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Dijon, Auditorium, 13 octobre 2011, par Eusebius.

Agrippina, de Haendel par le Concert d'Astrée

Œuvre de jeunesse (fin du séjour en Italie dont Haendel a assimilé la langue musicale), fondée sur de nombreux emprunts, et matière à de fréquents réemplois, Agrippina connut un succès peu commun dès sa création vénitienne en 1709.

Son livret, singulier, du cardinal-diplomate Grimani (propriétaire du Teatro San Giovanni Grisostomo de la création) emprunte naturellement à l'histoire romaine. Le pouvoir et la duperie des sentiments, mensonges et trahisons en tous genres constituent les ressorts d'une action complexe, où les personnages sont peints sans complaisance, avec leurs aspects bouffons, grotesques (Claude) comme avec leur sincérité touchante (Ottone). Les femmes mènent la danse : Agrippina et Poppea, évidemment. Sans oublier Nerone, adolescent immature, instrument et jouet de sa mère pour la conquête du pouvoir.

La coproduction des opéras de Dijon et de Lille était dirigée par l'inimitable Emmanuelle Haïm, et son Concert d'Astrée. Conduite exemplaire, toujours très attentive au chant, et diablement dynamique : de la fureur à la tendresse, une grande leçon. La mise en scène bienvenue, sobre et efficace, avec des éclairages adéquats, de Jean-Yves Ruf servait pleinement l'intrigue et le jeu des chanteurs-comédiens. L'ajout de trois personnages muets suscitait quelques interrogations, voire des critiques. Particulièrement celui de « la bête » et de ses aboiements et grondements, sorte de double (la suivante ?) d'Agrippina.  L'idée est pertinente, l'acteur excellent, mais cette figure mi-homme mi bête est ambigüe, trouble, et pis, ses grondements, dès la dernière partie de l'ouverture, paraissent incongrus à de nombreux auditeurs.

La distribution était internationale (américaine, croate, bulgare, anglaise, française…) et homogène. Agrippina, rôle périlleux par sa virtuosité et sa présence – écrit pour la Durastanti – était confié à l'américaine Alexandra Coku, qui traverse l'œuvre avec une présence et une palette expressive convaincantes. Non moins admirable la Poppea de  la bulgare Sonya Yoncheva, séductrice flamboyante et sensible (l'aria « Se giunge un dispetto » !). L'Ottone campé par le contreténor Tim Mead se révélait le personnage le plus noble et le plus touchant de cette scabreuse histoire. Son aria « Voi che udite il mio lamento », avec le hautbois solo, est peut-être le sommet de ce chef-d'œuvre. Le Claudio d'Alastair Miles, parodique, n'a plus la puissance ni la rondeur de son enregistrement avec Gardiner. Même si le personnage est moins caractérisé, le Nerone campé par la mezzo croate Renata Pokupic ne peut qu'appeler des éloges : une grande voix dont on suivra la carrière avec attention.

Seule réserve, mineure, la coloration (les voyelles) et l'accentuation de l'italien chanté, parfois défectueux, mais qui ne semble pas avoir gêné le public. Un « coach de langue » collaborait pourtant avec le chef de chant.

La certitude de la réussite se lisait dans l'enthousiasme du public, après plus de trois heures trente d'une attention soutenue ; aucune sortie anticipée, de nombreux rappels. Une soirée mémorable.

Eusebius
14/10/2011

Un conseil pour finir : si vous avez la chance de pouvoir assister aux représentations lilloises (5, 7, 9 novembre), précipitez-vous !


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Mercredi 31 Janvier, 2024