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Burette Pierre-Jean
1655-1747

Né à Paris le 21 novembre 1665, mort le 19 mai 1747.

Il est le fils du compositeur et harpiste Claude Burette.

En raison de sa santé délicate, il ne semble pas avoir reçu de formation dans une institution durant son enfance. Élève de son père, il débute une carrière d'enfant prodige au clavecin et à la harpe, et joue en duo avec son père.

Il passe pour avoir été un autodidacte de génie, ayant appris quasiment seul le latin, le grec, l'espagnol, l'italien l'anglais, l'allemand, le syriaque, l'hébreu. Ses écrits ne soutiennent pas l'enthousiasme élogieux de ses premiers biographes, sinon sa traduction, en 1735, du Dialogue sur la musique de Plutarque.

Selon ces mêmes sources, il est docteur en médecine en 1690, il donne des cours à l'Académie de médecine en 1698, il est membre de l'Académie des Inscriptions et Belles lettres en 1705, en est pensionnaire en 1711. Il devient rédacteur du « Journal des Savants ».

En 1703, il est professeur de chirurgie à la faculté de médecine et en 1710, il obtient la chaire Médecine au Collège Royal.

Sources biographiques

Éloge de M. Burette [par M. Freret, à l'Assemblée publique d'après Saint-Martin de 1747, de l'Académie des Inscriptions et des Belles lettres]. Dans « Histoire de l'Académie des Inscriptions et des Belles lettres » (28) 1748, p. 217-133.

Pierre-Jean Burette naquit à Paris le 21 novembre 1665, de Claude Burette & de Marie l'ortet.

Claude Burette, son père, étoit originaire de Nuits & fils d'un Chirurgien très-employé : mais il perdit sa mère pendant le cours des études qu'on l'avoit envoyé faire à Dijon ; & le peu de soin que son père, trop occupé de ses enfans d'un second lit, prenoit de ceux du premier, l'obligea d'abandonner l'étude de la Médecine à laquelle il se destinoit, & de chercher une ressource dans la Musique.

Sa mère qui jouoit parfaitement de la harpe & du clavecin lui en avoit montré les premiers élémens dans sa jeunesse ; elle vouloit qu'il y trouvât un délassement : la nécessité lui en fit une occupation. Il alla d'abord à Lyon, mais il y resta peu de temps. Le talent singulier qu'il avoit de toucher la harpe, instrument alors à la mode, le fit appeler à Paris : il s'y fixa en qualité de Musicien ; & la célébrité qu'il acquit bien-tôt lui procura un établissement commode. Cette célébrité lui mérita même l'honneur d'être mandé plus d'une fois à S. t Germain & à Versailles, pour y jouer devant Louis xiv & toute sa Cour.

L'enfance de Pierre-Jean Burette, son fils, fut si valétudinaire, & sa santé demandoit tant de ménagemens, que ses parens n'osant l'exposer aux hasards d'une éducation étrangère, le gardèrent auprès d'eux. Claude Burette son père lui apprit la musique & à jouer de l'épinette presque en lui montrant à lire; & le jeune écolier fit tant de progrès sur ce petit instrument proportionné à sa taille, que, dès l'âge de huit ans, il fut produit à la Cour pour y jouer en concert avec son père qui l'accompagnoit de sa harpe. Deux ans après le père & le fils concertèrent encore ensemble devant le Roi sur deux harpes égales : alors on n'étoit pas accoutumé, comme on lest aujourd'hui, à voir de jeunes enfans qui soient déjà Musiciens. Le jeune Burette commença de bonne heure à soulager son père dans l'exercice de fa profession ; & dès l'âge de dix à onze ans, il montroit à jouer du clavecin à de jeunes enfans de condition de l'un & de l'autre sexe. Mais comme l'éducation qu'il avoit reçue pour la musique n'avoit pas étouffé le goût dominant avec lequel il étoit né pour les Lettres & pour les livres, c'étoit à cette dépense qu'il consacroit dès-lors tout ce qu'il pouvoit ménager sur l'honoraire que lui produisoient ses leçons.

Son père & deux Ecclésiastiques amis de la famille, qui lui enseignèrent ses premiers élémens de la langue latine, lui avoient épargné les longueurs & les dégoûts des méthodes scholastiques. Mais son application & sa disposition naturelle suppléèrent à ce qui pouvoit lui manquer du côté des instructions : ce fut de lui-même & sans maître qu'il apprit le grec. La méthode & ses racines de Dom Lancelot, jointes à un travail assidu, le mirent en état de lire & d'entendre en assez peu de temps, les meilleurs écrivains Grecs, & de pouvoir comparer les textes originaux avec les traductions latines & françoises les plus estimées. La lecture attentive & réfléchie qu'il faisoit de ces dernières, lui procura un avantage considérable, celui d'apprendre de bonne heure à connoître & à sentir se vrai tour & la pureté de la langue françoise.

L'éducation toute grecque & toute latine que nous recevons, nous rend ordinairement comme étrangers dans notre propre langue ; & nous aurions besoin d'en faire une nouvelle étude dans un âge auquel d'autres objets plus importans ou plus agréables commencent à nous occuper, & où il n'est pas toujours facile de se défaire des premières impressions.

La méthode qu'avoit suivie M. Burette l'avoit garanti de cet inconvénient ; & nous avons peu d'écrivains, sur-tout parmi les gens de Lettres, dont le style allie autant de facilité & d'aisance avec la plus parfaite correction & l'observation la plus scrupuleuse des règles de la langue.

