musicologie

3 décembre 2010 ——

Claire Gibault, chef d'orchestre engagée, femme politique singulière

« J'avais soif de revanche sociale ». Claire Gibault, l'une des rares femmes chefs d'orchestre à avoir acquis une envergure internationale, explique ainsi un parcours atypique, du Conservatoire du Mans aux bancs du Parlement européen, en passant par l'Italie et le Togo.

De passage à l'Opéra de Nice pour deux concerts, la « maestra » renoue avec sa vocation née il y a plus de 60 ans.

Sa carrière a en effet connu une « parenthèse » entre 2004 et 2009, pendant son mandat de députée européenne (UDF-PDE) de la circonscription Sud-Est, comme elle le retrace dans un livre qu'elle publie aux éditions L'Iconoclaste, « La musique à mains nues - Itinéraire passionné d'une femme chef d'orchestre ».

Du conservatoire du Mans où elle fut 1er prix de violon en 1958, comment en arrive-t-on à siéger dans une assemblée européenne sans s'être jamais intéressé à la politique ?

Née en 1945 dans une famille de musiciens, Claire Gibault sait à 13 ans qu'elle veut devenir chef d'orchestre. Pour elle, la musique sera ce « tapis volant » qui lui permettra d'échapper à son milieu de « gens ordinaires ».

Pour ce faire, elle se montre aussi exigeante avec elle-même qu'avec les musiciens qu'elle dirige. « Mon désir de perfection artistique pouvait aller jusqu'à la cruauté pour obtenir le meilleur », regrette-t-elle. Sa dureté n'a d'égale que celle de certains orchestres, qui refusent d'être dirigés par une femme.

Après des études à Paris, elle exerce à Lyon et Chambéry, puis en Italie où elle se lie d'amitié avec Claudio Abbado, son « modèle ». Elle tourne en Europe, aux Etats-Unis.

De retour en France, elle accepte une proposition « inattendue »: l'UDF lui demande en 2004 de figurer sur sa liste aux européennes. Contre toute attente, elle est élue. Elle travaille notamment sur le statut social des artistes.

Faute d'être affiliée à un parti, elle ne se représente pas en 2009, mais ne coupe pas pour autant les ponts avec la politique: elle vient en effet d'être nommée membre du Conseil économique, social et environnemental et siègera au sein de sa commission culturelle. « J'ai pris le virus! », sourit-elle.

Cet « engagement citoyen » se conjugue désormais avec sa carrière d'artiste: elle dirigera à Kyoto (Japon) fin décembre, dans les Pays de la Loire en février. Et veille sur le Paris Mozart Orchestra, qu'elle a fondé cette année.

Claire Gibault connaît un destin tout aussi singulier sur le plan privé, semblant là aussi se jouer des obstacles.

Issue d'une famille catholique non pratiquante, elle s'est convertie à l'orthodoxie, à la recherche d'un équilibre spirituel qu'elle dit avoir trouvé.

Elle a avorté très jeune, ne désirant pas d'enfant de celui qui sera son mari pendant deux ans. Mais à 42 ans, mue par son « désir de transmettre », elle décide d'adopter en tant que célibataire, l'homme avec qui elle partage alors sa vie ne voulant pas d'enfant.

On lui refuse l'agrément d'adoption pour la France parce que, affirme-t-elle, elle n'a « pas un métier convenable pour une femme » et qu'elle a « un amant ». Déterminée, elle adopte au Togo. D'abord José puis Elise, aujourd'hui âgés de 24 et 21 ans. Des adoptions qui lui vaudront de vivre le racisme ordinaire à Lyon: on leur crache dessus, on l'insulte, souligne-t-elle.

Aujourd'hui, visiblement épanouie, elle vit le « grand amour » avec un homme qui, dit-elle, l'aime « pour elle-même », pas pour sa notoriété. « Il ne vient pas à mes concerts! », s'enthousiasme la sexagénaire.

© musicologie.org


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bouquetin

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