Saint Vaast la Hougue du 9-13 août 2025 —— Alain Lambert.
Les masques de la traversée inaugurale. Photographie © Patricia Segretinat.
Aux forts coefficients d’août, la mer se retire loin des parcs à huîtres de Saint-Vaast la Hougue, au bout du Cotentin, et laisse le temps aux spectateurs d’aller à pied sur trois kilomètres jusqu’au grand chapiteau de l’île de Tatihou. Pour deux heures de musique avant le retour des marcheurs. Sur l’ensemble du festival, cinq concerts abrités donc, et si vous prenez le bateau plus tôt, chaque jour un concert promenade dans les superbes jardins, soit en tout 22 univers musicaux venus de tous les horizons du monde. Et autant de concerts à terre, dont de nombreux gratuits, sans oublier le bal de l’île et ses 275 danseurs toute une nuit avec cinq groupes, successifs. Plus les animations diverses. Bref, 11 500 festivaliers sur cinq jours. Le samedi, la traversée inaugurale s’est faite avec la fanfare du Bénin Gangbé Brass Band, aux masques colorés bricolés juste avant, et déposés à l’entrée de l’île.
Celtic Odyssée à Tatihou. Photographie © Patricia Segretinat.
Plus de la moitié des 2 000 marcheurs a ensuite rempli le chapiteau pour le premier grand concert, Celtic Odyssée, une quatrième édition créée en partenariat avec le festival interceltique de Lorient. L’écossais Calum Stewart, uilleann pipes et flûtes, en est le directeur musical avec à ses côtés Liam Roudil à la guitare et Yann le Bozec à la contrebasse. Pour accompagner de nombreux invités venus d’Écosse, d’Irlande, des Asturies, de Bretagne, du Pays de Galles, de Cornouailles. Un superbe concert à géométrie variable, du trio au grand groupe, et toujours de grande qualité. On retiendra, entre autres talents, la chanteuse écossaise Kahhleen MacInnes à l’incroyable voix, la violoniste irlandaise Zoë Conway au jeu somptueux ou la step danseuse écossaise énergique Sophie Stephenson.
Dans les jardins de Tatihou. Photographie © Patricia Segretinat.
Le dimanche, premier concert promenade où l’on retrouve Zoë Conway avec son mari, mais aussi un duo de chanson poétique participant en trio du bal de la nuit, le Bal de l’Éphémère. Et aussi un trio issu de la session irlandaise qui passe de bar en bar chaque après-midi à Saint-Vaast. Un feu de compost aux flammes de dix mètres de haut a failli tout perturber, mais le vent d’est a évité sa propagation.
Le Vent du Nord à Tatihou. Photographie © Patricia Segretinat.
Sous la grande tente, les Québécois de Vent du Nord sont de retour pour la cinquième fois, mais sans leurs instruments, accompagnés par le quatuor à cordes Magnetis, venues de Cherbourg, et d’un pianiste de Québec, Philippe Prudhomme, un virtuose du clavier tout heureux de cette expérience, tout comme le quatuor. C’est le violoniste du quintette vocal, Olivier Demers, qui a écrit les arrangements mettant bien en valeur, avec le piano, les voix et les mots des cousins d’outre-Atlantique. Un bien beau moment musical et un pari réussi, permettant au groupe de montrer une autre facette, même si on sentait que leurs instruments fantômes leur chatouillaient le bout des doigts.
Dans les jardins de Tatihou. Photographie © Patricia Segretinat.
Le lundi, on retrouve le groupe franco-malien Imarhan Timbuktu, entendu la veille sur les quais en quatuor électrique survolté, avec un seul guitariste, Ousmane Ag Oumar, au blues lyrique et intimiste, accompagné de Maxime Ferret à la guitare basse et de Sylvain Le Roy à la percussion en terre cuite. Ensuite Sogol Mizrael, du trio Chakam, nous offre de belles improvisations en musique savante iranienne. Avant de découvrir deux frangins irlandais, violonistes et complices, Paddy et Cathal Tunney, accompagnés par le guitariste Guillaume Hugot. Un trio fraternel émouvant.
