Programme alléchant, courageux aussi que cette sorte de rétrospective (chronologiquement inversée) retraçant l'évolution du quatuor au xxe siècle. Un programme imprimé décevant par son indigence : seul le 1er quatuor de Bartók y était présenté, commenté abondamment. Pas un mot sur Dutilleux, ni sur Ravel. Des inconnus sans doute…
Le quatuor Artermis.
Et cependant, le quatuor « Ainsi la nuit », qui ouvrait le récital est devenu un classique. Première œuvre pour quatuor de Henri Dutilleux, cet essai achevé en 1977 fut un coup de (grand) maître. Juxtaposition de pièces fragmentaires antérieures, cette pièce atteint une unité exemplaire par les liens que le compositeur a sus tisser entre les parties et par le traitement de son matériau thématique. Contrairement à ce qu'écrivent certains analystes, il se situe dans le droit fil de celui de Ravel, écouté en fin de programme, dont les alternances de mouvements à l'intérieur de chacune des sections et l'écriture pour les cordes paraissent prémonitoires. Un vrai régal : la beauté pure, la magie renouvelée des précédentes écoutes. Tout juste peut-on regretter, a posteriori, qu'il ait ouvert le concert. J'ai la conviction qu'écouté après celui de Ravel, il aurait été davantage apprécié du public, peu familier de Dutilleux.
Il est vrai qu'il était défendu par une formation ayant conservé l'enthousiasme de la jeunesse tout en ayant franchi l'âge de la majorité. Le Quatuor Artemis, fondé en 1989, a maintenant acquis ses lettres de noblesse, et reçu de nombreux prix et récompenses prestigieux. Ils jouent debout, seul le violoncelliste (animateur) jouant – évidemment - sur une petite estrade, devant ce qui pourrait être pris pour le rideau de fer, ce qui est inaccoutumé, mais acoustiquement très efficace, pour le vaisseau surdimensionné de l'auditorium garni d'un petit public.
Succédait le premier quatuor de Bartók, achevé en 1909. La marque des influences postromantiques (de Reger, tout particulièrement) y est perceptible, mais laisse présager déjà l'extraordinaire floraison à venir. Et ceci dans l'allegro vivace final, à la thématique et aux rythmes populaires, qui termine l'ouvrage de façon irrésistible.
Quant au quatuor de Ravel, de 1909, on le retrouve toujours avec un profond plaisir. Et l'on réalise aussi combien, dès ses premières œuvres, notre grand Ravel avait atteint une maturité exceptionnelle. Interprétation d'une fidélité et d'une perfection rares, par un quatuor dont l'équilibre, l'homogénéité et la pureté de jeu le disputent à l'engagement pour cette musique du siècle passé.
Eusebius
8 décembre 2011
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