Son application à l'étude effrayoit des parens toujours inquiets pour sa santé ; & leurs attentions le mettoient dans la nécessité de les tromper, en consacrant à cette étude le temps qu'il paroissoit donner au sommeil. La profession de Musicien dans laquelle il sembloit être né, & dont l'exercice lui emportoit un temps considérable, avoit trop peu de rapport avec les Lettres pour être de son goût ; & il obtint enfin de ses parens la permission de la quitter pour se destiner à celle de Médecin. Comme il n'avoit fait que des études domestiques, & que pour devenir médecin de la Faculté (car il ne le vouloit po int être autrement ) il falloit prendre des degrés, & avoir fait du moins un cours de philosophse dans l'Université, il se vit obligé d'entrer, à l'âge de dix-huit ans, dans une nouvelle carrière, & de mettre, pour la première fois, le pied dans les écoles publiques. Ayant achevé son cours de philosophie, il alla prendre des leçons aux écoles de médecine. Se trouvant pendant ces quatre années dans le voisinage du collège Royal, il employoit les heures où il étoit libre à écouter les leçons des professeurs d'hébreu, de syriaque & d'arabe. Ces leçons, jointes au travail particulier qu'il faisoit dans son cabinet, lui donnèrent une teinture des langues orientales, suffisante pour un homme qui n'en vouloit pas faire son capital, & dont l'objet étoit moins de les savoir parfaitement que de ne les pas ignorer. II étudia ensuite les langues vivantes de l'Europe, l'italien , l'espagnol, l'anglois & l'allemand, & les apprit sinon assez pour les parler, du moins assez pour ses entendre couramment dans les livres.

Le temps de se présenter devant la l'aculté étant enfin arrivé, il fut reçu Bachelier avec applaudissement, & subit, avec le même succès, toutes les épreuves qui dévoient lui mériter le titre de Licentié & de Docteur-régent, qu'il obtint en 1690, n'étant âgé que de vingt-cinq ans. A peine avoit-il deux années de doctorat qu'il se vit chargé du soin des malades de plusieurs paroisses de Paris, & même de celui de la Charité des hommes : emploi très-propre à former un bon praticien, qu'il a rempli pendant trente-quatre ans, & où il s'est vu pour disciples presque tous ceux de ses confrères qui, ont le plus brillé depuis dans Paris.

En 1608 il fut nommé Professeur de matière médicale ; & il en dicta un traité complet qu'il accompagna de la démonstration de toutes les drogues simples & composées, chose dont on n'avoit point encore vu d'exemples.

En 1701 ayant été chargé de professer la Chirurgie latine, il s'en acquitta avec un tel succès que les professeurs qui vinrent après lui au nombre de neuf ou dix, adoptèrent sans balancer le cours d'opérations qu'il avoit dicté.

M. Couture l'ayant lié avec M. l'abbé Bignon, celui-ci n'eut pas plustôt été à portée de connoître son mérite littéraire dont il voulut s'assurer par différentes épreuves, qu'il le mit au nombre des censeurs Royaux, lui fit accorder l'honoraire attaché à cet emploi, & pensa à le faire entrer dans l'Acadêmie. II y fut reçu en 1705 en qualité d'élève de M. Dacier, monta en 1711 au rang d'Associé, & fut fait Pensionnaire en 1718.

En 1706 M. l'abbé Bignon l'associa au petit nombre de gens de Lettres qui travailloient sous fa direction au journal des Savans, & lui donna, pour département, non seulement les livres de physique & de médecine, mais encore ceux de littérature & d'histoire. M. Burette a travaillé au journal, sans interruption, pendant trente-trois ans ; & les extraits qu'il a fournis étant réunis en un seul corps, formeroient au moins huit gros volumes in-quarto. II n'a quitté ce travail que quand son âge & ses infirmités ne lui ont plus permis d'y vaquer.

En 1710 il fut choisi pour remplir une chaire de Médecine vacante au collège Royal.

M. l'abbé Bignon étant devenu bibliothécaire du Roi en 1718, obtint de M. le duc d'Orléans, alors régent du Royaume, qu'il y eut un certain nombre d'hommes de Lettres attachés à la bibliothèque, soit comme interprètes des langues vivantes, soit comme chargés de la recherche des livres qu'on y pouvoit ajouter dans les différentes Facultés. M. Burette fut nommé, sans savoir demandé, & même sans le savoir, pour la recherche des livres de Médecine. Aux treize cens articles d'histoire naturelle, qu'il trouva inscrits dans les catalogues, il en ajouta en peu de temps un pareil nombre qui manquoient, & dont il indiqua l'acquisition.

Jusqu'ici nous avons envisagé M. Burette par rapport à sa profession, ou tout au plus par rapport à son goût pour la Littérature en général ; & l'on a dû être sorpris de voir que, malgré son application à la pratique de la Médecine & les différens emplois dont il remplissoit ses devoirs avec la plus scrupuleuse exactitude, il lui soit resté assez de temps pour entretenir quelque commerce avec les Lettres.

Cette surprise augmentera lorsque nous le considérerons en qualité d'Académicien, parce qu'il en a rempli tous les engagemens comme si l'Académie avoit été son unique occupation.

Depuis l'année 1705 qu'il y entra en qualité d'élève, jusqu'à sa dernière attaque de paralysie en 1745, Personne ne l'a surpassé ; & il faut avouer que très-peu l'ont égalé, soit pour l'assiduité aux assemblées, soit pour l'exactitude à concourir au travail commun. II n'a laissé passer aucun semestre sans y lire un Mémoire travaillé avec soin pour la forme, & dont le fonds étoit un point de quelque importance pour la Littérature. II se proposoit toujours un objet d'une certaine étendue, & ne le quittoit que lorsqu'il l'avoit épuisé.

Une vie égale & méthodique dont tous les instans étoient réglés, soivant un ordre qu'il s'étoit prescrit jusque dans les plus petites choses, & qu'il observoit avec une sorte de religion, le rendoit toujours le maître de remplir son temps suivant la destination qu'il en avoit faite.

Par-là il se trouvoit en état de suffire à tout & de n'être jamais au hasard de s'épuiser par un travail forcé & précipité.

Le premier soin de M. Burette à son entrée dans l'Acadêmie, fut de chercher une matière qui, conservant quelque rapport avec une profession que son amour pour les Lettres ne lui a jamais fait négliger, pût fournir une fuite de Dissertations utiles pour la connoissance de l'Antiquité, dont l'étude doit toujours faire notre principal objet.

