Château de Fontainebleau, Salle de bal, 12 octobre 2025 —— Alfred Caron
Thomas Hengelbrock. Photographie © D. R.
Rares sont les exécutions de la Petite messe solennelle où le sentiment religieux émerge avec autant d’acuité et communique tant d’émotion. Dans cette œuvre de commande, devenue testamentaire, que Rossini, dans une sorte de boutade, dédia au « Bon Dieu », et où il semble interroger et sa foi et la nature de sa musique, il est possible de ne voir qu’un exercice de style.
À la tête de son ensemble choral, le Balthasar Neumann, et d’un excellent quatuor de solistes, Thomas Hengelbrock ne l’entend pas de cette oreille. Sa direction inspirée réussit à triompher de cette mosaïque où réminiscences opératiques et canons de la musique sacrée se rencontrent et les intègre dans un même mouvement, la transformant en un moment d’une extraordinaire intensité et d’une totale homogénéité. Le chœur (trente-deux chanteurs) parait un peu massif pour ce qui est à l’origine une pièce intime, mais il se révèle superlatif dans la complexité polyphonique de certains ensembles, les passages fugués, et confère un lustre sans pareil aux passages brillants, comme le Gloria et le Resurrexit. Le contrepoint est donné par le piano d’Andreas Küppers, énergique et enlevé, instillant une pointe d’humour dans la coda du Credo, chanté toutes voiles dehors. Le pianiste gère à la perfection les transitions si subtiles d’un numéro à l’autre et se partage avec l’harmonium chaleureux de Christophe Henry le Preludio religioso dans un équilibre parfait entre drame et prière. Du côté des solistes on pardonne à Guilhem Worms relevant d’une « extinction de voix » des registres dissociés dans le Quoniam pour apprécier ses beaux graves dans les ensembles. Le ténor Moritz Kallenberg et la soprano Emy Gazeilles sont tous deux impeccables, lui d’une parfaite justesse dans le brillant Domine Deus et elle, délicate et inspirée dans le Crucifixus. Mais c’est surtout la sobriété et la profondeur jamais forcée d’Eva Zaicik qui semble incarner totalement la religiosité de la pièce. Et c’est dans un silence proprement religieux et le souffle suspendu que s’achève l’Agnus Dei, où les autres solistes et le chœur la rejoignent, donnant un sens d’une force inaccoutumée à la prière finale Dona nobis pacem qui conclut ce magnifique concert.
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Vendredi 17 Octobre, 2025 16:39