Invitation au voyage, Mélodies françaises. Stéphanie d'Oustrac (mezzo-soprano), Pascal Jourdan (piano). Ambronay Éditions 2014 (AMY 42).
Trois ans après la sortie de l'album Ferveur & Extase réalisé avec l'Ensemble Amarillis dans un programme de compositeurs vénitiens de l'époque baroque italienne, la mezzo-soprano Stéphanie d'Oustrac, accompagnée au piano de Pascal Jourdan, propose « Invitation au voyage », un envoûtant récital de mélodies françaises : un enregistrement qui n'hésite pas à mêler œuvres célèbres de Henri Duparc (1848-1933) et de Claude Debussy (1862-1918) sur des poèmes de Charles Baudelaire et de Stéphane Mallarmé avec des pièces plus rares de leurs contemporains, signées Jacques de La Presle (1888-1969) Premier prix de Rome en 1921, Lili Boulanger (1893-1918), sœur de Nadia Boulanger et première femme lauréate du Premier prix de Rome en 1913 ou encore Reynaldo Hahn (1874-1947), l'intime de Marcel Proust.
Outre l'agréable découverte d'auteurs et de compositeurs trop souvent tenus à l'écart des répertoires, cet enregistrement nous réserve de nombreuses délectations musicales et vocales. Révélée par William Christie dans Thésée de Lully lors de l'Académie baroque européenne d'Ambronay de 1998, la mezzo-soprano Stéphanie d'Oustrac développe une voix dotée d'un luxuriant éventail de couleurs dans son timbre tout en réussissant d'impressionnantes ondulations tonales : son aigu final dans « Harmonie du soir », un des cinq poèmes de Claude Debussy ou son envolée sur le mot « extase » dans le poème « Jet d'eau » (C. Debussy) nous envoûtent par sa douceur expressive et sa lumière hyaline.
Des surprises mélodiques nous sont également offertes par l'interprétation du pianiste Pascal Jourdan, ancien élève du Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon : ce diplômé de l'Académie Sainte-Cécile de Rome nous divulgue ainsi les étonnantes influences wagnériennes de « Nocturne » (1912), composé par Jacques de La Presle sur un texte d'Henri de Régnier où les dernières mesures convoquent d'indéniables réminiscences du « Liebestod » d'Isolde ou bien encore les quelques accents du maître de Leipzig dans « Si tout ceci n'est qu'un pauvre rêve », extrait des Clairières dans le ciel (1906), paroles de Francis Jammes mises en musique par Lili Boulanger. La cerise sur le gâteau vient en clôture de cet album : celui qui fut l'amant de Marcel Proust a composé sur un poème de Théophile de Viau (1590-1626), une mélodie « À Chloris » aux subtiles harmonies probablement inspirées par Jean-Sébastien Bach. Le mélomane ne boudera pas son plaisir.
Nice, le 24 octobre 2014
Jean-Luc Vannier
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Samedi 17 Février, 2024