Shéhérazade, Etsuko Hirose (piano et arrangements), Nikolai Rimski-Korsakov, suite symphonique de shéhérazade ; Sergeï Bortkiewicz, suite du ballet Les mille et une nuits. Danacord 2024 (Dacocd 985).
Enregistré les 2-4 septembre 2024, à Villeneuve-sur-Lot, Théâtre Georges-Leygues.
Etsuko Hirose est une pianiste qui compte et se démarque dans le paysage contemporain. Elle a commencé ses études musicales au japon avec sa mère veillant au grain, puis a passé 7 années à Paris le temps d’obtenir ses Prix et diplômes à l’École normale puis au Conservatoire national supérieur et de se frotter avec succès à quelques concours qui comptent : le « Frédéric Chopin pour les jeunes pianistes » de Moscou, le « Giovanni Battista Viotti » en Italie, celui, prestigieux, de l’ARD (Rundfunkanstalten der Bundesrepublik Deutschland) de Munich, et le Concours Martha Argerich (1999). Elle repart huit années au Japon, où elle ne se sent pas trop chez elle avant de revenir à Paris et élargir sa carrière internationale.
Parmi la dizaine d’albums précédents consacrés à Charles Valentin Alkan, Frédéric Chopin, Friedrich Kalkebrenner, à des concertos de Franz Liszt et Robert Schumann, à Clara Schumann, Joseph Joachim, Johannes Brahms, on note son attirance pour la musique russe avec des albums Mili Balakirev (Mirare 2012), des arrangements pour deux pianos de Ballets russes (Tchaikovski, Borodine, Stravinski, Khachatourian) avec Cyprien Katsaris (Piano 21, 2016), Sergei Lyapunov (Mirare 2018), avec le bulgare Pančo Vladigerov, imprégné de musiques populaires (Mirare 2021) ou le polonais Moritz Moszkowski (Danacord 2020).
On aime d’avance ces choses tirées de derrière les fagots qui sont de véritables projets de musique, d’autant que dans cet album ce sont deux suites de ballet, des pièces symphoniques d’envergure qu’Etsudo Hirose a elle-même arrangées pour le piano, complétant peut-être ainsi son enregistrement de 2016 avec Cyprien Katsaris : le ballet Shéhérazade de Nikolaï Rimski-Korsakov et le ballet Mille et une nuits, « suite orientale », du bien moins connu Sergueï Bortkiewicz. Un Orient ici très slave plutôt qu’arabe ou perse selon l’origine littéraire des contes qui en sont les arguments.
On aime d’avance, et on n’est pas déçu. Si on pense superficiellement au travail d’arrangement de Franz Liszt, on est surtout dans le son du monde slave tel que fondé par le Groupe des cinq, dont Rimski-Kosakov. L’âpreté et la rusticité qui horrifiait Piotr Illitch Tchaïkovski, la nostalgie souvent élégiaque, les bouffées de lyrisme, les cloches et clochettes, rythmes de danses populaires, de la troïka, des harmonies grandioses et chaleureuses, des mélodies envoûtantes. Etsudo Hirose rappelle à juste titre l’amour des Russes pour les contes, des merveilles qui ont enchanté notre enfance avec leurs magnifiques illustrations. C'est pour nous une musique pour ces images et leurs paysages enchantés, plus que pour Sinbad le Marin ou le génie sortant du vase (qui pourrait toutefois être un conte russe !).
Il faut une belle virtuosité et si les effets orchestraux ont disparu, Rimski-Korsakov et Bortkiewicz étaient de fins orchestrateurs, Etsuko Hirose n’a pas trop cherché de maniérismes d’écriture pour y palier, il reste l’essentiel, la spontanéité et l’émotion brute.
Sergeï Bortkiewicz, suite du ballet Les Mille et une nuits, « Danse des trois sœurs », plage 12.
Jean-Marc Warszawski
2 janvier 2025
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