Neé à Paris, 13 février 1910, morte à Strasbourg 20 mars 1999.
Fille de Mathieu Barraine, violoncelliste soliste à l'orchestre de l'Opéra de Paris, membre de la Société des Concerts du Conservatoire et d'Octavie,choriste, pianiste amateur.
En 1919 elle est admise au Conservatoire nationale supérieur de Paris. Elle y suit les cours de composition avec Paul Dukas, d'harmonie avec Jean Gallon, de fugue avec Georges Caussade, d'accompagnement au piano avec A. Estyle. Elle obtient le premier Prix d'harmonie en 1925 et d'accompagnement au piano en 1927.
En 1928, elle obtient le second Grand Prix de Rome avec Heracles à Delpes, puis en 1929 le premier Grand Prix avec la cantate La Vierge guerrière sur un poème d'Armand Foucher, trilogie sacrée sur Jeanne d'Arc. Elle séjourne à Rome de 1929 à 1933.
Elsa Barraine en 1929.
De 1936 à 1939 elle est chef de chant à l'Orchestre national de la Radiodiffusion française.
Elle adhère au Parti communiste français en 1938, suite aux accords de Munich. Avec la radio, elle est déplacée à Rennes à la déclaration de la guerre. Elle est exclue de ses focntions en 1941. Son père, juif, est renvoyé de l'orchestre de l'opéra de Paris.
Au printemps 1941, suite à une initiative du Parti communiste, elle lance un appel pour former un Front national des musiciens, qui ne réunira pas plus d'une quinzaine de Résistants. Elle en sera une des principales animatrices avec Roger Desormière et Louis Durey.
Grâce à Roger Desormière, elle travaille à l'Opéra-Comique de Paris, est bientôt arrêtée puis libérée grêce à un fonctionnaire de la préfecture de police. Son père décède le 24 septembe 1943. Échappant à une souricière, elle entre en clandestinité sous le nom de Catherine Bonnard.
Elsa Barraine, Symphonie no 2 (1938), 1. Allegro vivace, 2. Marche funèbre, lento, 3. Finale, allegretto, sous la direciton de Manuel Rosenthal.Extrait de « Regards », du 5 juillet 1946, hommage à Georges Dudach, fusillé par les Allemands, le 23 mai 1942 au Mont-Valérien. Il était chargé par le Parti communise de l'organisation de la Résisance dans les milieux universitaires et intellectuels. Il était le contact d'Elsa Barraine. Son nom figurait dans une liste affichée par les nazis sous le simple titre d'« Avis » qui inspira le célèbre poème de Paul Eluard.
À partir de fin 1944, elle est chroniqueuse musicale au journal l'Humanité.
De 1944 à 1946 elle est directrice de l'Orchestre National et directrice musicale des édition du Chant du Monde.
En 1949, elle participe à l'Association des musiciens progressistes, avec Serge Nigg, Roger Désormière, Louis Durey et Charles Koechlin.
En 1953 elle est nommée professeure au Conservatoire national supérieur de Paris. Elle y enseigne l'analyse de 1969 à 1973.
Elle joue un rôle actif à la Fédération musicale populaire (avec François Vercken), créé en 1932 par la Confédération générale des travailleurs (CGT), pour promouvoir le chant choral.
en 1972-1974 elle est inspectrice des théâtres lyriques nationaux à la Direction de la musique au Ministère de la Culture.
Dans les années 1980, elle se met à l'étude du chinois et du russe, voyage en chine, et participe à de nombreuses rencontres et manifestations en Union soviétique.
PAUL LANDORMY, La musique française après Debussy. Galliamard, Paris, 1943 (sixième édition), p. 365-367
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer quel rôle, depuis quelques années, prenait tout d'un coup la femme dans la production musicale. Le prix de Rome de Lili Boulanger fut le point de départ d'une évolution dont on tenterait en vain d'arrêter le cours.
J'attends beaucoup de la femme dans cet art musical pour lequel elle montre d'ordinaire tant de goût. J'attends surtout qu'elle nous apporte autre chose que de la musique masculine, qu'elle nous fasse la confidence de ce qu'il y a de particulier, de tout à fait féminin dans ses sentiments, qu'elle nous fasse découvrir un monde nouveau d'émotions, celui qui est son domaine propre.
Elsa Barraine est née à Paris, le 13 février 1910, de parents musiciens : son père, violoncelliste à l'Opéra, sa mère, cantatrice. Elsa Barraine, dès le berceau, a entendu de la musique autour d'elle. Toute petite, sa soeur aînée l'emmenait à la classe d'harmonie. Et l'on remarquait déjà avec quelle facilité elle retenait tôut ce qu'elle entendait là.
On la mit à l'étude du piano et du solfège, et elle entra au Conservatoire à la fois dans une classe de solfège et dans une classe de piano préparatoire. On voulait faire d'elle une instrumentiste. Mais on ne l'empêcha point d'entrer à la classe d'harmonie de Jean Gallon. Au bout d'un an, elle obtenait un premier prix.
Alors, elle renonça à la classe de piano supérieure pour celle de fugue et de composition. Caussade et Widor, puis Paul Dukas, furent ses maîtres. Elle travaillait aussi avec Paul Vidal, Fauchet et Büsser. Et comme tout marchait à souhait, « elle se hasarda », nous dit-elle, à se présenter au concours de Rome. Elle fit bien. Car, en 1928, elle obtint le deuxième second grand prix et en 1929 le premier. Beau couronnement de vaillants efforts. Grande joie qui récompense !
