Opéra Comique, 26 juin 2025 —— Alfred Caron
L'Île de Merlin ou Le Monde renversé, Opéra-Comique, juin 2025. Photographie © Stefan Brion.
L’Île de Merlin appartient à cette série d’opéras-comiques sur des livrets français que Gluck composa ou adapta pour Vienne entre 1758 et 1761 et qui lui permirent de se familiariser avec la prosodie française, avant même sa venue à Paris. Le livret de Louis Anseaume met en scène deux personnages de la comédie italienne, Pierrot et Arlequin (rebaptisé Scapin), échoués après un naufrage sur une île où ils découvrent, ébahis, une société idéale dont les vertus et les qualités sont l’exact envers des tares de la société contemporaine : fidélité des femmes et des maris, générosité envers les étrangers, mépris de la fortune, hauteur de la noblesse, probité des hommes de loi et compétence des médecins. D’où le sous-titre de « Monde renversé ». Évidemment cette utopie a un défaut : les mariages se décident à coups de dés et les héros ne seraient pas loin de se voir enlever leurs dulcinées si Merlin l’enchanteur, seigneur et maître de l’Île, n’intervenait au final tel un véritable ex-machina.
L'Île de Merlin ou Le Monde renversé, Opéra-Comique, juin 2025. Photographie © Stefan Brion.
Pour mettre en scène cet opéra en un acte, Myriam Merzouki a transformé la Salle Bizet en un café des années trente (on boit beaucoup sur cette île) et dirige les jeunes élèves de l’Académie de l’Opéra-Comique auxquels se sont adjoints quatre chanteurs extérieurs, dans un registre faussement naïf plein de fantaisie. En tout, ils sont huit pour assurer douze rôles, accompagnés par Guillemette Daboval au piano. On distinguera particulièrement le brillant Ulysse Timoteo dans le double rôle du Philosophe et de Hanif, le quatuor vedette bien incarné par les sopranos Michèle Bréant et Fanny Soyer et leurs amoureux, le Pierrot du baryton-basse chaleureux de Dominic Vielleux et son acolyte le Scapin de Benoit Déchelotte. Ajoutons encore la piquante Léontine Maridat-Zimmerlin dans le triple rôle du Procureur, du Médecin et du Notaire. Mais tous, jusqu’au plus petit rôle, mériteraient mention. La qualité de leur jeu théâtral fait honneur à la formation qu’ils reçoivent et si parfois, dans les airs, il arrive que les voix aiguës manquent un peu d’intelligibilité, ce n’est pas le cas pour les dialogues en vers (légèrement adaptés) qu’ils disent avec beaucoup de naturel. L’ensemble, très soigné du côté des costumes, modernisé par quelques gags, se révèle particulièrement savoureux et amusant. Au final, après le petit vaudeville moral de conclusion, la metteuse en scène a imaginé la disparition, dans la brume de la machine à fumée, de cet univers trop beau pour être vrai, laissant les deux naufragés errant dans l’espace vidé de la salle comme s’ils sortaient d’un rêve.
Alfred Caron
26 juin 2025
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