Salann et Solas à Tatihou. Photographie © Patricia Segretinat.
Comme un prélude au concert irlandais en balance sous la grande toile. D’abord, le tout jeune trio Salann aux arrangements travaillés, oscillant parfois entre baroque et manouche. Suivis par la dernière mouture du quintet américano-irlandais Solas, en piste depuis trente ans, tous emportés par leurs musiques et prêts à résister à ce qui se passe en Amérique, même s’ils continueraient bien indéfiniment cette tournée anniversaire pour retarder leur retour. Nouvelle venue, l’Irlandaise Nuala Kennedy à la flûte et au chant s’intègre superbement à la nouvelle formation.
Dans les jardins de Tatihou. Photographie © Patricia Segretinat
Le mardi, dans les jardins, on commence par le trio irlandais, tous normands et tous excellents, Anthony Picard au banjo, Martial Benoit à la flûte et Guillaume Hugot, toujours à la guitare. Puis c’est le duo occitan Lavoà Lapo, au double chant et bendir, étonnant. Avant la Franco-Japonaise Maia Barouh qui nous chante en japonais des légendes et nous envole avec sa flûte, accompagnée aux percussions par Johan Guidou et Kersley Sham.
Le Cabaré Kréol de René Lacaille à Tatihou. Photographie © Patricia Segretinat.
On va la retrouver sous le chapiteau le temps d’un morceau pendant le Kabaré Kréol dédié aux 70 ans de carrière de René Lacaille, accordéoniste réunionnais, et chanteur maloya, aussi guitariste. Toujours bon pied, bon doigté, il a invité avec ses deux enfants, Marc et Oriane, une douzaine d’invités, les chanteurs de Zebda et de La Rue Ketanou, aussi Sah Feh, Camille Heim et d’autres encore. Une joyeuse réunion de famille élargie qui se déploie dans la diversité des styles.
Dans les jardins de Tatihou. Photographie © Patricia Segretinat
Dans les jardins pour ce dernier jour, ce sont des participants du concert de la veille qui nous enchantent : Bonbon Vaudou le doux duo d’Oriane Lacaille et de JereM Boucris aux deux voix entremêlées, aux percussions simples et à la guitare « ridicule (qui est aussi le sens de bidon) selon un commentaire sur YouTube.
Rituel, leur tube déjà joué la veille, est joliment narquois, comme l’ensemble de leurs chansons en français et créole. Camille Heim fait sonner sa harpe électrique dans une suite de forro's, une polska suédoise et une reprise étourdissante de son collègue harpiste jazzy Edmar Castenada.
Ganna et Les voix bulgares à Tatihou. Photographie © Patricia Segretinat.
Pour le dernier concert sous chapiteau, place aux voix de l’est. Ganna est d’origine ukrainienne, installée à Berlin depuis ses douze ans. Avec ses machines, elle s’accompagne, s’enregistre, samplifie et s’amplifie pour créer un électro-trad polyphonique captivant, inspiré des airs qu’elle a collectés dans son pays, retravaillés à sa façon virtuose et créative.
Le Mystère des Voix bulgares est plus côté folklore aux habits colorés. Mais la présence du quatuor à cordes bulgare Quarto Quartet, et les arrangements superbes du chef Georgi Andreev, nous subjuguent très vite dans ses multiples variations instrumentales et vocales. Avec plusieurs passages en solo ou duo, y compris quand le maestro nous emporte avec sa gadulka, une vielle à archet endiablée. Encore une belle réussite de croisement entre tradition et quatuor classique.
Quand on s’en retourne vers la plage, la nuit est presque tombée. Un duo franco-béninois joue au loin sur les quais. Les dernières notes d’un festival cosmopolite qui reviendra l’an prochain avec les grandes marées, du 12 au 16 août pour la 32e édition.
Alain Lambert
2025
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Mercredi 20 Août, 2025 13:20