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Montpellier, Festival Radio France, Opéra Berlioz – Le Corum, 22 juillet 2014, par Eusebius ——

La dernière reine de Donizetti : Caterina Cornaro

La dernière reine de DonezettiFranck Bard, Yves Saelens, François Lis, Paolo Carignani, Maria Pia Piscitelli, Paul Gay, Julie Knecht, Franco Vassalo, Enea Scola. Photographie © Luc Jennepin.

Toujours curieux d'ouvrages rares, le Festival de Radio-France Montpellier nous offre un second opéra en version de concert : Caterina Cornaro, œuvre ultime de Donizetti, qui ne connut le succès qu'à sa reprise, à Parme, en 1845. Le livret est emprunté à La Reine de Chypre, écrit par Vernoy de Saint-Georges pour Jacques Fromental Halévy. Franz Lachner puis  Michael Balfe et, après Donizetti, Pacini l'illustrèrent à leur tour. C'est la version originale, de 1844, qui est reprise, diffusée simultanément sur France-Musique et sur les ondes des radios de l'U.E.R.

Caterina Cornaro et Gerardo, qui s'aiment passionnément, vont se marier lorsque, pour des raisons politiques, les autorités vénitiennes imposent à la jeune fille d'épouser Lusignano, roi de Chypre. Les amants projettent de s'enfuir. Pour obtenir le consentement de Caterina au projet du Conseil des Dix, Mocenigo use du chantage à la vie de Gerardo. Elle doit donc lui signifier qu'elle ne l'aime plus. Gerardo, désespéré quitte Venise en maudissant Caterina. Au premier acte, à Chypre, Mocenigo et son agent tentent de fomenter une insurrection favorable à Venise. Alors que Gerardo, revenu sur l'île, est attaqué par des Vénitiens, il est sauvé par un compatriote qui n'est autre que le roi, Lusignano, ils se jurent une amitié fraternelle. Lusignano, est souffrant, empoisonné lentement par Strozzi (ce que le livret italien ne signale pratiquement pas) et il confie à Caterina le soin de poursuivre ses audiences à sa place. Elle et Gerardo se reconnaissent, racontent leur histoire et retrouvent leurs sentiments premiers. Ce dernier explique qu'il est venu au secours du roi, comme chevalier de Rhodes. Mocenigo interrompt leur dialogue et menace Caterina de l'accuser d'adultère. Heureusement, Lusignano le démasque et défend son épouse. La confrontation a lieu entre Vénitiens et Chypriotes : c'est la bataille qui ouvre l'acte II. La reine prie. Ses angoisses disparaissent lorsque les cris de victoire retentissent. Mais Lusignano est mortellement blessé. Il salue son ami et confie le pouvoir à la reine, à laquelle le peuple fait allégeance. Gerardo quitte Chypre.

Ouvrage original, qui s'inscrit déjà dans le courant du grand opéra historique, dont la fin, ici concise, surprend les auditeurs du temps (la cabalette finale les dérange dans leurs habitudes). Le rôle des chœurs, sous toutes les formes, est essentiel. Evidemment, le rôle de Caterina est très lourd et nécessite des moyens hors norme. La résurrection de l'ouvrage, en 1972, due à Leyla Gencer, puis à Monserrat Caballé en atteste. Maria Pia Piscitelli, aborde cette partition pour la première fois, bien que familière de l'œuvre de Donizetti. Grand soprano belcantiste, elle donne vie à ce personnage dont la psychologie évolue considérablement, de la passion du prologue à la maturité réfléchie du dénouement, lorsqu'après avoir perdu son mari et laissé partir son amant, elle s'investit dans sa nouvelle responsabilité de reine. Le timbre est rond, chaleureux, la puissance comme les mezza-voce sont au rendez-vous, sa virtuosité technique est éblouissante. Chacune de ses interventions, air, duo, ensemble est un régal. Les acclamations du public salueront cette prestation extraordinaire. Enea Scala est un ténor dont l'émission légère et puissante n'exclut pas la vaillance. Remarquable projection, une aisance souveraine, du très beau chant. Parfaitement en harmonie avec les autres chanteurs de la distribution, son engagement vocal force l'admiration. Ses duos avec Caterina, avec Lusignano (« Vedi io piango »), la cabalette avec chœur du début de l'acte II (« Morte ! morte ! ») sont d'une qualité rare.

La dernière reine de donizettiEnea Scala. Photographie © Luc Jennepin.

Le Lusignano que campe Franco Vassalo, est remarquable de noblesse et d'humanité : une voix pleine, chaleureuse, bien projetée, qui nous émeut. Mocenigo, ambassadeur de Venise est chanté par François Lis, splendide basse, à l'émission puissante et claire, impressionnante d'autorité. Le père de Caterina, Andrea Cornaro, est Paul Gay, basse sonore,  au  timbre soyeux, avec une grande noblesse de ton. Les deux autres ténors, Yves Saelens et Franck Bard, remplissent parfaitement leur rôle. Julie Knecht chante Matilde, la confidente de Caterina : beau timbre de mezzo, alors qu'on la présente comme soprano.

La direction de Paolo Carignani, qui a déjà signé de nombreux enregistrements belcantistes (Giovanna d'Arco, Rigoletto, Guillaume Tell…), est efficace et attentive à chacun. Pas le moindre décalage, une dynamique qui ménage subtilement les moments de poésie. Le métier est là, tout comme l'engagement.

L'orchestre et le chœur national de Montpellier, avec le concours du chœur de la radio lettone donnent le meilleur d'eux-mêmes pour une soirée dont la réussite restera dans les mémoires.

plume Eusebius
23 juillet 2014


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