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Repenser la représentation : arts, littérature et politique

27 mai 2025, Paris
l’EHESS, au 54 boulevard Raspail.
Journée d’étude

Les doctorant·es du Centre des recherches sur les arts et le langage (CRAL) de l’École des hautes études en sciences sociales, dans le cadre de leur séminaire doctoral commun, organisent la journée d’étude « Repenser la représentation : arts, littérature et politique », et invitent les doctorant·es e jeunes docteur·es qui le souhaitent à présenter leurs travaux dans ce cadre. L’évènement se tiendra la journée du mardi 27 mai 2025 à l’EHESS, au 54 boulevard Raspail.

La question de la représentation a profondément nourri l’histoire de la pensée. Elle traverse comme un fil invisible l’histoire des langages, des arts, autant que des sciences humaines et sociales. Parmi les nombreuses acceptions dont a été investie cette notion, deux foyers de sens, présentés dans le Dictionnaire de la langue française de Furetière, nous intéressent particulièrement. Le premier désigne une « image qui nous remet en idée et en mémoire les objets absents, et qui nous les pein tels qu’ils sont ». Il s’agit alors de la présentification d’une chose ou d’une personne absente par un moyen donné. Le second, à la fois politique et juridique, inscrit la question de la représentation dans une logique de la substitution ou de la délégation : « tenir la place de quelqu’un, avoir en main son autorité ». Dans un cas comme dans l’autre, une dialectique semble se dessiner, entre présence et absence. De l’inexistence à la représentativité, en passant par l’invisibilisation et la prolifération des manières de représenter ou de se représenter, c’est dans cet espace particulier que nous souhaitons placer notre interrogation : la représentation en tant que moment de passage, de l’absence – ou manque de sens – à la présence – pour faire sens.

Après les fortes interrogations dont la notion a fait l’objet, et ce depuis plus d’un demi-siècle, la supposée transparence des représentations du monde et la légitimité des artistes et chercheur·euses à parler pour d’autres qu’eux-mêmes ne vont plus de soi. En effet, s’il s’est agi à travers les arts e la littérature de fabuler le monde sans prétendre au savoir, une approche contemporaine des humanités paraît se heurter à la question inverse : comment prétendre au savoir sans fabuler le monde ? Or, en tant qu’outils de représentation, les sciences, les arts et les langages, longtemps demeurés derrière les objets mêmes dont ils étaient les vecteurs de représentation, se voien aujourd’hui portés au devant de la scène.

Cette journée d’étude abordera donc la dimension politique de la représentation dans les arts et la littérature. Pour ce faire, il s’agira de se saisir de la pluralité d’enjeux que soulève la notion, et de quelques-uns des nouveaux questionnements qui lui sont adressés. Nous focaliserons notre attention sur trois axes précis, que nous entendons faire dialoguer.

1 Représentation et point de vue

Des notions comme celles d’« orientalisme », de « gaze » ou de « vision du monde » (dans les approches marxistes et bourdieusiennes), permettent de mettre en rapport les points de vue qu’offrent les représentations artistiques avec des positions occupées dans l’espace social. En parallèle, de nouvelles exigences attentionnelles posées par une anthropologie et une philosophie du vivant, ouvrent une voie vers un espace d’interdépendances environnemental composé aussi de différents « points de vie », animaux, végétaux, microbiens. Quel recul réflexif la prise en compte de la question du point de vue offre-t-elle pour penser politiquement la représentation ?

2 Représentativité

La légitimité des artistes, et plus largement des intellectuel·les, à « parler pour » fait aujourd’hui l’objet de diverses contestations. En témoignent par exemple le refus du porte-parola caractéristique de divers mouvements d’occupation contemporains, et les différentes stratégies scripturaires mobilisées par les écrivain·es pour y répondre. Comment les artistes négocient-ils cette contestation ? Par quels dispositifs formels tentent-ils de neutraliser « le biais représentatif inhérent à la figure de l’intellectuel auto-mandaté » (Gobille, 2021) ?

Questionner cette légitimité s’avère d’autant plus urgent dans un contexte de mutations écologiques, qui invite à repenser la représentation des êtres vivants non-humains, comme en témoigne la multiplication des projets, collaborations et récits arts-sciences des dernières années, ou encore l’émergence de champs de recherche tels que l’écopoétique ou la zoopoétique. Comment représenter ces autres qu’humains en tant que sujets sensibles, dont se pose aujourd’hui la question de leur statut juridique ? Quels enjeux soulève la représentation de leurs mondes et de leurs modes d’existence au travers du langage ?

3 Représentation, imagination et (im)possibles politiques

Loin de s’inscrire uniquement dans des logiques d’imitation ou de restitution du réel et du monde, la représentation artistique se déclenche, le plus souvent, à partir d’un processus créateur de l’imagination. La représentation se trouve ainsi intimement mêlée à l’imagination, notammen dans la mesure où cette dernière ouvre la voie à une conception de la représentation comme possibilité de refaire ou de structurer la réalité de manière active. La capacité de l’esprit humain à produire des fictions et de nouveaux récits du réel, à inventer une réalité autre, nous permet de questionner les façons dont la représentation peut véhiculer de nouveaux imaginaires sociaux et politiques. Peut-on, à travers les représentations artistiques, donner corps à l’absence et au pas encore ? Comment celles-ci peuvent-elles réactiver des utopies, conçues non pas sous la forme de rêves, ni dans leur fondement normatif, mais plutôt dans leur capacité de créer des nouveaux espaces pour penser l’impossible et l’imprévisible, ou, dans les termes de Glissant, « ce qui nous manque dans le monde » ?