A ce moment, elle me disait que les sujets bibliques et orientaux l'attiraient plus que d'autres, mais que ni le théâtre, ni l'oratorio, ni la mélodie n'avaient ses prédilections. Elle aimait surtout la musique symphonique et la musique de chambre.
Elle partit pour Rome en janvier 1930, sans enthousiasme, l'ingrate ! habiter cette merveilleuse Villa Médicis; se promener à son gré au Pincio; de la terrasse contempler l'harmonieux panorama de la Ville Éternelle; descendre par l'église de la Trinitédes-Monts et ses marches fleuries vers les petites rues encombrées, d'une bigarrure si amusante, de la vieille Rome ! Tout cela ne lui disait rien. Non. Elle ne songe qu'à son Paris. Vieille habitude...
Quelques jours après son arrivée à la Villa Médicis, elle repart pour la France, pour Paris, où Straram lui joue Harold Harfagar; c'est la première fois qu'elle s'entend à l'orchestre. Quelle joie et quel enseignement !
Puis elle rejoint Rome. Le séjour à la Villa lui paraît très dur. Elle souffre d'être privée des affectueux conseils de son maître Paul Dukas, d'être séparée de sa famille, de son milieu. Elle use de ruses diaboliques pour obtenir des congés et s'enfuir vers les siens.
Cependant, la petite Parisienne s'apprivoise un peu. Notamment elle fait la découverte des arts plastiques, auxquels elle n'avait jamais prêté la moindre attention, à ce point, — elle avait mauvaise tête, — qu'elle avait toujours refusé d'entrer au Musée du Louvre, sous prétexte que la musique suffisait à tout. Maintenant les merveilles du Musée des Thermes à Rome, les temples siciliens, les métopes de Sélinonte la passionnent. Mais elle ne s'intéresse qu'à l'art grec ou à ce qui subit directement son influence. L'art proprement romain, la Renaissance italienne, la laissent indifférente.
Elle se met à lire beaucoup et un peu à l'aventure. Pêle-mêle elle dévore mille ouvrages divers, les tragiques grecs, les Mémoires
d'Outre-tombe, Ibsen, Labiche, Mæterlinck, Dostoïevsky, Montaigne, des livres chinois, japonais, hindous.
L'obligation de composer les fameux « envois » à l'Institut la ramène à la musique. Elle écrit un petit opéra-comique en un acte, le Roi bossu. Paul Dukas lui avait conseillé cette petite expérience dans le domaine du théâtre. La pièce fut jouée en 1932 une douzaine de fois. Excellente occasion de passer quatre mois d'hiver à Paris pour les répétitions à l'Opéra-Comique, qu'Elsa Barr aine aurait voulu faire durer indéfiniment.
Dès qu'elle est à Paris, elle se sent plus de goût au travail. Elle écrit alors plusieurs mélodies sur des textes chinois et de Rabindranath Tagore, et aussi trois esquisses symphoniques que Straram inscrit à son programme. Elle songe à composer de la musique pour Intérieur de Mæterlinck, mais après six mois de travail elle renonce à ce sujet qui comporte trop peu d'action scénique et qui présente trop d'analogies avec Pelléas et avec Ariane.
Alors elle commence une Symphonie, mais sans entrain, en proie à une crise de sécheresse, d'aridité et de nonchalance que provoque en elle l'atmosphère romaine de nouveau retrouvée.
Revenant à la bonne humeur, elle écrit avec meilleure volonté et tout son coeur des Variations pour piano, très réussies.
Et puis, c'est le retour si désiré en France. Grande joie qui inspire l'ardeur à l'ouvrage. Voici successivement : Pogromes pour orchestre, illustration à un poème d'André Spire; un Quintette pour piano et cordes; un Motet pour choeur mixte sur des vers de Clément Marot. Enfin, premier travail non imposé (quelle délivrance !), une Fantaisie pour piano et orchestre.
Relevons encore dans la production d'Elsa Barraine : Deux Préludes et Fugues pour orgue, la Nuit dans les chemins -du rêve, prélude pour piano; Deux Symphonies, Deux Pièces pour cor et piano, une Fête des Colonies pour l'Exposition de 1937, Ouvrage de dame, quintette pour instruments à vent.
Une petite tête qui porte en elle une ferme volonté. Une nature fine sous ses gestes un peu masculins. Ouvrage de dame, voilà un titre qui me plaît, et à la pensée duquel il siérait qu'une femme compositeur se conformât toujours.
Les œuvres d'Elsa Barraine sont éditées chez Costallat, Durand, Salabert, Schott
La classe de Paul Dukas en 1929 : de gauche à droite, près du piano : Pierre Maillard-Verger, Elsa Barraine (bras croisés), Yvonne Desportes, Tony Aubin, Pierre Revel, Georges Favre, Paul Dukas, René Duclos, Georges Hugon, Maurice Duruflé. À droite, assis : Claude Arrieu, Olivier Messiaen.
Musique française au féminin : Cinq compositrices.
Mel Bonis
Elsa Barraine
Claude Arrieu
Suzanne Giraud
Florentine Mulsant.
Ensemble Latitudes, Stéphanie Carne, clarinette.
1-5. Claude Arrieu, Quintette en ut (1955) — 6-8. Florentine Mulsant, Quatuor in Jubilo op. 22 (2002) — Mel Bonis, Suite dans le style ancien (1928, inédit) — Suzanne Giraud, Épisode en forme d'oubli (1989) — Elsa Barraine, Ouvrage de Dame (1937)
Disques Triton, TRI 331136, 2005
Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil, ☎ 06 06 61 73 41.
ISNN 2269-9910.
Samedi 2 Mars, 2024