La gymnastique des Anciens lui parut propre à remplir ces deux vues. Les divers exercices du corps dont elle prescrivoit les règles, étoient une des plus importantes occupations des Grecs. Le cas qu'ils en faisoient alloit presque jusqu'à la superstition ; & ils la regardoient comme une partie importante de la Médecine, parce qu'ils étoient persuadés que l'usage modéré de ces différens exercices étoit non seulement capable d'augmenter la force du corps & de le préserver de plusieurs maladies, mais encore de les diminuer ou même de les dissiper tout-à-fait lorsqu'elles étoient formées.

Les recherches de M. Burette pour la gymnastique, lui fournirent la matière de treize Dissertations différentes. Dans la première, après avoir examiné cet art en général, avoir recherché son origine, avoir montré quelles en étoient les différentes parties, il donne une idée des gymnases ou lieux publics destinés à l'étude de ces exercices, qui étoient construits avec un soin & des dépenses extraordinaires. Il passe, dans un second Mémoire, à la description des bains, qu'on supposoit avoir une liaison essentielle avec la gymnastique, & dont les anciens regardoient l'usage habituel comme très-important pour la santé.

Dans les onze Mémoires soivans il examine en détail & séparément les différentes espèces d'exercices auxquels les Grecs s'appliquoient. Les trois premiers ont pour objet les exercices nommés Orchestriques  ; on comprenoit sous ce nom toutes les espèces de danses, & la sphéristique, c'est-à-dire, la paume, qui chez les anciens étoit une sorte de danse, parce que tous les mouvemens en étoient réglés & assujétis à des cadences mesurées.

Les exercices palestriques firent l'objet des huit derniers Mémoires. On donnoit ce nom aux exercices qui demandoient des mouvemens plus violens, & où la force devoit être jointe avec l'adresse. M. Burette examina dans les trois premiers ce qui concerne les Athlètes en général, l'éducation qu'ils recevoient, la considération dont ils jouisioient, le régime auquel ils étoient assujétis pour augmenter & pour conserver leurs forces, & les diverses occasions qu'ils avoient de faire montre de ces forces dans les jeux publics.

Les cinq autres Mémoires font connoître les cinq différentes espèces de la palestrique, qui étoient la lutte, le pugilat, le pancrace ou combat à outrance, le disque ou palet, exercice où il s'agissoit de lancer au loin un métal d'un poids considérable, enfin la course, dont il y avoit trois espèces différentes ; la course à pied, la course des chars & la course à cheval, qui étoient beaucoup moins anciennes que les deux premières.

Nous avions déjà quelques ouvrages pour cette matière : mais ceux qui les compareront aux Dissertations de M. Burette, qui vouloit tout voir, tout discuter & tout approfondir par lui-même, s'apercevront bien-tôt qu'ils lui ont été d'un médiocre secours. Cependant il a toujours eu le plus grand soin de les indiquer & d'y renvoyer, lors même qu'ils ne lui avoient été d'aucune utilité.

M. Burette, ayant achevé son travail pour la gymnastique en 1715, du moins par rapport à l'objet principal de l'Acadêmie, fut conduit, comme par hasard, dans une nouvelle carrière, que personne n'étoit guère en état de fournir que lui, & qui s'est trouvée d'une très-vaste étendue ; je veux parler de ses recherches fur l'ancienne musique, auxquelses il fut engagé par M. l'abbé Fraguier. Celui-ci, très-profond dans la connoissance de la langue Grecque, & passionné comme on le fait, pour la gloire de l'Antiquité en général, & pour celle de Platon en particulier, avoit cru pour un passage de ce philosophe, où le mot d'harmonie se trouve employé en parlant d'un concert de plusieurs voix ou de plusieurs instrumens, que ce terme se prenoit au même sens où nous l'employons, & qu'il falloit en conclure que les anciens avoient connu la pratiqué notre harmonie, c'est-à-dire, notre contrepoint simple & figuré.

Les Musiciens modernes entendent par le mot d'harmonie ou de contrepoint, un concert à plusieurs parties différentes,dont chacune forme une fuite de chant complète & régulière, qui pourroit être exécutée separément, mais qui sont tellement combinées entre elles, que les différens tons qui frappent l'oreille dans un seul & même temps, s'unissent & se mêlent ensemble pour former des accords agréables, & ne faire, pour ainsi dire, qu'un seul & même tout. L'idée de M. l'abbé Fraguier étoit opposée à ce qu'ont pense, depuis la renaissance des Lettres, presque tous ceux qui, ayant quelque connoissance de la musique moderne, ont examiné ce que les anciens nous apprennent de la leur. M. Burette, qui pensoit comme ces Critiques, se crut obligé de défendre leur opinion ; mais s'apercevant à chaque pas qu'il faisoit, combien cette matière avoit été peu approfondie, il se trouva engagé à la traiter dans toute son étendue.

Ce travail lui fournit la matière de quatorze Dissertations différentes, sans y comprendre une traduction littérale du traité de Plutarque pour la musique, & près de trois cens notes historiques, critiques & dogmatiques pour ce traité. Toutes ces notes sont travaillées avec soin ; plusieurs sont très-étendues, & peuvent même passer pour de savantes dissertations. Comme ces différens Mémoires de M. Burette, réunis en un seul corps, formeroient un in-4° de plus de cinq cens pages, je me contenterai de donner ici une idée extrêmement abrégée de ce qui en doit résulter pour la connoissance de l'ancienne musique en général.

M. Burette montra d'abord que le passage de Platon, & quelques autres qu'avoit allégués M. l'abbé l'raguier, ne doivent s'entendre que d'un concert de voix qui chantent à l'unisson ou à l'octave, & semblable à ceux de notre plein-chant, où toutes les voix chantent les mêmes notes ; car l'octave, & même la double octave, ne sont que des espèces de l'unisson.

II fit voir ensuite que Platon lui-même détermine le mot d'harmonie à signifier simplement la suite d'un chant, dans lequel les tons graves & les tons aigus sont entre-mêlés, selon un certain rapport successif ; & que c'est dans ce même sens qu'il est toujours pris par ceux des anciens qui ont écrit dogmatiquement de la musique.