Conditions de participation

  1. Doctorant·e ou jeune docteur·e inscrit·e en France ou à l’étranger.
  2. Les communications doivent être originales, inédites et peuvent être rédigées et présentées en français ou en anglais.
  3. Les personnes intéressées pourront soumettre leur proposition jusqu’au 30 mars 2025 par mail. La réponse du comité scientifique sera communiquée dans la semaine du 14 avril.
  4. Les propositions doivent inclure les informations suivantes : nom et affiliation institutionnelle de l’auteur·ice ; bio-bibliographie de l’auteur·ice (maximum 150 mots) ; titre, axe thématique e résumé de communication (environ 300 mots).
  5. Afin de laisser du temps pour la discussion des communications, chaque participant·e disposera de 20 minutes pour son exposé.
  6. Une attestation de participation sera délivrée si besoin.
  7. Le cas échéant, les frais de déplacement et d’hébergement depuis la ville d’origine jusqu’à Paris sont à la charge des participant·es.

Comité d’organisation

Sara Aggazio (CRAL – EHESS / Université de Cagliari), Pauline André-Dominguez (CRAL / CESCO – EHESS), Fernando Araujo (CRAL – EHESS), Marc-Antoine Blais (CRAL – EHESS / Université du Québec à Montréal), Eduardo Eguiarte Ruelas (CRAL – EHESS), Aurore Flamion (CRAL – EHESS / LaM – Université libre de Bruxelles), Kayvan Jafarinejad (CRAL – EHESS), Vincent Timsit (CRAL – EHESS), Coraline Tric (CRAL / Mondes Américains – EHESS), Marie Tuffery (CRAL / CEHTA – EHESS).

Bibliographie indicative

Peter L. Berger et Thomas Luckmann, The Social Construction of Reality. A Treatise in the Sociology of Knowledge, Garden City, Doubleday, 1966.

Pierre Bourdieu, « La représentation politique. Éléments pour une théorie du champ politique », Actes de la recherche en sciences sociales, no 36-37, 1981, pp. 3-24.

—, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, coll. « Liber », 1997.

—, Sociologie générale, vol. 1, Paris, Raisons d’agir/Seuil, coll. « Cours et travaux », 2015.

Iris Brey, Le regard féminin. Une révolution à l’écran, Paris, Éditions de l’Olivier, coll. « Les feux », 2020.

Dipesh Chakrabarty, Provincializing Europe: Postcolonial Thought and Historical Difference, Princeton, Princeton University Press, 2008.

—, The Climate of History in a Planetary Age, Chicago, Chicago University Press, 2021

Roger Chartier, « Le sens de la représentation », La vie des idées, 22 mars 2013, n. p.

Vinciane Despret, Et si les animaux écrivaient ?, Bayard, 2022.

Georges Didi-Huberman, L’image survivante. Histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris Minuit, coll. « Paradoxe », 2002.

Édouard Glissant, La Cohée du Lamentin, Paris, Gallimard, 2005.

Boris Gobille, « Face à l’égalité, face au réel. Figures de l’écrivain et de la littérature aujourd’hui », Elfe XX-XXI, no 10, 2021, n. p.

Lucien Goldmann, Le dieu caché. Étude sur la vision tragique dans les Pensées de Pascal et dans le théâtre de Racine, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1955.

Jean-François Hamel, « Qu’est-ce qu’une politique de la littérature? Éléments pour une histoire culturelle des théories de l’engagement », dans Laurence Côté-Fournier, Élyse Guay et Jean- François Hamel (dir.), Politiques de la littérature. Une traversée du XXe siècle français, Montréal, Presses de l’Université du Québec, coll. « Figura », 2014, p. 14-15.

Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Screen, vol. 16, no 3, 1975, p. 6-18.

Jacques Rancière, Politique de la littérature, Paris, Galilée, coll. « La philosophie en effet », 2007.

Myriam Revault d’Allonnes, Le miroir et la scène. Ce que peut la représentation politique, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2016.

Paul Ricœur, L’imagination. Cours à l’Université de Chicago (1975), Paris, Seuil, coll. « Bibliothèque Ricœur », 2024.

Edward W. Said, Orientalism, New York, Pantheon Books, 1978.

Gisèle Sapiro, Les écrivains et la politique en France. De l’affaire Dreyfus à la guerre d’Algérie, Paris, Seuil, 2018.

—, « Literature, Knowledge and Worldview », dans Stefanos Geroulanos et Gisèle Sapiro (dir.), The Routledge Handbook of the History and Sociology of Ideas, Abingdon/New York, Routledge, coll. « Routledge Handbooks », 2023, 256-274.

Sylvie Servoise, Démocratie et roman. Explorations littéraires de la crise de la représentation au XXIe siècle, Paris, Hermann, coll. « Savoirs lettres », 2022.

Anne Simon, Une bête entre les lignes. Essai de zoopoétique, Marseille, Wildproject, 2021.

Gayatri Chakravorty Spivak, « Can the Subaltern Speak ? », dans Cary Nelson et Lawrence Grossberg (dir.), Marxism and the Interpretation of Culture, Basingstoke, Macmillan, 1988, pp. 271-313.

Marie-Jeanne Zenetti, « Théorie, réflexivité et savoirs situés : la question de la scientificité en études littéraires », Fabula-LhT, no 26, 2021, n. p.


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Dimanche 2 Mars, 2025