixe siècle : Lefébure- Wely », dans Romantisme, Paris, 1987,t. xvii/57, pp. 45-51.

  37. Léon Cornudet, Histoire de la paroisse Saint-Thomas-d'Aquin, Paris, Champion, 1913, 293 pp.
  38. Pierre Hardouin, « L'Orgue de SaintGermain-des-Prés » dans Connaissance de l'Orgue, Paris, 1978.
  39. Pierre Hardouin, « L'orgue de Saint-Nicolas-des-Champs », dans Connaissance de l'Orgue, Paris, 1977.
  40. Pierre-François Pinaud, Au Cœur d'un quartier financier : La Paierie générale du Trésor, catalogue de l'exposition du cinquantenaire, Paris, Ministère de l'Économie, des Finances et du Budget, 1990, 64 pp.
  41. Henri Dubief et Jacques Poujol, La France protestante, Histoire et Lieux de mémoire, Max Chaleil éditeur, Montpellier, 1992, rééd. 2006, 450 pp.
  42. Norbert Dufourcq, Le livre d'or de l'Orgue français, 1589-1789, Paris, Picard, 1982, Miscellanea, 437 pp.
  43. Marcelle Benoît, Dictionnaire de la musique en France aux xviie et xviiie siècles, Paris, Fayard, 1992, voir article orgues, pp.414-417.
  44. Pierre Guillot, Dictionnaire des organistes français des xixe et xxe siècles, Sprimont, Mardaga, p. 63.
  45. Guy Bourligueux, « François Lacodre, dit Blin (1757-1834), organiste de Notre-Dame de Paris », dans Recherches, Paris, 1976, t. xvi, pp. 73-113.
  46. Pierre-François Pinaud, Les Musiciens francs-maçons au temps de Louis xvi, op. cit. pp. 242-243.
  47. Hervé Brouillet, « Plus chantant que Mozart : Jean-Paul Égide Martini » dans Revue du Souvenir Napoléonien, Paris, 2008, n°477, octobre-décembre, pp. 37-41.
  48. Charles Bouvet, Les Couperin, Paris, Librairie Delagrave, 1919, 305 pp.
  49. Marie-ThérèseLa Lague-Guilhemsans, « Une famille de musiciens : les Forqueray aux xviie et xviiie siècles, étude sociale » dans École Nationale des Chartes, positions de thèses promotion 1979, Paris 1979, pp. 57-69.
  50. Les Forqueray étaient une famille d'origine écossaise installée en France depuis 1548. Michel Forqueray (1681-1757), fut maître de chapelle de l'église Saint-Martin-des Champs à partir de 1703, puis organiste à Saint-Séverin de 1704 à sa mort.
  51. Norbert Dufourcq, « Les grandes orgues de Saint-Merri de Paris à travers l'histoire : ses organiers, ses organistes », dans L'Orgue, dossier, Paris, 1983, t.2, pp. 1-87.
  52. Jean Mongrédien, Jean-François Le Sueur, contribution à l'étude d'un demi-siècle de musique française (1780-1830), Berne, Peter Lang, 1980, 1204 pp.
  53. Georges Servières, Documents inédits sur les organistes français des XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1924. Georges Favre « Les organistes parisiens à la fin du xviiie siècle », dans Petite Maîtrise, avril 1936, p. 61.
  54. Pierre-François Pinaud, « Un havre maçonnique : La Chapelle impériale des Tuileries, 1802-1815 », dans Chroniques d'Histoire Maçonnique, Paris, 2010, n° 66, pp. 3-15.
  55. Anik Devriès et François Lesure, Dictionnaire des éditeurs de musique, des origines à 1820, Genève, Minkoff, 1979, 203 pp, voir p. 29.
  56. Sébastien Durand, Les aveugles et l'école d'orgue française : un siècle d'or à l'I.N.J.A. 1820-1930, Lille, ANRT, 2000, 460 pp. voir pp. 78-85.
  57. Pierre-François Pinaud, Les Musiciens francs-maçons au temps de Napoléon, 17901815, à paraître.
  58. S.N., Dictionnaire des girouettes, ou nos contemporains peints d'après eux-mêmes ; ouvrage dans lequel sont rapportés les discours, proclamations, chansons, extraits d'ouvrages écrits sous les gouvernements qui ont eu lieu en France depuis vingt-cinq ans, Paris, alexis Eymery, 1815, 465 pp.
  59. Denis Havard de La Montagne, « Projet d'école d'orgue sous le Premier Empire » dans Musica et Memoria, n° 46, juin 1992, pp. 17-25.

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