« Et s'ils applaudissent pas ? J'aurai la honte. » L'inquiétude étreint soudain Yacine, 7 ans, jeune apprenti violoniste qui jouera pour les fêtes de fin d'année devant familles et amis de la cité des Canibouts de Nanterre (Hauts-de-Seine), sa cité.
Durant le week-end, le groupe d'une quinzaine d'enfants, qui apprend le violon et l'alto au centre de loisirs de la cité des Canibouts, doit se rendre à Suresnes pour commencer à travailler avec « les cuivres ».
« Qui va leur présenter le violon ? », demande un professeur. L'heureuse élue est désignée parmi des protestations de jalousie.
Puis, après avoir chanté les notes d'« Ah vous dirais-je maman? », les enfants se concentrent sur leur instrument.
Les enfants, qui se retrouvent après l'école deux fois par semaine, apprennent sans partition, de mémoire.
Il y a presque un an que l'opération Demos a commencé dans des cités de banlieue et dans des quartiers défavorisées de Paris. A l'instar d'expériences menées à l'étranger, la décision a été prise, à titre expérimental, d'amener la musique classique dans ces lieux où les habitants n'y ont guère accès.
« C'était Noël quand les enfants ont eu les instruments », se souvient Mohamed, responsable du centre de loisirs, qui accompagne le projet. « C'était une remise symbolique, très cadrée. On voulait y mettre la forme », explique-t-il.
L'opération, proposée dans le cadre des activités du centre, a suscité un véritable engouement auprès des enfants, qui n'avaient jamais pratiqué d'instruments, et de leurs familles.
Huit des seize enfants de 7 à 11 ans volontaires pour l'expérience ont pourtant abandonné depuis et huit « nouveaux » se sont inscrits. Au début, beaucoup « venaient par curiosité. Pour eux, ça représentait quelque chose d'énorme », explique l'un des trois professeurs, qui enseignent tous dans des conservatoires et sont musiciens d'orchestre.
Car « pour eux, la musique classique, c'est tapis rouge. Donc, ils concluent: c'est pas pour nous ». « Mais ils ont osé venir. Après, les gens ont moins peur d'aller frapper au conservatoire », ajoutent les professeurs.
Selon eux, « aujourd'hui, les conservatoires sont accessibles » financièrement. « Mais ça n'enlève pas la peur. Un enfant qui va au conservatoire, il sort de sa sphère. Là, on est dans leur sphère ».
« C'est super novateur de faire vraiment des instruments de l'orchestre et pas de la petite percussion », ajoute Sabine. « C'est de cela qu'ils tirent leur fierté ».
« Ceux qui ont le plus de mal ont arrêté d'eux-mêmes. Ils perturbaient le groupe. C'était une souffrance pour eux de rester assis sur une chaise. Aujourd'hui, ils sont inscrits à des clubs de sport », raconte Mohamed.
« Pour d'autres, dit Marjorie, référente famille du groupe, ça a été une vraie révélation ». « Les craintes, ajoute-t-elle, c'étaient surtout les craintes des familles ».
La petite Imane, qui va sur ses 8 ans, est l'une des plus assidus. « L'an dernier, pour le concert à Pleyel, on était en vacances en Algérie. Imane était dégoûtée. Moi aussi », raconte sa mère, fière qu'Imane soit « très motivée ».
Sa grande soeur, aussi inscrite au projet Demos, n'a pas continué. « Je crois qu'elle n'aimait pas trop », dit la mère. A la maison, raconte-t-elle, « c'est plus la musique du pays ».
Puis en juin, comme lors de la dernière année scolaire, les 450 enfants concernés par le projet joueront à la salle Pleyel à Paris devant les familles, encadrés par des musiciens professionnels. « Si c'est pas à Pleyel, je joue nulle part », insiste une fillette du groupe.
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Lundi 9 Septembre, 2024 17:21