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Jean-Marc Warszawski, 21 juin 2025

Les obsessions de la violoniste Pauline Klaus

Obsessions, Pauline Klaus (violon), œuvres de Johann Sebastian Bach, Eugène Ysaÿe, George Enescu, Juan Arroyo, Franz Schubert. Paraty 2025 (paraty 2025004).

Obsessions, Pauline Klaus (violon), œuvres de Johann Sebastian Bach, Eugène Ysaÿe, George Enescu, Juan Arroyo, Franz Schubert. Paraty 2025 (paraty 2025004).

La violoniste Pauline Klaus a étudié côté grandes écoles au Conservatoire national supérieur de Paris et au Conservatoire royal de Bruxelles, et, côté université, elle a obtenu un Master de Philosophie. Plutôt chambriste, elle se produit en fort bonne compagnie sur les scènes françaises et au-delà des frontières, et le fait de jouer au sein d’ensembles tels, entre autres, l’Intercontemporain ou TM+ est pour elle une solide carte de visite. Elle est professeur au Conservatoire du seizième arrondissement de Paris et dirige depuis dix ans le Festival d’Assy, dans les Alpes, lieu célèbre pour ses sanatoriums (où décéda Marie-Curie), dont un fut emporté par un glissement de terrain en 1970, catastrophe dans laquelle plus de soixante-dix personnes périrent. Mais le plateau d’Assy est surtout connu pour son église Notre-Dame-de-Toute-Grâce, aménagée, meublée, décorée dans les années 1940, par les plus grands artistes du temps… peu touchés par la Grâce !

Ce cédé, au moins son programme, semble avoir pour Pauline Kraus une importance existentielle particulière, teintée de nostalgie au souvenir des premiers contacts qu’elle eut avec les œuvres proposées sur ce cédé, expériences uniques, intimes, non partageables, dont la connaissance n’apporte pas grand-chose au mélomane. Par contre l’entretien, reproduit dans le livret, qu’elle a mené avec Tedi Papavrami à propos de la transcription pour violon de la fantaisie et de la fugue en sol mineur de Johann Sebastian Bach nous fait entrer dans les questions d’esthétique musicale. Soit dit en passant, il faut une sacrée imagination pour penser transcrire cette œuvre si dense pour orgue au violon seul.

Sans une seule exception, Pauline Klaus a préparé un programme au sommet de la virtuosité, de la musicalité et de l’engament instrumental. Le vocabulaire manque pour exprimer l’impression d’ensemble, parfaitement cohérente, que nous avons de cet enregistrement en dehors des superlatifs répétitifs qui disent seulement un niveau de plaisir, mais rien sur l’impression esthétique. On voudrait dire « attractif », mais ce n’est pas assez, « fascinant », mais voilà un pathos un peu excessif, tout comme « choc esthétique », disons « attraction esthétique » ou « état de contemplation, esthétique », un peu comme chez Plotin, cette contemplation (du beau) qui permettrait d’imaginer, sinon ambitionner d’atteindre le Un. Mais là est justement la question : y a-t-il quelque chose derrière, au-delà ? Le chef-d’œuvre admirable est-il une ouverture sur un monde ailleurs ou est-il, je le pense, une complétude à lui seul ? Bref c’est un cédé adhésif… En fait le bon terme court les rues : « scotchant » et là on peut parler de beauté en sachant à peu près ce que cela peut être, tout en se demandant si la virtuosité est nécessaire à la beauté, nous pensons que non, si elle peut apporter de la beauté, nous pensons que oui, si elle permet une expansion de la musicalité et de l’expressivité, cet enregistrement en est la preuve.

Trois sonates sur les six de l’opus 27 d’Eugène Yasaÿe, la no 2, dont le premier mouvement « obsession » donne le titre à l’album, obsession de motifs du prélude de la Partita no 3 pour violon seul de Johann Sebastian Bach et du Dies Irae, sonate composée pour Jacques Thibaud, la no 3, composée pour George Enescu, la no 6 pour Manuel Quiroga. De George Enescu lui-même, la première des dix Impressions d’enfance, une pièce à la fois joyeuse et lyrique, qui n’est ni enfantine ni populaire malgré certaines tournures mélodiques et les quintes qui donnent un effet de vielle à roue. Deux pièces stratosphériques assez introspectives, dans des recherches de sonorités, de Juan Arroyo, un Péruvien à Paris, peut-être plus obsédé, au moins dans Dormiviglia, que l’Obsession d’Eugène Ysaÿe. Enfin l’étonnante version pour violon de l’Erlkönig de Franz Schubert d’Heinrich Wilhelm Ernst, un ami de Berlioz, qui fut aussi un violoniste adulé. La chevauchée fantastique, l’invitation du Roi des aulnes (la mort) aussi diabolique que doucereuse quand il le faut, l’effroi déchirant de l’enfant dont la vie s'échappe en un léger Pizz, mais on ne perçoit pas trop le père rassurant à tort.

Juan Arroyo, Dormiveglia, plage 9 (extrait).

plume_07 Jean-Marc Warszawski
21 juin 2025


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Samedi 21 Juin, 2025 0:31