Nous avons encore les ouvrages de plusieurs de ces écrivains ; & quelques-uns, tels qu'Aristoxène, disciple d'Aristote, & le fameux Euclide, qui a vécu sous le premier Ptolémée, sont d'un temps voisin du siècle de Platon. Ces écrivains, dont les ouvrages rassemblés par Méibomius, forment deux volumes in 4°, annoncent tous qu'ils vont traiter de toutes les parties de la musique, & plusieurs le font même avec assez d'étendue. Cependant on ne peut découvrir dans aucun de leurs ouvrages un seul mot qui ait rapport aux règles qu'il faudroit suivre dans les accords de plusieurs sons différens qui frapperoient l'oreille en même temps : les sons y sont toujours considérés comme se succédant les uns aux autres. Cette preuve simple & décisive avoit déjà été employée plus d'une fois ; mais M. Burette ne pouvoit se dispenser de la répéter. Les questions qu'Aristote, disciple de Platon, propose dans ses problèmes, forment une autre preuve de fait encore plus sensible, & d'où il résulte que les accompagnemens, même ses plus simples, n'étoient nullement du goût des Grecs de ce siècle-là. Aristote demande 1.° pourquoi une monodie ou une voix qui chante seule est plus agréable que si elle étoit accompagnée par une lyre ou par une flûte, quoique lesinstrumens s'accordassent à former les mêmes sons avec elle.

2.° Pourquoi un instrument seul fait plus de plaisir que le concert de plusieurs instrumens touchés à l'uniflon ou à l'octave.

3.° Enfin pourquoi l'unision & l'octave sont les seuls accompagnemens qu'on souffre dans les concerts, & pourquoi les accords de la quarte & de la quinte, quoique désignés par le nom de consonance, en sont cependantbannis.

II est vrai que dans les siècles suivans on semble avoir reçu ces deux accords dans les concerts, & y avoir même joint celui de la tierce. On le conjecture pour ce dernier accord, pour un passage d'Horace qui ne peut guère recevoir d'autre sens, & on le conclud pour la quarte & pour la quinte d'une expression échappée à Plutarque ; car il faut avouer qu'on n'en a aucune preuve littérale.

Mais ceux qui connoissent notre harmonie ou notre contrepoint, qui suppose deux ou plusieurs suites de chants, continués & unis ensemble, dont les tons, quoique différens, conservent toujours entre eux un certain rapport, ne la confondront jamais avec des concerts à l'unision & à l'octave, dans lesquels on mêloit quelques accords à la quarte & à la quinte : d'ailleurs les questions proposées par Aristote dans ses problèmes, démontrent que l'ulage de ces accords n'étoit pas encore reçu lorsqu'il écrivoit, c'est-à-dire qu'il étoit inconnu au siècle d'Alexandre. Or toutes les fois qu'on parle de l'ancienne Grèce par rapport aux arts dans lesquels on prétend qu'elle a excellé, il ne s'agit jamais de la Grèce esclave des Romains, ni d'un temps auquel on suppose que ces mêmes arts avoient dégénéré.

M. Burette avoit promis de rechercher en quel temps notre contrepoint a commencé à s'établir, & quels sont les Musiciens modernes auxquels il doit sa naissance. On croit assez communément que le prernier inventeur du contrepoint simple ou de la basse continue, est Gui d'Arezzo qui vivoit en 1024, & à qui nous devons la gamme ou manière moderne de noter la musique, c'esl-à-dire, le moyen d'exprimer par huit ou neuf caractères placés pour les cinq lignes d'une espèce d'échelle, beaucoup plus de tons que les anciens n'en pouvoient désigner par leurs seize cens vingt Caractères musicaux.

A l'égard du contrepoint figuré, on croit qu'il a pour auteur Jean des Murs, musicien de Paris, qui vivoit vers l'an 1358 ; mais ces deux points auroient encore besoin d'être éclaircis & mieux prouvés, & il seroit à souhaiter que la santé de M. Burette lui eût permis de terminer son travail par cette recherche.

La facilité qu'il avoit eu d'accorder aux anciens l'usage dé la tierce, de la quarte & de la quinte dans les accompagnemens, trouva des censeurs. Deux savans Jésuites l'attaquèrent pour cet article, & l'obligèrent de montrer, dans une Dissertation particulière, que cette supposition étoit la seule manière de donner un sens raisonnable aux passages d'Horace & de Plutarque, fur lesquels il s'étoit déterminé.

Le commerce que M. Burette n'avoit jamais interrompu avec les ouvrages des anciens, de quelque genre qu'ils fussent, montre à quel point il connoissoit leur vrai mérite, & combien il y étoit sensible; mais le jugement qu'il portoit d'eux gardoit un milieu sage entre l'admiration outrée de plusieurs de leurs partisans, & l'injustice de quelques gens d'esprit de notre siècle, que les éloges excessifs, donnés à ces mêmes anciens, avoient révoltés contre eux & jetés dans l'extrémité opposée.

En refusant aux anciens la connoissance & l'usage du contrepoint, M. Burette ne croyoit pas que cette privation dût tirer à conséquence pour leur musique, ni qu'elle en diminuât le mérite ; tout ce qu'il en falloit conclurre, selon lui, c'est que les anciens, peu sensibles à l'agrément des accords dans l'accompagnement, n'avoient pas cherché à les perfectionner. La même chose leur est arrivée dans plusieurs autres arts où ils ont manqué des découvertes importantes sor la voie desquelles il semble qu'ils étoient ; les moulins à vent, par exemple, les lunettes, l'Imprimerie, &c. C'étoit à des siècles d'ignorance que ces découvertes étoient réservées, ainsi que celle du contrepoint.

Les Grecs n'étoient guère sensibles qu'à la mélodie d'un chant simple duquel ils voûtaient entendre distinctement toutes les paroles ; & cette partie de la musique avoit été extrêmement cultivée &é perfectionnée chez eux, sur-tout par rapport à l'expression ou à l'art de marier le chant avec leur déclamation naturelle.

