Le Banquet Céleste, Opéra de Rennes. Photographie © musicologie.org.
Œuvre de jeunesse d’un Händel de 23 ans, La Resurrezione, appartient à cette catégorie d’œuvres religieuses où le sacré emprunte les formes du profane. Dans ces oratorios, typiques de la Contre-réforme, qui à Rome remplaçaient l’opéra interdit (pendant la Semaine sainte) et que la Vienne impériale adoptera sous le nom de « sepolcri », le texte métaphorique, évoquant les trois jours qui suivent la Passion du Christ et la quête spirituelle des Saintes Femmes (Marie de Magdala et Marie de Cleophas), pourrait aisément être transposé dans le contexte d’un opéra séria. Car si l’action proprement dite en est absente, la rhétorique employée n’est guère différente. Le jeu des affetti est d’une remarquable diversité et suffit à renouveler l’intérêt au fil des 22 numéros qui le composent dont deux duetti et un chœur à la fin de chaque partie. Composé lors du séjour romain du compositeur en 1708 sur un livret de Carlo Sigismondo, son originalité tient autant dans son invention mélodique que dans les raffinements d’une instrumentation d’une grande inventivité sur laquelle repose l’expressivité des airs par un jeu de contrepoint qui semble déjà annoncer le grand orchestrateur des œuvres de la maturité, tel cet air de San Giovanni « Cosi la tortorella » où la descente récurrente des cordes graves semble évoquer un danger sourd.
Le Banquet Céleste, désormais sans chef, en donne une vision raffinée, où l’effectif réduit (une vingtaine d’instrumentistes), offre une présence plus riche encore aux timbres dans des ensembles d’une parfaite homogénéité et met en valeur les solistes dans un parfait accord où se sent l’écoute mutuelle. Particulièrement réussis sont les airs accompagnés d’un instrument soliste avec la seule basse continue comme celui de San Giovanni simplement soutenu par le violoncelle et le théorbe. Les récitatifs et les parties en arioso sont également remarquablement mis en place et expressifs.
L’œuvre s’ouvre sur un affrontement entre l’Ange brillant de la soprano Nardus Williams et le Lucifer révolté et haineux, auquel Thomas Dollié prête son timbre sombre et son articulation impeccable, célébrant le triomphe de la Mort à travers celle du Sauveur. Apparaîssent ensuite Maddalena et Cleofe. La première, éperdue de désolation, est incarnée par là soprano Céline Sheen, voix aux aigus suaves qui convient à un piétisme un rien sentimental, tandis que le contre-ténor Paul Antoine Benos Djian fait valoir sa voix d’alto aux graves naturels et au médium chaleureux dans un personnage plus confiant. Apparait en dernier l’apôtre Jean, messager de la Vierge qui sans doute ne pouvait décemment apparaître sur scène, et à qui sont confiés les airs les plus subtils, souvent en arioso, dans lesquels le ténor Thomas Hobbs fait valoir de belles demies teintes.
Si cette version chambriste n’a pas tout à fait l’éclat que pourrait donner à l’œuvre un effectif plus nourri, elle lui restitue le climat de piété qu’appellent texte et musique et qui dans la Rome papale du début du dix-huitième siècle, avec un orchestre de quarante musiciens et le prestige du Palais Bonelli où elle fut créée, devait se développer dans un registre nettement plus spectaculaire.
Concert repris à l’Atelier lyrique de Tourcoing le 24 avril, au Festival de Beaune le 11 juillet, à Saint Malo le 24 juillet et à la Chaise-Dieu le 22 août.
Alfred Caron
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Dimanche 13 Avril, 2025 16:45