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25 juillet 2014, par l'ouvreuse du festival d'été ——

Castré et de luxe ! ou Castor et Pollux ? (Billet d'humeur)

Rameau

Serais-je masochiste ? Malgré les risques encourus d'indigestion, voire d'intoxication ramiste cette année, j'ai osé mon premier Castor et Pollux de l'année, à Montpellier. Où j'ai évidemment retrouvé ma Comtesse1, qui m'a soufflé le titre d'aujourd'hui.

Malgré Saint-Saëns, Charles Bordes, Rouché et autres, il aura fallu attendre Harnoncourt et Christie pour redécouvrir cet ouvrage. La multiplication rapide des Castor et Pollux à laquelle on assiste en cette année Rameau nous fait redouter une épidémie dont les conséquences demeurent pour l'instant difficiles à évaluer.

Echassier svelte aux ailes blanches, déplumées, le chef n'a pas besoin d'estrade ni de baguette pour être vu de ses musiciens. En ces temps de disette, aucune économie n'est à négliger. Mais pourquoi alors deux clavecins, plus de vingt cordes, une bonne quarantaine d'instruments, sans compter le tonnerre ?2

Bien que jeune, Raphaël Pichon a des goûts délicats. Il doit aimer les gâteries : La joliesse proprette, élégante même, extrêmement nuancée, maniérée lui sied à merveille. Tout est nickel, d'une finition de cousette, avec une retenue affectée. On ne peut nier la beauté de certains passages, mais cent soixante minutes de musique sont-elles nécessaires pour nous révéler que les deux frères et la femme qu'ils aiment accèderont à l'immortalité du ménage à trois ? Je sais, il en faut encore bien davantage à Richard pour réduire le Walhalla en ruines, mais on n'est pas forcé d'y trouver du plaisir.

Les édulcorants, nombreux ce soir, ne sont pas le gage d'une bonne cuisine. Peut-on se régaler sans sucre, sans sel ni poivre, sans épices ? Je ne suis pas au régime, diable ! Le sang, les pleurs, les combats, car il y en a dès la fin du premier acte, ne relèvent pas du divertissement mondain ou du jeu d'enfant.

Raphaël Pichon Raphaël Pichon. Photographie © Luc Jennepin.

 C'est une tragédie, j'en prends Jupiter à témoin ! Oui, je sais que cette partition fut sévèrement jugée par Berlioz, fin critique. Mais encore faut-il lui donner, sinon lui rendre cette énergie qui fait tant défaut ce soir.

Seuls le chœur, tout d'abord, et quelques solistes, dont le magnifique Florian Sempey (Pollux) et Emmanuelle de Negri (Télaïre) impriment cette force expressive indispensable. C'est remarquable, mais ça ne suffit pas à faire un opéra…

Jupiter a déjà immortalisé Rameau. Puisse-t-il le conserver longtemps encore à ses côtés !

L'ouvreuse du festival d'été
(25 juillet 2014)

P.S. : à un ami qui me demandait pourquoi je rédigeais des critiques, j'ai répondu que le point de croix, la chimie moléculaire et le droit administratif étaient trop difficiles.

1. J'avais imprudemment cité sa boutade relative à l'illustre Dijonnais « Chameau ! c'est riant… », ce qui me valut une menace de bastonnade d'un distingué lecteur, misogyne et ardent défenseur de Jean-Philippe, le métier devient dangereux !

2. Les cordes, nombreuses (plus de 20), placées devant, avec les clavecins, brouillent l'écoute des bois.


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