Les écrivains qui ont traité de la musique chez les Grecs, observent que le chant ou les tons musicaux diffèrent de la simple prononciation en ce que dans celle-ci la voix s'élève & s'abaiste par un progrès successif & continu, en parcourant, pour ainsi dire, toutes les nuances de l'intervalle qui separe le terme d'où elle part & celui où elle arrive ; mais sans s'arrêter jamais fur aucun ton. Dans Je chant, au contraire, la voix s'élève ou s'abaisse en fautant d'un ton à l'autre sans parcourir l'intervalle qui est entre eux en se soutenant pendant un certain temps sur chacun de ces tons, & en conservant exactement le même degré d'élévation ou d'abaissement.

La différence des intonations ou accens dans la prononciation du simple discours, c'est-à-dire, celle de l'élévation & de l'abaissement de la voix, étoit extrêmement grande chez les Grecs. Denys d'Halicarnasse nous apprend qu'elle alloit à une octave entière, puisque la voix qui s'élevoit dans l'accent aigu de trois tons & demi ou d'une quinte, au dessus du ton moyen, s'abaissoit d'une quantité égale dans l'accent grave, & descendoit à la quinte en bas de ce même ton moyen.

La mesure ou la durée de la prononciation étoit déterminée & distinguée dans la langue grecque en syllabes brèves & en syllabes longues ; & celles-ci avoient toujours une durée double de celle des premières. Les diverses combinaisons de ces syllabes longues & brèves, formoient des assemblages de mesure qu'on appeloit le rhythme, qui admettoit une assez grande variété, & qui avoit même lieu dans la prose travaillée & dans les discours destinés à être prononcés d'une voix soutenue.

A l'égard des vers, comme dans leur origine ils étoient toujours faits pour être chantés, & que chaque espèce de vers avoit été composèe pour un certain chant déterminé, tous les vers de même espèce avoient toujours une durée égale & une cadence à peu près pareille ; ce qui étoit d'une grande commodité pour les Musiciens.

Si on jugeoit de l'ancienne mélodie grecque par le nom qu'on donnoit aux tons qui partageoient l'octave, on se persuaderoit qu'on n'en admettoit que quatre dans tous les chants, savoir, le ton fondamental, la quarte, la quinte & l'octave ; car ces trois derniers tons sont les seuls qui aient le nom de consonances : tous les autres portent celui de dissonances.

Il est assez probable que cela avoit eu lieu dans l'ancienne musique instrumentale & dans le jeu de l'ancienne cythare montée seulement de quatre cordes qui sonnoient à vide,& dont par consequent le ton étoit fixe comme celui des cordes de notre clavecin. Cette disposition de la lyre ancienne, est sans doute ce qui avoit introduit l'usage de donner à l'octave le nom de tétracorde  ; & lorsque les Grecs augmentèrent dans la fuite le nombre des cordes de la lyre, ce fut toujours en ajoutant un nouveau tétracorde au précédent, & en augmentant d'une octave l'étendue de cet instrument.

La différente manière de placer les deux cordes du milieu, & de varier leur situation par rapport aux deux extrêmes ou à celles qui donnoient le ton fondamental & son octave, constituoit les trois genres de l'ancienne musique, le diatonique, l'enharmonique & le chromatique, dans lesquels les deux cordes du milieu formoient des divisions de l'octave absolument différentes. Chacun de ces genres pouvoit être multiplié soivant les trois différens modes, le dorien, le phrygien & le lydien, dont toute la différence consistoit dans le ton fondamental. Le mode phrygien étoit élevé d'un ton au dessus du dorien, & le lydien montoit un ton au dessus du phrygien : par la Suite on multiplia ces modes en faisant la différence d'un demi-ton seulement. Le Musicien étoit assujéti, dans les premiers temps, à conserver le même genre & le même mode dans toute la suite d'un air : mais peu à peu on se relâcha de cette sévérité, & on lui permit d'entre-mêler les modes & les genres en quelques occasions & soivant certaines règles ; ce qui jetoit plus de variété dans la composition. Cependant, malgré ce mélange des genres & des modes dans là musique instrumentale des Grecs, elle devoit être encore assez bornée & très-inférieure à la nôtre.

Leur mélodie étoit beaucoup plus variée que la musique instrumentale, parce qu'elle n'étoit pas réduite comme elle aux seules consonances, c'est-à-dire à la quarte, à la quinte, à l'octave & à leurs redoublement. M. Burette fait voir qu'on lui permettoit de faire encore usage de ceux des autres tons de l'octave qu'on nommoit dissonances mélodieuses ou chantantes. Ces tons étoient la deuxième, la tierce, la sixte & la septième. Les seules dissonances non mélodieuses, étoient le triton, ou la quatrième majeure & la septième mineure que nous n'employons guère qu'en les préparant & qu'en les sauvant.

M. Burette n'étoit pas même éloigné de penser avec M. Dodart, que la mélodie des anciens, quoique moins riche & moins travaillée que la nôtre, pouvoit cependant avoir de grands avantages pour elle, principalement pour l'expreísion & pour la facilité qu'elle donnoit au Musicien de remuer l'auditeur ou d'exciter certaines passions dans son âme avec le secours des paroles.

Si l'on se rappelle ce qui a été dit de l'étendue des intervalles d'une intonation à l'autre, admis dans la prononciation ordinaire & tranquille de la langue grecque, on lera fort porté à soupçonner que, dans la prononciation passionnée, c'est-à-dire dans la déclamation naturelle & non réfléchie qui doit servir de modèle à la déclamation théâtrale ou d'imitation, Ia voix approchoit beaucoup plus du chant qu'elle ne fait dans notre prononciation même la plus animée, où l'expression naturelle des passions dont nous sommes réellement émus, ne consiste guère que dans des intervalles d'un demi-ton, le plus souvent hors de mode, quelquefois d'un quart de ton ou même de quelque comma seulement.

