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Emanuel Gat et sa vivifiante « plage romantique » au Monaco Dance Forum
Monaco, 19 décembre 2014, par Jean-Luc Vannier ——La lumière s'éteint, jeudi 18 décembre salle Prince Pierre du Grimaldi Forum. Un jeune à la barbe fournie, Michael Löhr, professeur de danse à Berlin après être passé par les classes de Gregor Zöllig à Bielefeld, s'approche de l'avant-scène éclairée et annonce avec un fort accent d'outre-Rhin : « bonsoir, moi c'est Michael…vous vous attendez à du romantisme…mais pas de romance ce soir…la romance, ce sont des bisous …mais on n'a rien contre les bisous…pas la peine de regarder votre programme ! ». Un guitariste polonais, l'air passablement désorienté, lui succède en chantonnant : « je ne sais pas ce que je fais ici… ». Il est soudainement interrompu par l'irruption d'autres danseurs qui, dans une ambiance hystérique digne d'une cour de récréation après plusieurs heures de mathématiques indigestes, envahissent le plateau dans un indescriptible tohu-bohu. Ainsi débutait, dans le cadre du Monaco Dance Forum, « Plage romantique » créée en résidence à la Maison de la Danse intercommunale du San Ouest-Provence et au Festival Montpellier Danse, par le chorégraphe franco-israélien Emanuel Gat : déstabilisant, énergétique, rigoureux mais aussi jubilatoire, son travail qui vise à corréler sonorités vocales et initiatives gestuelles nous tient solidement en haleine pendant une bonne heure.
Impossible en effet de décrocher tant la curiosité nous étreint : « la nouveauté est la condition de la jouissance », nous rappelle Sigmund Freud. Dans une dynamique circulaire qui tient du manège en groupe, les danseurs Hervé Chaussard, Aurore Di Bianco, Pansun Kim, Michael Löhr, Geneviève Osborne, François Przybylski, Rindra Rasoaveloson, Milena Twiehaus et Sara Wilhelmsson nous entraînent dans une enfilade rythmée d'évolutions à la fois audacieuses et superbement synchronisées. Et ce, nonobstant l'apparence de leur improvisation. Déclenchés par le contact physique, les mouvements des corps ressemblent à des dialogues intersubjectifs où chaque geste de l'un en interpelle un autre, puis l'invite à son tour à en apostropher un troisième. Un peu comme cette chorégraphie, nous précisait à l'issue Michael Löhr : celle-ci « se nourrit de ses propres modifications à chacune de ses représentations ».
Solitaires ou associés, les prénoms égrenés par des micros donnent le signal aux danseurs désignés qui se relaient à tour de rôle pour entretenir cette chaîne chorégraphique. Il nous faut néanmoins attendre la seconde demi-heure, précédée d'un « vrai faux » entracte du toujours facétieux Michael Löhr en maître de cérémonie afin de comprendre la référence à « La plage aux romantiques » : chanson française composée en 1966 par Pascal Danel et interprétée sur le plateau du Grimaldi en polonais par François Przybylski. Les danseurs miment avec une rare expressivité toutes sortes de saynètes susceptibles d'être vécues au bord de la mer : natation, feux de camps, soirées festives, bronzage sur le sable…Etonnant de suggestivité créative !
Saluons les surprenantes performances de cette petite troupe sympathique et pleine d'avenir où le décalé côtoie le sérieux, et dont les origines s'éparpillent entre Amsterdam, Berlin, Paris, Stockholm, Séoul et un chorégraphe lui-même natif de Netanya, la station balnéaire de Tel-Aviv. Des danseurs du monde.
Monaco, le 19 décembre 2014
© musicologie.org 2014 Samedi 20 Décembre, 2014 15:19 |
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