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Par Yvan Beuvard, 4 mai 2013.

Leonardo García Alarcón dirige Mozart, un événement

Wolfgang Amadeus Mozart, Requiem K. 626, Clarinet Concerto K. 622. Chœur de Chambre de Namur - New Century Baroque Orchestra. Leonardo García Alarcón (direction). Benjamin Dieltjens (clarinette), avec Lucy Hall, Angélique Noldus, Hui Jin, Josef Wagner. Ambronay 2013 (AMY038).

Un nouvel enregistrement du Requiem de Mozart, couplé intelligemment au Concerto pour clarinette… On est partagé entre le « à quoi bon ? » et le sentiment qu'il y a peut-être quelque chose à découvrir. On est redevable au chef argentin d'interprétations et de découvertes majeures, relevant pour l'essentiel de l'esthétique latine baroque. Comment allait-il aborder ces deux ultimes chefs-d'œuvre si fréquemment enregistrés ?

C'est en avril et en septembre 2012, dans le cadre du Centre de rencontre d'Ambronay que les prises ont été réalisées. Comme il l'écrit dans la riche et sérieuse plaquette d'accompagnement* « c'est dans le concerto que la nostalgie est la plus présente, le sentiment du temps qui passe le plus prégnant, le legs et l'héritage qui se transmettent les plus forts ».

Le New Century Baroque, jeune formation attachée à Ambronay, a toutes les qualités requises pour jouer dans la cour des grands. La prise souffre d'une certaine opacité. Les timbres (les bois en particulier) ne sont pas individualisés. Même si le parti-pris du chef est de rester dans la demi-teinte, c'est dommage. La clarinette de Benjamin Dieltjens sonne merveilleusement. Conçue par un luthier d'Inssbruck, elle est parfaitement fidèle aux clarinettes-cors de basset familières de Stadler. Une grande homogénéité de timbre, certes mais un aigu moins claironnant que ceux qui nous sont familiers, au bénéfice d'une grande douceur, d'un velouté séduisants. Son jeu, dépourvu de toute esbrouffe s'avère remarquable par son phrasé et son articulation. L'orchestre remplit bien son rôle, mais là encore c'est une relative déception : on attendait davantage d'esprit chambriste, surtout de la part d'un chef aguerri au répertoire baroque. C'est beau, c'est naturellement propre, mais l'émotion n'est pas toujours au rendez-vous, ni le sourire, fut-il teinté de mélancolie.

L'enregistrement du Requiem exclut les trois parties dues exclusivement à Süssmayr (Sanctus, Benedictus, Agnus Dei) au motif qu'elles « relèvent d'une esthétique post-mozartienne, qui diffère du reste du Requiem ». Le chef a choisi l'excellente version de Franz Beyer, à laquelle il intègre l'Amen suivant le Lacrymosa, et complète ponctuellement l'instrumentation (ajout de trompette au Dies Irae et de trombone au Domine Jesu Christe).

De prime abord, on est surpris du tempo très retenu de l'Introït, et de la présence de la trompette. « Et lux perpetua » est proprement saisissant dans son dramatisme puissant, digne de la fin de Don Giovanni. Les différentes parties sont prises dans des tempi rapides, auxquels Currentzis (2010, chez Alpha) nous avait habitués, mais leur conduite en est sensiblement différente. L'esprit baroque anime chaque phrase, les progressions dramatiques, les contrastes, les tensions paraissent évidentes, mais jamais illustrées avec une telle vigueur, une telle transparence aussi. Ainsi, le Rex traemende et le Confutatis, paroxystiques, encadrant le Recordare et introduisant le Lacrymosa constituent-ils certainement le point culminant de l'œuvre.

Des solistes, jeunes et en début de carrière (à l'exception de Josef Wagner, familier des chefs consacrés) on retiendra l'engagement et l'écoute réciproque. A mentionner la clarté de l'émission et la conduite de la partie jeune ténor Hui Jin dont on suivra la carrière. Le chœur de chambre de Namur a fait ses preuves et ne déçoit pas. A quelques détails près (certaines liaisons prosodiques discutables, par exemple), sa virtuosité permet d'oublier la prouesse de certains tempi.

Attendons avec impatience le Requiem de Gossec, que révéla Devos en 1988 (Erato). Mozart l'écouta à Paris, au Concert Spirituel et en conserva le souvenir. Leonardo García Alarcón et son magnifique Chœur de Chambre nous le préparent actuellement. Ils devraient faire merveille. France-Musique consacrera sa journée du lundi 13 mai à Leonardo García Alarcón. À suivre...

Extrait du Kyrie eleison.

Yvan BEUVARD
4 mai 2013.

*Alors que la notice diffusée par l'éditeur se signale par une ânerie, attestant que les légendes ont la vie dure (« les succès et les amis commencent sérieusement à l'abandonner », à propos de Mozart en 1791).


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