Chez les Grecs cette déclamation naturelle constituoit, à ce qu'observe Aristoxène, une espèce de chant à la vérité assujéti à d'autres règles que celles du chant musical, mais dont les tons dévoient fournir de grandes facilités aux Musiciens pour ajuster l'harmonie de leurs chants avec celle de la prononciation passionnée ou de la déclamation.

Quelque perfection que M. Burette accordât à l'ancienne mélodie par rapport à l'expression des sentimens, il n'en étoit pas plus disposé à recevoir comme véritables tous les effets merveilleux qu'on attribue à cette ancienne musique. Plusieurs de ces faits, qui ne se trouvent que dans des compilations d'un siècle très éloigné de celui auquel on les suppose arrivés, sont tels qu'on leur refuserait toute créance, quand bien même ils seroient attestés par des témoins contemporains.

C'est, par exemple, un Musicien qui appaise une sédition par l'harmonie de la lyre : un autre qui,par les sons du même instrument, délivre tout un peuple d'une maladie contagieuse, & bannit la peste d'un grand pays. Si quelques-uns de ces faits sont d'une autre espèce, & s'ils ont plus de probabilité, ils prouvent moins la perfection de l'ancienne musique que l'extrême sensibilité de ceux sur qui elle agisssoit.

L'exemple si fameux de la Tarentule, & celui qui est rapporté dans l'Histoire de l'Acadêmie des Sciences, pour le témoignage de M. Dodart, de cet homme malade d'une fièvre chaude, dont les transports étoient calmés par le chant d'un misérable Vaudeville & par la voix d'une vieille garde, montrent quels effets ia musique la plus grossière & l'exécution la plus imparfaite, peuvent produire sur nous dans certaines circonstances.

M. Burette ayant trouvé, dans deux manuscrits de la bibliothèque du Roi, trois différens morceaux de musique grecque, notés suivant la méthode ancienne, les examina avec soin & vint à bout de les traduire en les 0rapportant aux notes modernes. Il y joignit un fragment noté de Pindare, déjà publié par le P. Kircher, & il les fit exécuter par un Musicien dans nos assemblées publiques. La mélodie de ces quatre différens morceaux est très-simple & aísez semblable à celle de nos chants d'Église. II est visible, dit M. Burette, que les Musiciens qui avoient compose ces airs, avoient pensé seulement à les rendre touchans & expressifs, & qu'ils leur avoient donné une modulation d'un tour si peu susceptible d'accompagnement, qu'il seroit très-difficile d'y faire une basse supportable.

M. Burette lut dans l'êté de l'année 1745 le dernier des quatre Mémoires sur le rapport de la musique ancienne avec la moderne, par lesquels il comptoit terminer son travail ; & ce fut à la fin de cette même année qu'il fut frappé, le 17 décembre, d'une attaque de paralysie, dont les suites l'ont retenu chez lui jusqu'à sa mort, arrivée le 10 mai 1747, dans la quatre-vingt-deuxième année de son âge.

Il avoit eu une première attaque en 1726, qui n'eut guère d'autres suites qu'une dureté d'oreilles, dont il fut long-temps presque le seul à s'apercevoir. A ces deux accidens près, il avoit joui d'une santé très-égale, malgré la délicatesse de son tempérament & malgré son application continuelle à l'étude.

Une vie simple, unie & toujours réglée, la variété de ses occupations & la nécessité où elles le mettoient de sortir de son cabinet, y ont fans doute beaucoup contribué, & l'ont garanti des inconvéniens auxquels une vie trop sedentaire expose les gens de Lettres. II avoit assez de gaieté dans l'humeur; mais c'étoit une gaieté douce & tranquille, qui, sans le porter à se répandre au dehors, lui faisoit trouver en lui-même des ressources contre l'humeur sérieuse & sombre, où jette ordinairement une application trop continue.

Les Dissertations de M. Burette & les extraits qu'il fournissoit au journal des Savans, portent le caractère de son esprit exact & méthodique. Dans ces extraits qui doivent passer pour un ouvrage considérable, puisqu'ils formeraient huit gros volumes in-4, il ne s'attachoit qu'à donner une idée juste, & même une analyse des livres dont il parloit, lorsqu'ils étoient susceptibles d'analyse, sans se permettre jamais aucune de ces libertés dont les auteurs se sont plaints plus d'une fois ; car il étoit bien éloigné de regarder le titre de Journaliste comme une magistrature Littéraire.

Dans ses Dissertations il étoit volontiers en garde contre les conjectures, & se refusoit à toutes celles qui ne lui sembloient pas appuyées pour les preuves les plus fortes, quelque ingénieuses qu'elles fussent. Peut-être privoit-il par-là ses Mémoires de l'agrément de ces vues neuves, singulières & hardies, mais presque toujours légèrement hasardées, qui amusent les lecteurs soperficiels, mais qui ne satisfont pas également les esprits amis du seul vrai, & ceux qui, cherchant à s'instruire, ne veulent trouver que des choses pour lesquelles ils puissent compter. C'étoit uniquement pour les lecteurs de cette dernière espèce qu'il travailloit, & il paroît, par le cas que le public fait de ses Mémoires, qu'il a parfaitement rempli l'objet qu'il s'étoit propose.

II n'a point été marié ; mais il a eu le bonheur de trouver dans fa famille une société qui le délivrait des soins domestiques, qui s'accordent si peu avec l'amour des Lettres. Il perdit trois mois seulement avant sa mort une soeur avec laquelle il vivoit depuis soixante ans : mais il retrouva dans une nièce, fille de son frère, qui étoit auprès de lui depuis plusieurs années, tout l'attachement & tous les soins que l'état de sa santé lui rendoit nécessaires.

II laisse un cabinet composé d'environ quinze mille volumes, qui renferme tout ce qu'il y a de meilleur pour la Médecine, l'Histoire Naturelle, la Critique, la Littérature & l'Histoire Politique des différens siècles & des différens pays.

