Marie-Nicole Lemieux. Photographie © Denis Rouvre - Naïve.
Ils étaient tous là bien sûr pour l'Isabella de Marie-Nicole Lemieux et, certes, elle n'aura pas déçu son public, même si la chanteuse rate son entrée — ce qui nous vaut un échantillon de son célèbre rire gloussant — et se perd un peu en minauderies pendant le premier acte, oubliant au passage de chanter et paraissant souvent survoler la partition, au moins au premier acte. Quand elle consent enfin à donner de la voix, on est immédiatement séduit par la générosité et la splendeur de son timbre de mezzo-contralto, sa fantaisie naturelle et les trésors d'humour qu'elle dispense. Son interprétation culmine dans un « Pensa alla patria » de poids dont l'autorité explique le titre de cet article.Omo Bello. Photographie © DR.
Autour d'elle, la distribution n'est pas tout à fait au même niveau. Antonino Siragusa, phrasé de rêve dans le cantabile de « Languir per una bella », semble bel et bien avoir définitivement perdu le contrôle de ses aigus, forcés et pas toujours très justes, comme nous l'avions déjà constaté dans Tancredi, le mois dernier. Les plus fines variations dans la reprise des airs n'en peuvent mais. Le plaisir est gâté dès que la tessiture s'élève. Nicolas Cavalier — remplaçant Lorenzo Regazzo forfait — est un Mustafa poussif, souvent dépassé par les exigences d'une écriture qui voudrait plus d'agilité, de souplesse et surtout un phrasé moins trivial mais la solidité de sa basse le sauve, même si elle ne l'empêche pas de se perdre par moments dans les méandres de la longue phrase rossinienne. Nigel Smith, un habitué du rôle de Taddeo, malgré une véritable solidité, paraît un peu en retrait en termes d'interprétation, assurant toutefois avec compétence son personnage. Le trio masculin donnera finalement le meilleur de lui-même dans la scène fameuse des « Pappataci » au IIe acte où tous trois se déchaînent scéniquement et semblent beaucoup s'amuser. Omo Bello en Elvira semble encore un peu verte mais prometteuse. Elle est bien secondée par la Zulma de Sophie van de Woestyne. L'excellent Haly de Nicolas Rigas — très belle voix de baryton-basse bien conduite — compose un personnage de Majordome faussement obséquieux et rigolard très réussi. Il complète un cast qui finalement se révèle surtout dans des ensembles endiablés comme le fameux finale de l'acte I « Va sossopra il mio cervello ».
Roger Norrington. Photographie © Jean-Baptiste Millot.
Il faut dire que la soirée est rondement menée par la baguette précise, dynamique et élégante de Sir Roger Norrington qui dirige assis — on peut le comprendre à 80 ans sonnés ! — caché de fait derrière le pianoforte placé à l'avant-scène, faisant briller de mille feux l'orchestration rossinienne à la tête d'un Orchestre de chambre de Paris aux pupitres solistes superlatifs. Si l'on y ajoute un chœur masculin de tout premier plan — le Choeur Aedes — et un évident plaisir chez les solistes, qui ne sont pas en reste du côté de l'investissement scénique, on comprendra que cette italienne en version de concert, malgré quelques réserves de détail au plan vocal, ne nous ait renouvelé dans ce qu'elle a de meilleur une partition que Stendhal considérait comme le chef d'œuvre de Rossini dans le genre bouffe.
Frédéric Norac
10 juin 2014
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