3 décembre 2010 ——
Artiste intransigeant et simple, le violoniste américano-israélien Gil Shaham entame à Paris un cycle de concertos des années 30, qu'il poursuivra durant trois saisons également à Berlin, Londres et aux Etats-Unis.
Avec l'Orchestre de Paris, il interprète mercredi et jeudi un des deux concertos pour violon de Prokofiev (le second) et jouera celui de Walton en avril 2011.
« C'est vraiment stimulant », dit-il dans un entretien à l'AFP, heureux de voir que l'orchestre continue de travailler après la fin de la répétition. « Je suis très excité à l'idée du concert », ajoute-t-il dans un grand sourire, les yeux pétillants.
Ce cycle l'amènera à jouer des concertos de Prokofiev, Walton, Barber, Britten, Berg, Korngold, Szymanowski dont certains ont été rarement interprétés. « Honnêtement, c'est un prétexte pour jouer certaines de mes musiques favorites », explique-t-il.
Pour Gil Shaham, « il est frappant de penser qu'en seulement huit années, de 1931 à 1939, les plus belles icônes peut-être des concertos pour violon ont été écrites par les compositeurs les plus célèbres ».
« Il y a une liste incroyable », dit-il, citant Bartok, Prokofiev, Stravinsky, Berg, Schönberg, Darius Milhaud et les autres.
« J'ai toujours voulu jouer un cycle (de ces compositeurs) parce que c'est agréable de penser que ces chefs-d'œuvre ont une sorte de lien comme quand vous êtes dans une salle de musée et que vous regardez un tableau et l'autre. J'adore faire cela dans ma pratique ».
« Je ne suis pas musicologue mais on a dit des choses très intéressantes » sur ces concertos, ajoute-t-il. Dans Samuel Barber, raconte-t-il, « vous pouvez voir des villes d'Amérique du Nord qui sont en train d'être construites, vous pouvez voir les gratte-ciels, la circulation et le jazz, les voitures dans Broadway ».
« Dans son concerto pour violon, nous savons que Benjamin Britten a écrit sur la guerre civile en Espagne, que celui d'Hartmann est une réflexion sur l'époque dans laquelle il vit », ajoute Gil Shaham. Il parle de celui d'Alban Berg qui évoque, un moment donné, « une réflexion sur le sentiment éprouvé à cette époque que le vieux monde a disparu et le sentiment de perte et d'angoisse pour ce qui va venir ».
« Ainsi, vous pouvez peut-être voir quelque chose si vous regardez le monde à travers les verres des concertos pour violon », estime-t-il.
Loin de l'artiste maudit, Gil Shaham, qui jouait sur scène à 11 ans son premier concerto mais mal, selon lui, ne cesse de se dire « heureux » et « chanceux ».
Cet enfant prodige, qui vécut enfant à Jérusalem avant de partir aux Etats-Unis, a remplacé à 17 ans au pied levé le célèbre Itzhak Perlman pour jouer les concertos de Bruch et de Sibelius avec l'Orchestre symphonique de Londres.
Aujourd'hui, âgé d'à peine 40 ans, marié et père de deux enfants, Gil Shaham, qui vit à New York, persiste à dire qu'il « ne peut rien imaginer de plus épanouissant que d'être avec la musique ».
« Les gens qui sont intéressés par la musique classique sont passionnés et je pense que nous avons tous le sentiment d'être propriétaires de ce répertoire, des grands trésors qui nous ont été donné par des compositeurs ».
« C'est un art difficile et nous devons être exigeants avec nous-mêmes » pour le restituer, affirme cet artiste rayonnant qui, enfant, « fantasmait » sur le fait de devenir violoniste.
Lui, dont les grands-parents paternels durent fuir leur village de Pologne en 1933 « avec rien », juge que face à la souffrance, « la musique est une manière d'apporter du réconfort ».
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