II faisoit peu de cas des livres qui sont simplement rares ou singuliers : il vouloit qu'ils eussent encore un mérite réel & d'usage ; mais il n'étoit pas indiffèrent pour leur condition, & il regardoit comme un délassement le soin de les collationner lui-même, avec cette exactitude scrupuleuse qu'il portoit jusque dans les moindres choses.

Lambert Claude-François (1705-1765), Histoire littéraire du règne de Louis xiv, dédiée au Roy [2v]. Prault fils, Paris 1751, p. 197-200

Médecin et historien, fils du musicien Claude Burette. 1705, membre de l'Académie des Inscriptions. Voir: l'alconnert fils (v. 1684-v. 1749)

Pierre-Jean Burette , Docteur en Médecine de la l'aculté de Paris, Pensionnaire de l'Académie Royale des Inscriptions & Belles-lettres, Professeur de Médecine au Collège Royal, naquit à Paris le 21 novembre vembre 1665, de Claude Burette, & de Marie l'ortet,Bourgeois de cette même Ville.

Son Père originaire de Nuis en Bourgogne, étoit fils d'un Chirurgien des plus accrédités de cette Province, & d'une mère qui joignit aux devoirs essentiels de son état beaucoup d'inclination pour la musique, jouant avec distinction de la harpe & du clavecin. Elle fit part de ses talens à son fils Claude Burette, qui peu après son cours de Philosophie, s'étant trouvé dans la nécessité de faire usage de ces mêmes talens, les perfectionna, les fit briller à Lyon & ensuite à Paris où ìl se maria. II parut dans cette capitale comme un grand musicien, & comme un des meilleurs maîtres de clavecin de son tems, il jouoit aussi parfaitement du luth & de 1a harpe.

Louis xiv qui avoit goûté l'harmonie de cet instrument alors peu connu en l'rance & qui le faisoit venir presque tous les mois à Saint Germain, paroissoit toujours prendre un nouveau plaisir à l'entendre, & il marquoit sa satisfaction par de fréquentes gratifications. Le parti qu'il tiroit de ses talens ne lui fit rien négliger de ce qui pouvoit les transmettre à son jeune fils : il lui enseigna la musique en lui montrant à lire, & à l'aide d'une petite épinette proportionnée à sa taille y il lui apprit à en jouer avec tant de grâce & de justesse, qu'à l'âge de huit ans il passoit pour un prodige en ce genre Louis xiv en ayant oui parler voulut que son père l'amenât quelquefois avec lui ; il les fit concerter en sa présence, & eut à la fin la satisfaction de les voir se disputer ses applaudissemens fur deux harpes égales.

Comme le goût du Prince décide ordinairement de celui de la Cour & de la Ville, on ne croyoit pas donner à ses enfans un bon maître de musique vocale ou instrumentale, si on ne leur donnoit un des deux Burette; & le bon air étoit encore de donner le fils par préférence. Bien-tôt il ne put suffire au nombre d'Écoliers qui se présentoient, quoiqu'il fût difficile dans le choix de ses elevés, & qu'il mît ses leçons à un très-haut prix.

Malgré cette réputation, le jeune Burette aspiroit à quelque chose de plus élevé ; il forma son plan, rassembla par ses petites épargnes, des Grammaires & des Dictionnaires, les meilleurs Auteurs Grecs & Latins avec leurs versions les plus estimées, & se rendit ces deux Langues très-familieres.

II y avoit déja près de cinq ans que sans qu'il y parût, il avoit employé une partie des nuits à cette étude, lorsqu'il déclara à son Père son plan, ses projets, & qu'il avoit fait : il avoit alors dix-huit ans.

Son Père l'ayant laissé maître de son choix, le jeune Burette ne fit plus usage de la Musique que pour son délassement particulier. On le vit dès lors briller entre les jeunes Philosophes du Collège d'Harcourt, où après avoir soutenu ses thèses avec applaudissement, il passa Maître-ès-Arts. II acquit ensuite avec la mème distinction les grades de Bachelier & de Licencié en Médecine, & y reçut enfin en 1690 le bonnet de Docteur, n'étant encore alors âgé que de vingt-cinq ans.

II passa les deux années suivantes à accompagner régulièrement dans leurs principales visites divers Médecins accrédités dont il avoit gagné l'amitié & l'estime. Au retour de ces visites il avoit coutume de rédiger par écrit ses observations sur la nature & les symptômes des maladies qu'il avoit vuës, sur la diversité des avis qu'il avoit oui proposer, & sur la différence des traitemens & des succès.

Ce ne fut qu'après s'être ainsi formé dans la Théorie de son Art, qu'il passa à la pratique. II fut chargé du soin des malades de plusieurs maisons de charité de Paris, & en particulier de ceux de l'Hôpital de la Charité, qu'il a gouverné pendant près de trente-cinq ans sans interruption.

Dès l'année 1698 la l'aculté de Médecine voulant remettre en honneur les leçons de matière Médicale, que ses Statuts l'obligent de donner aux jeunes étudians, elle en chargea M. Burette, qui en composa en latin un traité complet, dont il dictoit chaque jour un ou deux Chapitres accompagnés de la démonstration de toutes les drogues simples, & de toutes les plantes usuelles dont il est parlé dans ce traité.

II avoit traduit exprès, & réduit en tables les élémens de Botanique, que M. de Tournefort avoit d'abord publiés en l'rançois, & ce dernier se servit dans la suite lui-même de ces tables pour traduire son propre Ouvrage.

En 1703 la l'aculté nomma M. Burette Professeur en Chirurgie, ce qui lui donna lieu de composer un Traité des opérations chirurgicales, qui fut trouvé si exact, si méthodique, que fes successeurs se déterminèrent à le dicter à leur tour, & à le répéter encore mot-à-mot dans l'amphitéâtre anatomique des Écoles.

