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Dijon, Auditorium, 25 janvier 2011, Eusebius.

Le quatuor Hagen

Trente ans de travail collectif ont permis aux Hagen de se forger un son (une homogénéité fabuleuse), une identité, d'aborder tous les répertoires et d'accéder au gotha des quatuors à cordes.

Le récital s'ouvrait par le Quatuor en mi bémol majeur (n° 16, K.428) de Mozart. Splendide interprétation, particulièrement pour le deuxième mouvement, tout en finesse, alliant gravité et légèreté. Mais pourquoi l'Allegretto du 3e est-il pris si vite, alors que ce n'est vraiment pas un scherzo, au détriment du contraste de tempi avec le Finale ? Ne boudons pas notre plaisir : les couleurs du trio étaient extraordinaires. Et le Finale couronnait vraiment ce grand quatuor.

La création française du sixième quatuor de Georg-Friedrich Haas (création mondiale 48h auparavant à Salzbourg) était la véritable révélation de ce concert. Cette œuvre microtonale (en deux mouvements), dont les halos, les irisations, glissandi, trémolos constituent la texture, est solidement structurée, et l'apparition de quintes à vide, d'unissons et d'accords – tonaux de façon fugace – s'enrichissant jusqu'à leur dissolution-cluster permet à l'auditeur de se repérer dans ce premier mouvement. Du vol d'insectes au magma en fusion pour finir – morendo – dans l'extrême aigu. Le second mouvement s'ouvre sur des glissandi collectifs d'accords pour laisser à l'alto l'initiative de plaintes, de sanglots individuels, unanimes et continus qui créent une sorte d'envoûtement. Le violoncelle, dans le grave, rompt cette litanie pour achever – de nouveau – morendo, à la limite de l'audible.

Œuvre chatoyante donc, offrant tous les registres d'expression, servie par un merveilleux quatuor, pleinement engagé. Applaudissements polis d'un public manifestement déconcerté.

Le 14e quatuor de Beethoven allait confirmer, si besoin était, la perfection du jeu collectif des Hagen. Œuvre immense, chef d'œuvre parmi les chefs d'œuvre, dont la plénitude accablée nous entraine, à travers une sorte de synthèse de toutes les formes connues d'écriture, sous tous les climats musicaux. On oublie la science de l'écriture tant la beauté nous captive. Moment volé au temps, à la durée, ce quatuor (l'avant-dernier, achevé peu avant la mort du compositeur) est plus qu'un monument : un testament.

Ce Beethoven est magistralement interprété, idéalisé aussi. Mais, j'attendais davantage d'humanité, d'émotion aussi.

Une perfection proche de l'absolu, froide, qui suscite plus d'admiration que d'émotion. On regrette parfois la fragilité.

Eusebius
2010


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