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Lucien Durosoir : Quatuors à cordes

Lucien Durosoir, Quatuors à cordes. Quatuor Diotima. Disques Alpha, 2008 (ALPHA 125).

Enregistré au Centre de Rencontres La Borie (Limousin).

Le Quatuor Diotima : Naaman Sluchin (violon) ; Yun-Peng Zhao (violon) ; Franck Chevalier (alto) ; Pierre Morlet (violoncelle)

Quatuor no 1 en fa mineur (1919) ; Quatuor no 2 en ré mineur (1922) ; Quatuor no 3 en si mineur (1934)

La carrière de concertiste-virtuose, du violoniste Lucien Durosoir, s'est effondrée dans les tranchées de la Grande Guerre. Démobilisé, il abandonne l'archet au profit de la plume et du papier réglé, projet qu'il envisageait déjà dans la boue et sous la grêle de projectiles, où il eut la possibilité, dans la dernière période de la guerre, de faire de la musique et des exercices d'écriture avec André Caplet.

Ces trois quatuors respectivement composés en 1920, 1922, 1934, sonnent et touchent, ils sont dignes du « grand répertoire » comme on dit. Lucien Durosoir est habile dans le contrepoint, maîtrise l'équilibre, entre une écriture très savante, l'utilisation des possibilités instrumentales (dont il a une grande expérience), et les effets sensibles. Il est un compositeur qui entend.

Ses quatuors sont construits à partir de thèmes, de manière dite « cyclique », c'est-à-dire qu'ils sont énoncés sous divers aspects, tout au long de l'œuvre. Cela est certainement un facteur de stabilité, qui permet plus de liberté, notamment dans une harmonie tonale en dépassement.

La musique de Lucien Durosoir, est fougueuse, impétueuse, parfois furieuse, et tendre. Elle utilise une très grande palette de moyens de variations, faisant à la fois appel à la science de l'écriture et aux ressources virtuoses propres aux instruments.

Il y a certainement une évolution entre le premier et troisième quatuor : des lignes plus amples, plus de souplesse d'écriture, une plus grande sollicitation de la virtuosité, plus d'habilité à varier.

Mais le premier quatuor me séduit plus que les deux autres, par ce qui me semble être son urgence, par plus de spontanéité, de vérité. Par l'effet des sorties de contrepoint sur des unissons, comme un projet, une parole, dramatiquement avortés ; la qualité mélodique de son thème, sa dramatisation dans le premier mouvement ; peut-être pour l'âpreté, même dans le Scherzo guilleret mais traversé d'acidité ; par le sombre et magnifique adagio torturé, traité en lignes harmoniques douloureuses, qui tentent, mais si peu, de se détendre, et la fureur initiale du Final, avec, dans l'accalmie, une curieuse citation du thème de Cinquième Symphonie de Beethoven.

Dans la mesure où Lucien Durosoir est un électron libre, qui ne suit aucune école esthétique constituée, on pourrait avoir des difficultés à apprécier cette musique, car on ne peut pas la « classer », et l'on risque de se perdre dans des rapprochements, avec des compositeurs ou des esthétiques reconnues.

Comme Maria Szymanowska, Chopin avant Chopin, Hélène de Montgeroult et son élève Boëly, qui semblent être romantiques avant le romantisme (ou le piano d'Alkan). L'histoire n'est ni juste ni injuste, mais comment une œuvre entre ou n'entre pas dans l'histoire, est certainement une grande question.

On pourrait imaginer que ces artistes, œuvrant en dehors des sentiers battus, mais bien dans leur temps, en recul du monde, en sont en fin  de compte, la véritable oreille.

Jean-Marc Warszawski
Septembre 2008


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