En 1710, M. Burette fut nommé par le Roi à la Chaire de Médecine vacante au Collège Royal par M. Enguehard, célèbre Médecin de la l'aculté. II avoit luimême très-fréquenté ce Collège dans fa jeunesse, & y avoit pris des leçons d'Hébreu, de Syriaque & d'Arabe pour n'être point arrêté dans la lecture qu'il se proposoit dès lors de faire des Historiens sacrés & profanes, des Œuvres d'Avicenne, d'Averoës & de quelques autres Médecins Arabes. II avoit aussi appris en son particulier & sans maître, l'Espagnol & l'Italien, l'Allemand & l'Anglois assez pour entendre les livres écrits en ces Langues.

Tant de talens lui méritèrent une place à l'Académie des Inscriptions & Belles-lettres, où il fut reçu en 1705 en qualité d'élève. En 1711 il monta à une place d'Associé, & en obtint une de pensionnaire en 1715, & fut nommé l'année suivante, Censeur Royal des Livres. II fut aussi admis à travailler au Journal des Sçavans, ce qu'il a continué de faire pendant plus de 30 ans avec une si grande assiduité, que ses Extraits réunis pourroient former plus de huit gros volumes in-4°.

Les principales piéces dont il a enrichi les Mémoires de l'Académie, sont de curieuses dissertations sur la gymnastique & fur les bains des Anciens, sur leur danse, fur leur jeu de paume, fur leurs Athlètes, sur leur lutte, sur leur pugilat, sur leur course, sur leur exercice du Disque & du Palet, sur leur symphonie.

Ses autres Dissertations roulent sur la musique ancienne & moderne ; & c'est-là une matière que M. Burette semble avoir épuisée.

II mourut le 19 Mai 1747, des suites d'une Apoplexie qui le fit languir plus de deux mois. II étoir âgé de près de 81 ans.

Laborde Jean-Benjamin de, Essai sur la musique ancienne et moderne [4v.]. Paris 1780, Ph. D. Pierre, (3) p. 600-601.

[...] Son fils (Pierre-Jean Burette) eut une enfance si valétudinaire, qu'il passa presque toute sa jeunesse sans autre occupation que celle de s'amuser à jouer de l'épinette, & à apprendre la musique. Il avait tant de goût pour cet insfttument qu'il n'était encore que dans sa neuvieme année lorsqu'il se fit entendre à la Cour accompagné de la harpe par sou père.

Deux ans après, le Roi l'entendit encore jouer un duo de harpe avec son père & à onze ans, il le soulageait déja en donnant quelquefois des leçons à sa place.

Le goût de la musique n'avait pas éteint en lui celui des autres sciences : Il apprit presque tout seul le Latin & le Grec & l'étude de ces langues lui fit naître l'envie d'embrasser la profession de Médecin.

A dix-huit ans il entra pour la premiere fois dans les écoles publiques ; fit un cours de Philofophie & alla prendre des leçons aux écoles de Médecine.

Ce fut pendant ce tems-la qu'il apprit l'Hébreu, le Syriaque, 1'Arabe ; l'Ialien, l'Espagnol, l'Anglais & l'Allemand, & sut ces langues de manière à les bien entendre dans les livres.

Enfin il fut reçu de la l'aculté, remplit dignement cet état pendant trente-quatre ans, & se vit pour disciples presque tous ceux de ses confrères qui ont le plus brillé dans Paris.

En 170 il entra à l'Académie des Belles-Lettres, & en 1706, fut nommé l'un des Auteurs du Journal des Savans ; il y travailla pendant trente-trois ans & enfin en 1718, il fut attaché à la bibliothéque du Roi. On doit à M. l'Abbé l'raguier les savantes dissertations que nous avons de M. Burette sur la musique des Anciens. Ce savant Abbé croyait que les Grecs donnaient au mot harmonie le même sens que nous, & que par conséquent ils connaissaient la musique à plusîeurs parties ; M. Burette lui prouva qu'il se trompait & que les Anciens n'entendaient par ce mot que l'idée des proportions.

Il démontra que les Grecs n'avaient connu que l'unisson & l'octave, & que, par conséquent, Ils ne pouvaient avoir connu ce que nous appellons aujourd'hui l'harmonie.

Il est vrai que dans les siècles suivans ont semblé avoir reçu ces deux accords dans les concerts, & y avoir même joint celui de la tierce. On le conjecture sur un passage d'Horace qui ne peut guères recevoir d'autre Sens ; mais ce nest pas une preuve.

Denis d'Halicarnasse, & M. l'reret, d'après lui, (dans l'Éloge de M. Burette se font trompés lorsqu'ils disent « que dans le discours la voix allait à une octave entière, puisqu'elle s'élevait d'une quinte au-dessus du ton moyen, & s'abaissait d'une quantité égale ». C'était d'une octave & un ton qu'il fallait dire, parce que deux quintes ne sont pas une octave, mais une quinte & une quarte. Toutes les recherches de M. Burette l'avaient conduit à ne pas croire les merveilleux effets attribués à la musique des Anciens & ce fera toujours là l'effet que produiront les connaissances que l'on acquerra sur un art tant vanté, & qui méritait si peu de l'être.

Cet infatigable Savant fut frappé, d'une attaque de paralysie le 17 Décembre 1745, languit pendant toute l'année 1746, & mourut le 13 Mai 1747 dans sa quatre-vingt-deuxième année.

Il ne s'était point marié & avait perdu -trois mois seulement avant sa mort une sœur avec laquelle il vivait depûis soixante ans.

Sa bibliothèque était composée de quinze mille volumes les mieux choisis.

Écrits relatifs à la musique

Extrait d'une lettre écrite aux auteurs du Mercure, suivie d'un mémoire qui répond à la question proposée dans celui du mois de juin dernier, au sujet du plain chant.

Paragone dell'antica colla moderna musica. Dissertazione del signor Burette. In cui si dimostra che i maravigliosi effetti attribuiti alla musica degli Antichi non provano niun modo ch'essa fosse più perfetta della nostra.

Traduction: Dialogue de Plutarque sur la musique, traduit en l'rançois avec des remarques par M. Burette.

Essais publiés dans les « Mémoires de littérature tirés des registres de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres »

Autres éditions

Autres écrits

Dans les mémoires de l'Académie des inscription :

Bibliographie

 

Jean-Marc Wardzawski


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