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Jean-Marc Warswzawski, 18 décembre 2008.

La musique du silence ou la dynastie des Fumet

Fumet Gabriel & Thévenon Jean-Claude,La musique du silence : Entretien avec Gabriel Fumet. Éditions Delatour, Sampzon 2008 [230 p. ; Cédérom inclu ; ISBN 978-2-7521-0064-1 ; 24, 80 €].

Dans ce livre, Gabriel Fumet, flûtiste de renom, raconte ses efforts, pour faire connaître, c'est-à-dire pour faire jouer, les musiques de son grand-père, Dynam-Victor Fumet (1867-1949), et de son père, Raphaël Fumet (1898-1979).

C'est là, en quelque sorte, l'histoire inachevée, d'une saga familiale, celle d'une petite dynastie de musiciens, qui commence à la fin du XIXe siècle.

Ce livre rassemble plusieurs qualités qui en rendent la lecture agréable. Il est bien écrit, émaillé de réflexions, qui touchent souvent juste, s'ouvre dès les premières pages, avec Dynam-Victor, sur un personnage de roman, dont les photographies révèlent l'aspect d'un christ slave quelque peu méphistophélique. Cet ouvrage a également un aspect de chronique sur fond d'histoire — la chronique est une espèce de carte postale de l'histoire, de voyeurisme de coulisse, qui nous fait ressentir cette nostalgie du temps qui passe, de la vie qui disparaît, tout en laissant le témoignage de ses fastes. Cela pique la curiosité, comme une belle demeure abandonnée, à propos de laquelle on se demande ce qui a bien pu s'y passer, et comment se fait-il qu'elle ait été abandonnée.

Mais ce livre pose une autre question, récurrente sous la plume de Gabriel fumet : comment une œuvre musicale entre-t-elle dans l'histoire, intègre-t-elle le goût et l'envie mélomanes ?

Pourtant, le personnage de Dynam-Victor Fumet, comme ses improvisations et compositions ne sont pas passées inaperçues. C'est sur cette question, peut-être, que les propos de Gabriel Fumet, atteignent leur limite., et qu'il peine à dépasser, même avec son style élégant, les banalités relatives à l'incompréhension du public, et à l'ostracisme des institutions, et de là, les petites histoires à l'intérêt tout relatif, des sponsorings ratés.

De plus, l'antienne sur l'envahissement et la dictature de l'Avant-garde musicale, qui interdirait aux autres familles l'accès à la diffusion est difficile à accepter. Certes les débats ont été, parfois plus que vifs et virulents, truffés d'anathèmes et d'excommunications, mais il ne faut pas confondre les images de propagande avec la réalité. En fait, les programmes d'enseignement, les œuvres d'examens, les programmes des salles de concerts sont massivement passéistes, muséomusicaux, si je peux dire. D'ailleurs, les signes de l'ostracisme dont parle Gabriel Fumet, sont antérieurs à l'émergence de cette Avant-garde, et mettent en cause le fonctionnement d'ensemble des institutions musicales.

Dans le fond Gabriel Fumet dit ceci : « Mon grand-père et mon père ont composé d'excellentes œuvres, dont la qualité, vaut celle de bien des œuvres abondamment mises au répertoire des concerts, au catalogue des éditeurs et maisons de disques ; elles pourraient être appréciées par un large public ». Cela est indéniable, il n'est qu'à se reporter aux cédéroms récemment édités d'œuvres de Dynam-Victor ou de Raphaël Fumet, ou au cédérom joint au livre.

Mais on pourrait se poser des questions quant au rôle des orchestres, des ensembles instrumentaux, tant institutionnels que non institutionnels, et malgré le discours politiquement correct qui envahit aujourd'hui le monde musical, répondre que ce rôle pourrait ne pas nécessairement rendre justice à l'histoire. On pourrait aussi se poser des questions sur les hiérarchies de nos sociétés, qui ne valorisent pas, loin de là, la valeur individuelle, mais le vedettariat. On pourrait aussi se demander si la confusion entre histoire et mémoire collective est une bonne chose, et que, si plutôt que de valider la mémoire collective, le rôle de l'historiographie, ne serait-il pas un ordre de l'oubli. Cet oubli, serait peut-être plus normal, que ce panthéon de vedettes, qui on jalonné l'histoire, que nous traînons avec nous quotidiennement, et qui influe avec force, sur nos goûts musicaux, sur nos préjugés, sur les programmes des concerts, sur les politiques éditoriales.

On peut supposer que le projet de Gabriel Fumet, est de faire passer l'histoire qu'il fait de sa famille à la mémoire collective, comme signe d'une reconnaissance. Il est vrai que les institutions, pas seulement les plus en vue, ou, pour employer un mot à la mode, les plus prestigieuses, mais aussi toutes celles, jusqu'aux plus humbles, Conservatoires compris, qui font le quotidien musical, pourraient être plus curieuses du patrimoine musical qui traîne dans des partitions qui n'ont jamais été ouvertes, comme d'ailleurs, je pense que cela relève du même problème et des mêmes préjugés, qu'elles devraient être également plus curieux pour la musique qui se compose aujourd'hui sous nos propres oreilles.

Il reste que Gabriel Fumet fait ce qu'il faut faire, il donne au savoir l'existence passée de deux compositeurs, fait éditer leur musique, la fait jouer, la fait enregistrer et certainement, puisque les fêtes de fin d'année approchent, offrir un disque des œuvres de Dynam-Victor ou de Raphaël Fumet, le cas échéant accompagné de ce livre, serait un cadeau bien plus original que la énième version de tel chef d'œuvre universellement reconnu, dont on a les oreilles un peu battues et rebattues.

Jean-Marc Warswzawski
18 décembre 2008


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