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7 juillet 2025 — Frédéric Léolla

Quand l’Opéra prend tout son sens : Billy Budd à Aix

The Story of Billy Budd, Sailor d’après Britten, création mondiale.The Story of Billy Budd, Sailor d’après Britten, création mondiale. Adaptation et mise en scène de Ted Huffman, aAdaptation musicale d'Oliver Leith. Festival d’Aix-en-Provence 2025. Photographie © Jean-Louis Fernandez.

Dans l’opéra il y a tellement de facteurs qui interviennent qu’il est rare de trouver un spectacle qui remporte l’adhésion unanime.

Je pense que c’est pourtant le cas de cette adaptation pour effectif de chambre de Billy Budd, l’opéra de Benjamin Britten sur un livret de Eric Crozier et Morgan Foster d’après Melville.

Tout y est.

Pour commencer, l’intelligence de l’adaptation. Les coupes de Ted Huffman à l’original (de deux heures trente environ a un peu moins de deux heures) sont faites avec parcimonie, et l’œuvre garde toujours sa cohérence, son suspense et sa poésie. Quant à l’orchestration d’Oliver Leith (pour quelques claviers et percussions), elle est faite avec autant de courage (en situant l’adaptation musicale comme une œuvre de 2025, avec les timbres et les sonorités qui correspondent à notre époque) que de sagesse (pour préserver l’essentiel de la partition de Britten et ne jamais trahir son esprit). Et puis, nous nous trouvons devant un modèle de mise en scène. Un modèle de sobriété, car, contrairement à nombre de ses collègues, le metteur en scène Ted Huffman sait tirer des effets somptueux avec des moyens très réduits. Un modèle de fidélité, car Huffman n’essaie pas d’imposer « sa petite idée » sur l’œuvre, et il raconte l’histoire de Britten/Crozier/Foster/Melville sans vouloir en imposer une autre par-dessus. Cela n’exclut pas, bien sûr, la créativité, car Huffman raconte l’histoire à sa façon, mais sans sacrifier la cohérence, sans rechercher à tout prix une prétendue originalité. Dans le sillage du magnifique Peter Brook et ses adaptations de Carmen ou La Flûte enchantée. Collègues de Huffman, prenez-en de la graine !

Saluons donc la finesse du travail des lumières de Bertrand Couderc (une simple ampoule oscillante donnera l’idée du roulis, les lumières de la rampe ne serviront que pour les scènes dans la cale, etc.), et la simplicité et l’efficacité des costumes, accessoires et décors de Huffman conseillé par Sonoko Kamimura et assisté par Sara Bartesaghi Gallo.

Saluons, bien sûr, la finesse des instrumentistes, George Barton aux percussions, et aux claviers Richard Gowers, Siwan Rhys et Finnegan Downie Dear — qui les dirige aussi avec enthousiasme.

Saluons enfin une équipe de six chanteurs (en tout et pour tout !) qui portent (presque) tous les personnages (à l’occasion les instrumentistes chanteront aussi de petits rôles), souvent en se dédoublant à l’aide de quelques accessoires. Saluons la voix parfaitement sûre et bien placée de Thomas Chenhall, l’aisance dans le passage de Noam Heinz, la jolie fragilité de Hugo Brady, la voix de vraie basse, la noirceur (et aussi en tant que Dansker, la tendresse) de Joshua Bloom, le chant passionné (avec ce timbre un peu râpeux qui rappelle le créateur du rôle, Peter Pears) de Christopher Sokolowski, et l’assurance, le sourire dans la voix, l’incroyable facilité pour passer du forte à la mezza voce et vice versa, de Ian Rucker.

Je ne sais pas quelle sera la vie de ce montage. Je lui en souhaite une très longue et bien remplie de voyages de par le monde, parce que je sais qu’à chaque fois qu’elle fera escale quelque part, elle fera beaucoup d’heureux, submergés par l’émotion que porte ce spectacle.

 Frédéric Léolla
7 juillet 2025

Aix-en-Provence, 7 juillet 2025. Théâtre du Jeu de Paume. The story of Billy Budd, sailor, opéra de chambre de Oliver Leith et Ted Huffman d’après Billy Budd, opéra en deux actes (version 1966), musique de Benjamin Britten, livret de Morgan Foster et Eric Croizier d’après Herman Melville. Mise en scène, adaptation, costumes et accessoires, Ted Huffman. Adaptation musicale, Oliver Leith. Lumière, Bertrand Couderc. Collaboratrice à la mise en scène, aux costumes et accessoires, Sonoko Kamimura. Assistante aux costumes et accessoires, Sara Bartesaghi Gallo. Avec Ian Rucker (Billy Budd), Joshua Bloom (John Claggart, Dansker), Christopher Sokolowski (Edward Fairfax Vere), Hugo Brady (Le novice, la Grand’hune), Noam Heinz (M. Redburn, le premier maître), Thomas Chenhall (M.Flint, le second maître). George Barton (percussions) ; Siwan Rhys, Richard Gowers et Finnegan Downie Dear (claviers). Assistant à la direction musicale, Richard Gowers. Direction musicale, Finnegan Downie Dear.


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Mercredi 9 Juillet, 2025 0:42