Nicolas Diatkine et Estelle Revaz, Musée Jacqemart-André, 2 février 2025. Photographie © musicologie.org.
Voici une dizaine d’années que nous avons pour la première fois entendu Estelle Revaz dans le bel auditorium de Vincennes avec la romance pour violoncelle et orchestre de Richard Strauss, et le concerto de Gyorgy Ligeti. Depuis nous avons présenté de ses cédés, suivi un peu son parcours politique en Suisse et son élection à la députation où elle se montre soucieuse de la protection des musiciens, mais aussi des plus démunis. Nous avons lu son livre, mais nous avons du mal avec les autobiographies, surtout, c’est le cas, quand elles n’évitent pas le genre courrier du cœur. Ce qui ne retire rien à notre admiration pour son talent et sa vitalité musicale.
Même chose pour Nicolas Diatkine, un peu sorti de nulle part pour un concert Salle Gaveau en 2015 et qui nous a surpris par sa perfection au bout d’un parcours atypique. Et nous avons apprécié enregistrements et récitals ultérieurs.
Ils étaient pour le meilleur, en duo, le 2 février dernier, au musée Jacquemart-André pour un programme Robert Schumann (3 Fantasiestücke, opus 73 ; 5 pièces en style populaire, opus 102) et Johannes Brahms (Sonate no 1, opus 38). Deux compositeurs qui vont bien ensemble, de maître à disciple, s’admirant l’un et l’autre dans l’ombre et la lumière de Clara Schumann dont ils furent tous deux amoureux.
Robert Schumann, qu’Estelle Revaz semble avoir dans la peau, a très peu, mais magnifiquement, composé spécifiquement pour le violoncelle. En dehors de 4 trios dont un avec piano, 4 quatuors dont un avec piano, et un quintette également avec piano, dans lesquelles le violoncelle a une place de choix, il y a les fantaisies, opus 73, de février 1849, pour clarinett ou violon ou violoncelle et piano, de la même année, les cinq pièces de style populaire, opus 102, pour violoncelle ou violon et piano (dédicacées à Johann Andreas Grabau, violoncelliste du Gewandhaus Leipzig), et l’année suivante le concerto. Ce n’est pas beaucoup pour cet instrument qui dit on, caractérise le romantisme, d’autant que Robert Schumann a étudié le violoncelle parallèlement au piano. Il a également composé Fünf Romanzen (ou Phantasiestücke), pour violoncelle et piano, qui ne furent pas éditées. Clara Schumann les jugea indignes et en détruisit le manuscrit en 1893. Pour être encore plus juste de justice, notons qu’il donna une place de choix au violoncelle dans plusieurs de ses œuvres orchestrales.
Quant à Brahms, qui lui aussi étudia le violoncelle, on ne décompte que deux sonates pour violoncelle et piano dont cette première, opus 38, de 1862 (en-dehors des trios, quatuors, quintettes…).
Que dire de ce récital ? Placé assez loin derrière le pianiste, la violoncelliste de profil, donc en dehors du champ de projection de son instrument, il nous a manqué pas mal de musique. Il arrive qu’on place la presse là où on entend mal, il arrive même, là où on ne voit rien. Il est vrai que les récitals d’« autour du piano » sont seulement de piano, cette soirée avec violoncelle confirmant la règle. Il reste que nous avons passé une agréable soirée avec ce duo bien assorti tant musicalement que visuellement. Nous avons découvert une Estelle Revaz très à l’aise, aimant présenter les œuvres avec le sourire, cherchant la complicité du public, une chance, car le programme qui nous fut distribué était totalement indigent. Un Nicolas Diatkine chambriste accompli : dans un programme d’une telle virtuosité, le terme « accompagnteur » est inadéquate. La mise en place fut quasi parfaite, particulièrement dans les pièces populaires, où on les attendait au tournant. Ce duo se reformera peut-être, qui sait ?
Le prix des places est exorbitant. La mini flûte (verrerie Ikéa) de champagne (à la limite du vieillissement) ne justifiant pas une place à 95 euros, mais exprimant un style commercial faussement luxueux, à l’image de ce que ce fut ce lieu, et en fin de compte une pointe de vulgarité. Ce petit palais de fête et de demeure, commandité au milieu du xixe siècle par Édouard André, un héritier dont la principale activité fut d’être riche, et avec son épouse Nelie Jacquemart, artiste peintre, de collectionner les peintures. La veuve a légué sa succession à la Fondation de France, à la condition que tout reste en l’état. La maison-musée a été inaugurée en 1912, et depuis quelques années, la Fondation de France en a confié la gestion à une entreprise privée. La fortune n’étant plus ce qu’elle était, cette maison a été transformée en un lieu d’attractions diverses, dont un restaurant russe, visant à remplir la caisse. On imagine peut-être que le public d’aujourd’hui fantasmerait sur la vie là de Monsieur et de Madame dans la seconde moitié du xixe siècle.
Et puis Estelle Revaz s’en va.
Le 16 février elle seran à la Cathédrale de Vence, avec Nicolas Bringuier (piano), œuvres de Chopin, Rachmaninov, Ginastera et Popper.
Le 23 février, retour en Suisse, à Tschiertschenn, récital Dall'Abaco.
Le 10 mars, ç Berne, œuvres$ de Bach, Dall'Abaco et Cassado.
Le 15 mars, toujours à Berne, avec Aloisia Dauer (violon), œuvres de Paganini, Martinu, Glière et Kodaly.
Le 16 mars, encore à Berne, même programme.
Le 3 avril, à Genève, avec Laudine Dard (harpe), œuvres de Cassado, Piazzolla, Granados, Ginastera,
Le 6 avril, à Bex, même programme.
Les 8 et 9 avril, elle sera à Madrid, pour deux récitals Dall'Abaco.
Le 27 avril, elle donnera le même récital à Évian.
Ensuite on sera en mai, et après une dizaine de concerts, elle embarquera fin juin pour l’Amérique du Sud où elle donnera une série de Masterclasses.
Jean-Marc Warszawski
12 février 2025
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Mercredi 12 Février, 2025 2:47