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Jean-Marc Warszawski, 5 novembre 2013

Esthétique du répertoire musical : une archéologie du concept d'œuvre

Pouradier Maud, Esthétique du répertoire musical : Une archéologie du concept d'œuvre. Presses Universitaires de Rennes, Rennes 2013 [192 p. ; ISBN 978-2-7535-2752-2 ; 16 €].

Ce livre ne répond malheureusement pas aux promesses faites par son titre et de ses sous-titres accrocheurs. Peut-être bon exercice dans l'art du discours philosophant, il ne nous renseigne pas beaucoup sur ses objets, et semble ignorer l'ampleur des débats dont ils furent et sont l'objet.

Conseillée par de bonnes lectures — qu'il aurait fallu étendre —, l'auteure ne manque pas d'évoquer une série de problématiques séduisantes pour qui aime aller chercher les questions derrière les questions, mais elle manque apparemment d'inspiration.

Ainsi l'influence qu'a pu avoir la Révolution française sur la diffusion musicale, en abolissant le système (économique) des privilèges pour promouvoir le capitalisme, la Nation, et l'idée de patrimoine national.

On encore cette immense interrogation sur le rapport au texte, qui touche la musique illustrative (musique à programme, poème symphonique, etc.), la musique instrumentale pure (qui semble ici résulter d'un combat contre l'opéra), ou la mise des textes en musique.

La musique à programme est paradoxale pour l'auteure, car en voulant devenir texte, en absorbant le texte, la musique le ferait disparaître. Mais est-ce bien cela ? Est-ce vraiment le cas de la musique figurative des madrigalistes du XVIIe siècle ? Et qu'entendons-nous vraiment du texte quand il est chanté ? Ne devient-il pas lui même musique perdant au passage sa dignité sémantique ? Ne peut-on pas se délecter de Lieder allemands même si on ne comprend pas l'allemand ? C'est le fond des querelles au XVIIIe siècle dans le royaume de France (l'opéra ne touche qu'une élite d'auditeurs), sur l'opéra italien, dans un milieu qui par tradition apprécie avant tout au théâtre la compréhension du texte, sa beauté et sa crédibilité.

En fait, il y a un vrai débat philosophique qui n'est pas centré sur le combat de la musique contre le texte, mais sur le pouvoir imitatif de la musique. Il aurait fallu, sans aller trop loin dans le passé, appeler à la barre des témoins L'origine des langues de Jean-Jacques Rousseau, L'Introduction à Jean-Sébastien Bach, mais aussi d'autres écrits de Boris de Schlœzer, revenir au célèbre aphorisme de Stravinski [Voir : Philosophie et musique, Vrin 2013], pour installer le congru contradictoire de la question.

Ainsi, les titres et sous-titres des chapitres sont extrêmement racoleurs, mais le spectacle semble tourner court, en une succession de tableaux dont on ne comprend pas vraiment le sens général et les articulations.

C'est qu'il est question de tout ramener à l'idée de répertoire, dont on ne sait pas si cela est le catalogue des œuvres que telle maison d'opéra ou de musique met à ses programmes, s'il s'agit de la collection des œuvres que joue un instrumentiste lors de ses concerts, si cela désigne un genre ou une époque, auquel on réduit les programmes (musique baroque, lyrique, contemporaine, musique de chambre...), ou si cela est la part du patrimoine musical qui apparaît au concert.

On lit-on dès les premières lignes de l'introduction :

Le répertoire est une notion partagée par l'ensemble des arts vivants [...] on ne tentera pas ici d'élever artificiellement le répertoire au rang de concept unifié sous une acception définitive. La pluralité de ces significations est irréductible [...] toute la difficulté et l'intérêt du répertoire résident dans son caractère multiple, mouvant, insaisissable [...].

Tout est dit. Ce livre nous parle donc de quelque chose qu'on ne peut pas définir, ne cherche pas à définir, ne discute pas l'aporie. Mais une fois la courte introduction passée, on efface toute improbabilité, on passe négligemment sur la problématique, pour faire comme si. Cette chose indéfinie devient le fil rouge de la dissertation, nous laissant assez songeur quant à un sens insoupçonné (et certainement très personnel), de ce concept de répertoire si commun, partagé par l'ensemble des arts vivants qui en font sans le savoir.

Jean-Marc Warszawski
5 novembre 2013


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