bandeau texte 840 bandeau musicologie 840
Aalto-Theater Essen, 27 février 2025 — Frédéric Léolla.

L’épatante Louise Bertin retrouve la scène

Fausto de Louise Bertin à Aalto-Theater Essen, Jessica Muirhead (Margarita), Chœur de l'Opéra. Photographie © Forster.Fausto de Louise Bertin à l'Opéra d' Essen, Jessica Muirhead (Margarita), Chœur de l'Opéra. Photographie © Forster.

Louise Bertin est une de ces plumes injustement reléguées par l’histoire officielle de la musique. N’ayant pas eu de succès de son vivant — ou pas assez de succès — son nom était devenu une simple référence sans que le mélomane ait la possibilité d’entendre ses œuvres lyriques au-delà de l’enregistrement, grâce au Festival Radio France-Montpellier, de son Esmeralda, sur un livret de Victor Hugo.

Après le magnifique concert au Théâtre des Champs-Élysées qui en 2023 a permis d’écouter et d’enregistrer Fausto, de Bertin, sous les auspices du Palazzetto Bru-Zane, l’Opéra d’Essen a relevé le défi de la monter.

Déjà à l’occasion de ce concert parisien, l’écriture de Bertin nous avait semblée étonnante. Plus proche de l’héritage du xviiie siècle (Mozart, Cimarosa, Spontini) que du belcantisme de son époque (même si toutefois on peut par moments ressentir une certaine proximité avec Rossini ou Bellini), admirative de la noirceur du Das Freischutz de Carle Maria von Weber, Bertin réussit à marquer de son propre sceau toutes ces influences, en les juxtaposant et en créant des développements et des ruptures de phrase inattendus — ce qui peut parfois dérouter même les auditeurs actuels…

Fausto de Louise Bertin à l'Opéra d' Essen, Mirko Roschkowski (Fausto), Almas Svilpa (Mefistofele), Jessica Muirhead (Margarita). Photographie © Forster.Fausto de Louise Bertin à l'Opéra d'Essen, Mirko Roschkowski (Fausto), Almas Svilpa (Mefistofele), Jessica Muirhead (Margarita). Photographie © Forster.

De ce fait, même si elle reçut l’admiration de Berlioz ou de Victor Hugo entre autres, Bertin ne compta jamais avec une réelle adhésion ni du public ni de la critique parisienne qui, avouons-le, pouvait se montrer quelque peu provinciale et passéiste. Elle mit fin assez tôt à sa carrière musicale, payant ainsi le prix de son originalité.

Portée par une mise en scène enlevée, mais respectueuse de l’essence du livret, où le milieu hospitalier contemporain sert de cadre aux aventures de Faust et Marguerite tout au long de la première partie, portée surtout par une direction d’orchestre attentive aux inflexions de l’action (même si parfois l’orchestre couvrit les chanteurs), portée enfin par une série d’interprètes très investis, cette œuvre se révèle d’une grande émotion.

Émotion qui est présente déjà dans la vibrante ouverture (et la mise en scène, s’éloignant des sentiers battus, nous permet de l’entendre sans illustration visuelle), émotion devant une Margarita harcelée, émotion lors de la mort de Valentino, émotion lors de l’intense scène de remords de Fausto ou à la scène de la prison… Mais on se réjouit aussi lors de nombreux moments d’humour (ah, ces infirmières, ah, cette rencontre dansante entre Mefistofele et Catarina) et on sent le cœur se serrer aux moments de mystère et d’effroi (la scène de l’antre de la sorcière, devenue ici un cauchemar du patient à l’hôpital, peut se compter parmi les plus intenses de tout le répertoire français).

Fausto de Louise Bertin à l'Opéra d'Essen, Tatjana Gürbaca (Margarita), chœur de l'opéra. Photographie © Forster.Fausto de Louise Bertin à l'Opéra d'Essen, Tatjana Gürbaca (Margarita), chœur de l'opéra. Photographie © Forster.

Saluons donc le courage de l’Opéra d’Essen en présentant cet ouvrage, saluons le travail du Palazzetto Bru-Zane, saluons l’investissement de tous les interprètes qui, même en surmontant la maladie pour le ténor Roschkowski (Fausto) et la soprano Markéta Klaudová (Margarita), ont permis au public de retrouver enfin sur la scène un chef-d’œuvre.

plume_04 Frédéric Léolla
Esssen, 2025

Mise en scène de Tatjana Gürbaca, scénographie de Marc Weeger, dostumes de Silke Willrett assistée par Carl-Christian Andresen, Lumières de Stefan Bolliger, dramaturgie de Patricia Knebel.

Mirko Roschkowski (Fausto), Markéta Klaudová (Margarita), Andrei Nicoara (Mefistofele), Mykhailo Kushlyk (Valentino), Nataliia Kukhar (Catarina), Natalija Radosavlejvic (une sorcière, Marta), Baurzhan Anderzhanov (Wagner, un crieur). Chœur et Orchestre de la Philarmonie d’Essen, sous la direction musicale, Tommaso Turchetta.


rectangle biorectangle actu rectangle texterectangme encyclo

logo grisÀ propos - contact |  S'abonner au bulletinBiographies de musiciens Encyclopédie musicaleArticles et études | La petite bibliothèque | Analyses musicales | Nouveaux livres | Nouveaux disques | Agenda | Petites annonces | Téléchargements | Presse internationale| Colloques & conférences | Collaborations éditoriales | Soutenir musicologie.org.

paypal

Musicologie.org, 56 rue de la Fédération, 93100 Montreuil. ☎ 06 06 61 73 41.

ISNN 2269-9910.

cul_2503

Mardi 4 Mars, 2025 0:47