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Jean-Marc Warszawski, 28 août 2025

Une biographie d'Erik Satie par Christian Wasselin

Wasselin Christian, Erik Satie, « Folio biographies », Gallimard, Paris 2025

Wasselin Christian, Erik Satie, « Folio biographies », Gallimard, Paris 2025 [352 p. ; ISBN 978-2-07-299389-3 ; 10,50 €]

Nous étions assez curieux à propos de ce qu’on peut encore écrire sur Erik Satie, après l’énorme activité documentaire d’Ornella Volta, dans les années 1977-2000, et de nombreux points de vue plus conceptuels, tels ceux de Jean-Pierre Armengaud (Fayard 2009). Vu la qualité de la production musicographique actuelle, nous avouons même avoir eu une curiosité assez désabusée et préjugée, car.

Nous avons été très agréablement surpris par le bon ouvrage de Christian Wasselin. D’abord parce qu’il ne s’est pas fait piéger par l’abondance documentaire, de ses curiosités, étonnements, étrangetés, amusements, originalités, attachés au personnage, qui donnent envie de n’en pas perdre une virgule. Ensuite, parce que c’est un ouvrage littéraire qui raconte, ce que doit être une biographie, qui n’est pas un inventaire d’archiviste. L’intrigue est bien menée, équilibrée dans la succession de ses épisodes pertinents (mais ils s’imposent), avec ce qu’il faut de digressions utiles (un peu mois pour les analogies  érudites) pour caractériser l’entregent du gymnopédiste, mais aussi sa géographie, puisque l’auteur prend soin de situer les lieux d’activité, d’habitation et de pérégrinations du grand marcheur, allant jusqu’à situer les rues. Étant également un adepte de la marche, ayant habité le 9e arrondissement de Paris et pas mal fréquenté Montmartre bien avant que la bute ne devienne un grand bar brasserie restaurant et les merceries et les marchands de tissu des bazarreries à touristes, cela, comme on dit, nous parle. Nous ne sommes pas certain qu’il en est de même pour qui ne connaît pas les lieux. Situer comme sur une carte, ne dit pas ce qui fut. Mais cela donne du décor et de la vie et de la véracité au récit.

Une autre qualité de ce livre est la prudence quant à la psychologisation du personnage à ne pas y mettre le doigt dans l’engrenage. On en reste au « mystère » et à l’ambiguïté d’un Erik Satie j’y suis sans y être, mais le mystère tient plus à notre pauvreté analytique qu’à la complexité de l’analysé. Notons que le genre anarchiste mystique qu’on peut attribuer à Erik Satie, est une figure d’époque, telle est celle de Victor « Dynam » Fumet qui lui céda sa place de tapeur à gages au cabaret du Chat noir, ou le tueur en série Joseph Vacher, sujet du chef-d’œuvre de Bertrand Tavernier, Le juge et l’assassin (oui, les analogies érudites…).

La documentation sérieuse, les bons choix, la mesure et la prudence dans les interprétations, le sens du récit, font la valeur de ce livre à mettre dans les mains de qui voudrait faire la connaissance biographique d’Erik Satie.

Cela dit, nous pensons qu’il serait possible de donner une image comportementale, même si elle ne correspond, pas à la vérité psychologique, à Erik Satie, pour cerner ce qui nous apparaît être des frasques ou un mystère, concept qui appartient plutôt à la religion, au roman, policier ou aux desserts glacés.

Nous imaginons Erik Satie exclu de l’attention familiale par la naissance de sa sœur Olga, puis le décès de sa mère, puis son placement chez ses grands-parents, le décès de sa grand-mère. Exclu aussi par sa condition d’enfant surdoué (?). Un sentiment d’exclusion qui le pousse autant à chercher à plaire qu’à se sentir mal à l’aise, voire en danger dans toute collectivité ou relation (la rupture avec Suzanne Valadon, le seul amour féminin qu’on lui connaisse le confirme). En contrepartie, il s’invente un monde fantasque, quelque peu enfantin, rassurant, en adéquation avec une dissociation de la personnalité entre le Satie qui vit et celui qui raconte ou invente Satie et son monde. Et pour que cela tienne, il y faut un bon penchant obsessionnel.

C’est pourquoi nous sommes un peu frustré d’en savoir si peu sur ses relations avec sa sœur Olga, également pianiste, Christian Wasselin n’y est pour rien. Une sœur détestée semble-t-il, dont Erik Satie ignore le mariage, le décès précoce de son beau-frère médecin, la naissance de son neveu, la tenue d’un conseil de famille la rejetant comme trop fantasque, trop dispendieuse et la privant de la garde de son fils. Elle s’expatria à Buenos Aires où elle vécut jusqu’à sa mort en 1948, en jouant dans les hôtels et en donnant des cours de piano. Un air de destinée de famille.

nous regrettons le peu de place et d’intérêt, enfin de décortication, accordés au Socrate (1917-1918), « drame symphonique avec voix » en trois épisodes, sur des textes de Platon dans la traduction de Victor Cousin (là Christian Wasselin y est pour quelque chose), et dont la dernière partie, La mort de Socrate (Phédon) est particulièrement poignante. C’est à notre sens le chef-d’œuvre d’Erik Satie, et un chef-d’œuvre, qui est certainement teinté de sentiments autobiographiques.

Le livre comporte, pour les lectrices et lecteurs pressés, une chonologie, une bibilographie et une discographies organisées.

Erik Satie est mort le 1er juillet 1925, terrassé par une cirrhose dont on fête cette années le centenaire de la victoire.

 

plume_07 Jean-Marc Warszawski
28 août 2025


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Jeudi 28 Août, 2025 0:12