Adam Laloum, l'Orchestre National de Lille et Jean-Claude Casadesus. Photographie © Marc Ginot.
La thématique Autour de 1914, liée centenaire du début de la Grande Guerre, est un axe fort de la programmation éclectique du Festival de Radio France Montpellier Languedoc-Roussillon. Le concert de ce soir propose quatre œuvres dont la création s'étend sur une quarantaine d'années, qui ont en commun une relation forte au conflit.
D'Albéric Magnard, disparu après avoir fait le coup de fusil contre les soldats allemands qui prenaient sa maison, le bouleversant Chant funèbre écrit auparavant à la mort de son père. Fréquemment modale, c'est une ample déploration, nostalgique, déchirante, d'une belle pâte sonore. Musique puissante et raffinée, très personnelle. Les cordes chantent, tout l'orchestre, animé par la direction claire et inspirée de Jean-Claude Casadesus, s'y livre avec émotion.
La Berceuse héroïque est à l'œuvre pianistique et orchestrale de Debussy ce que le Noël des enfants qui n'ont plus de maison est aux mélodies : une œuvre mineure et anecdotique, qui cependant porte la marque du maître, ne serait-ce que par son orchestration raffinée. Fait du hasard ? Dédiée au courageux Albert Ier, roi des Belges, elle est jouée le 21 juillet, fête nationale de ce pays, dont elle cite plusieurs fois La Brabançonne, l'hymne national.
Chacun sait que l'amputation de Paul Wittgenstein nous valut bien des concertos pour la main gauche, dont le chef d'œuvre est, évidemment, celui de Ravel. L'introduction fascinante, dans les graves de l'orchestre, d'où va émerger le premier élément mélodique conserve toujours sa magie : Adam Laloum fait son entrée après le premier tutti éclatant et inquiétant. Sonore, ronde, d'une belle couleur, l'attaque est convaincante, même si les aigus sont un peu ternes (un Steinway ne peut en ce domaine égaler un Pleyel). Les phrasés sont superbes, qu'il s'agisse de l'orchestre, en très grande forme, ou du jeu d'Adam Laloum, puissant, robuste mais toujours clair, raffiné, d'une lisibilité exemplaire, particulièrement dans les passages polyphoniques. C'est un modèle, même si d'imperceptibles et minuscules décalages se font parfois entendre. Le public est galvanisé et, après force rappel, Adam Laloum va lui rendre sa sérénité en jouant la Chanson de printemps, de Mendelssohn : un modèle de retenue et de lyrisme.
Jean-Claude Casadesus. Photographie © Marc Ginot.
La 4e symphonie « L'inextinguible », que Carl Nielsen écrivit en 1916 est un chef-d'œuvre encore largement méconnu du public, et nous sommes gré au Festival de l'avoir programmé. Page ample dont les quatre mouvements sont enchaînés, Nielsen y traduit magistralement ses inquiétudes, entrecoupées de moments de détente délicieux, vite contrariés par la véhémence des accents et des progressions. Partition d'une construction achevée, elle oppose en de violents contrastes toutes les forces de l'orchestre à un ou quelques instruments. Les associations sont singulières, par exemple, longue phrase des violons à l'unisson, ponctuée par les pizzicati des basses et par les timbales. La pulsion vitale qui sous-tend cette œuvre originale lui confère une force extraordinaire. Son modernisme, manifeste à la création, n'a pas pris une ride et sa séduction reste entière. Le bonheur se lit sur le visage du chef : il rayonne comme la musique qu'il dirige, et ses musiciens sont littéralement emportés par les vagues … qui résonnent à Copenhague autant que sur les ondes de France-Musique, puisque le concert est retransmis en direct au Danemark. Splendide.
Eusebius
22 juillet 2014
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Vendredi 2 Février, 2024