En cette période de fêtes de fin d'année, le Ballet Nice Méditerranée souhaitait, selon son Directeur Éric Vu-An, « faire preuve d'une générosité peu commune ». Il a ainsi offert, dimanche 22 décembre, au public azuréen de l'Opéra de Nice, Sylvia, pièce de la période romantique donnée pour la première fois en 1876 pour l'inauguration de l'Opéra Garnier à Paris et Les Deux Pigeons, ballet en deux actes créé dix ans plus tard dans la capitale et présenté dans la version de 1925 signée Albert Aveline. Deux morceaux d'exigeante virtuosité chorégraphique, d'après les maquettes de l'Opéra National de Paris. Un véritable défi pour les danseurs, et ce, en présence de l'Orchestre philharmonique de Nice placé sous la direction magistrale de David Garforth : un maestro typiquement anglais — cravaté et la veste fermée dont les gestes amples et précis à la fois — son travail avec Igor Markevitch — attestent de son habitude des grandes phalanges internationales.
Soyons sincère : autant la suite Sylvia nous laisse sur notre faim, autant Les Deux Pigeons suscitent notre enthousiasme.
Sylvia : Cesar Rubio Sancho (Aminta). Photographie © D. Jaussein.
La superbe musique composée par Léo Delibes marque en profondeur la chorégraphie de Sylvia au point d'en accentuer l'énergie indispensable pour en danser les figures. Une énergie qui n'a pas permis d'éviter quelque malchance aux principaux interprètes — stress du défi à relever ? — et ce, nonobstant d'indéniables efforts : malgré sa belle prestation — pointes droites et balancés impeccables — sur un air rendu célèbre par « la danse des petits pains » de La ruée vers l'or de Charlie Chaplin, Gaëla Pujol (Sylvia) semble mal à l'aise, trahie par ses tremblements dus aux intenses sollicitations musculaires dans ses pas de deux. Ses partenaires César Rubio Sancho (Aminta) et Medhi Angot (Le Marchand) altèrent eux aussi le capital de leurs magnifiques évolutions et de leurs harmonieux jetés, en ratant l'un après l'autre leur réception finale. Les danses des « Chasseresses » et celles des « Éthiopiens » réjouissent néanmoins la vue par une belle coordination et leur agréable fraîcheur esthétique. L'inextinguible et charmant sourire de Veronica Colombo, l'une des chasseresses, n'y est sans doute pas pour rien.
Sylvia : le final. Photographie © D. Jaussein.
Après la pause, Les Deux Pigeons, inspirés de la Fable de La Fontaine, prennent leur envol et nous élèvent avec eux dans une délicieuse atmosphère : une histoire d'adolescents amoureux étayée sur une intense dynamique chorégraphique. Avec une mention spéciale pour les fabuleux costumes originaux, confectionnés dans les ateliers de la Diacosmie à Nice (Isabelle Comte) et les jeux raffinés de lumières (Patrick Méeüs) qui ajoutent au bonheur de l'ensemble.
Les Deux Pigeons : Alessio Passaquindici (Pepio) et Paula Acosta Carli (Gourouli). Photographie © D. Jaussein.
Pas une fausse note chorégraphique pour la superbe Paula Acosta Carli (Gourouli) qui interprète avec une réelle maitrise, au point d'en pouvoir jouer avec davantage encore de félicité l'insouciance de la jeunesse ou les déchirements de l'amour, ses pas de deux avec Alessio Passaquindici (Pepio) ou son extraordinaire « danse du tambourin » avec Claude Gamba, lui aussi admirable d'adresse et de vivacité dans son rôle de Zarifi. Quant à Marie-Astrid Casinelli (Djali), son tempérament sanguin et son regard de braise ignifient le pauvre Pepio comme Carmen affole les sens de Don José
Les Deux Pigeons : Marie-Astrid Casinelli (Djali) et Claude Gamba (Zarifi). Photographie © D. Jaussein.
Éric Vu-An apparaît brièvement dans le personnage du cabaretier, histoire, peut-être, de manifester toute sa bienveillante attention aux performances de ses élèves. Nous ne saurions trop conseiller aux Niçois de se rendre à l'Opéra de Nice — au fil des soirées, le stress pour Sylvia devrait disparaître — afin d'y découvrir ces trésors chorégraphiques : ils font honneur au Ballet Nice Méditerranée de les avoir programmés. Et si brillamment réalisés.
Les Deux Pigeons : Eric Vu-An (Le Cabaretier) et Alessio Passaquindici (Pepio) .Photographie © D. Jaussein.
Nice, le 22 décembre 2013
Jean-Luc Vannier
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Mercredi 31 Janvier, 2024