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Jean-Marc Warszawski, 29 janvier 2025

Irakly Avaliani : soixante-quinze ans et trois sonates bicentenaires

Irakly Avaliani, Salle Cortot, 27 janvier 2025. Photographie © musicologie.org.Irakly Avaliani, Salle Cortot, 27 janvier 2025. Photographie © musicologie.org.

Irakly Avaliani, il est né en 1950 en Géorgie, est installé en France depuis 1989 et naturalisé français en 1992. Il est un rare pianiste à se réclamer ouvertement de l’enseignement, contesté, de Marie Jaëll. Une rareté qu’il reconnaît dans sa biographie en ne citant qu’Albert Schweitzer (le médecin), Dinu Lipatti et Eduardo Del Pueyo. De fait, c’est tout de même plus que cela. Lui-même a été initié à cette technique, on pourrait dire aujourd’hui cette déconstruction des automatismes académiques, par Ethèry Djakeli.

Ethèry Djakeli et née en France dans une famille d’immigrés géorgiens ayant fui la révolution soviétique. Elle a été formée au Conservatoire supérieur de Paris et au Conservatoire royal de Bruxelles, sous la direction d’Eduardo Del Pueyo, fervent de la « méthode » Marie Jaëll, qui eut de nombreux élèves, dont certains ont à leur tour enseigné et fait carrière. Après des pérégrinations, avec son mari architecte, en Afrique puis de nouveau en France, la famille s’installe, fin années 1960, à Tbilissi où Ethèry Djakeli eut Irakly Avaliani comme élève, qui en une quinzaine de cédés, n’a toutefois pas enregistré d’œuvres de Marie Jaëll qui était aussi compositrice.

Le 27 janvier 2025, Salle Cortot, avec vingt-cinq jours de retard, le brillant pianiste fêtait ses soixante-quinze ans, presque autant de piano, avec les trois dernières sonates de Ludwig Van Beethoven, rien que ça. Elles viennent quant à elles de fêter leur bicentenaire. La salle était quasiment comble, mais il est vrai qu’elle n’est pas le Stade de France.

rakly Avaliani, Salle Cortot, 27 janvier 2025. Photographie © musicologie.org.Irakly Avaliani, Salle Cortot, 27 janvier 2025. Photographie © musicologie.org.

L’évolution des compositions de Beethoven à la fin, de sa vie ont inquiété ses admirateurs qui mettaient leurs « bizarreries » au comte de la surdité. Certes, cette surdité, même si on glose sur l’oreille intérieure du compositeur, a eu des effets. D’abord, malgré les amis et les « carnets de conversation », celui de le couper sensiblement du monde, mais aussi de le priver du contrôle physique de ses réalisations, peut-être de modifier sa perception du temps musical. C’est peut-être la raison qui le pousse vers les valeurs techniques sûres de la variation et de la fugue, en confirmant au passage son extraordinaire maîtrise de l’écriture musicale. Privé de l’audition, Beethoven devient certainement plus conceptuel et explorateur des inconciliables (avant lui).

Des critiques ont perçu cette évolution comme un état de sérénité. Certainement pas. Les très longs épisodes étirés sans aspérités, Franz Schubert, contrairement à ce que disent les boutades, ne les a pas inventés, évoquent plutôt cette solitude et la surface lisse du silence. Les énormes semonces d’accords à l’extrême grave ou les réponses à l’extrême aigu mourant dans le silence, n’évoquent pas la sérénité. Mais le plus troublant, surtout dans la 30e sonate, la première des dernières, sont les ruptures « non préparées », qui sous les doigts d’Irakly Avaliani ont quelque chose d’imprécis, d’hésitant. Pourquoi pas.

Avec la 31e sonate, ses variations cycliques, son récitatif dramatique, la célèbre modulation soudaine en mi majeur, son extraordinaire intrication entre fugue, aria et récitatif, Irakly Avaliani emporte le public.

Enfin, la 32e et dernière, qui accumule et synthétise avec génie toutes ces tendances, la beauté aussi, se déploie en public conquit.

Irakly Avaliani, Salle Cortot, 27 janvier 2025. Photographie © musicologie.org.Irakly Avaliani, Salle Cortot, 27 janvier 2025. Photographie © musicologie.org.

Bon, anniversaire Irakly Avaliani sous les applaudissements, les ovations… et quelques fleurs.

plume_07 Jean-Marc Warszawski
29 janvier 2025


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Mardi 28 Janvier, 2025 20:59