Jean-Marc Warszawski, 20 octobre 2025
Eine Kindermusik, die gar nicht so kindlich ist
L'ensemble Les Encyclopédistes, sous la direction de Florent Albrecht, Paris, Salle Gaveau, 20 octobre 2025. Photographie © musicologie.org.
Le pianofortiste Florent Albrecht, et les encyclopédistes de l’ensemble l’Encyclopédie qu’il dirige, ont donné, le 20 octobre dernier, Salle Gaveau, un concert intitulé Kindermusik, qu’on prononce, une fois la frontière passée : Musique pour les enfants. Le programme, consacré à Leopold Mozart père et à Wolfgang Amadeus Mozart fils, indique bien qu’il y a un enfant quelque part, ou peut-être le titre fait-il référence à la Symphonie des jouets qui ouvre le concert, œuvre de Leopold Mozart, musicien apprécié et professeur renommé, une symphonie nommée en allemand Kindersymphonie, Symphonie des enfants. Une musique de style classique (viennois) avec des reste du passé, qui ne casse pas des briques, mais qui intègre des instruments insolites comme des appeaux d’oiseaux : coucou, caille, rossignol ; des jouets : trompette, crécelle, tambour, qui en font une pièce des plus divertissantes, pour laquelle les orchestres ajoutent souvent leurs propres facéties.
Œuvre de Leopold Mozart ? Pas sûr. Elle fut longtemps attribuée à Joseph Haydn, qui pourtant de l’intégra pas dans le catalogue de ses œuvres. Celles et ceux qui osèrent douter doutèrent, jusqu’au jour où on en découvrit une copie par Leopold Mozart. Ce n’est vraiment pas un jeu d’enfants (Kinderspiel), car on découvrit aussi une copie de cette pièce dans les archives de l’abbaye de Stift (Autriche), attribuée par le moine copiste et compositeur Stefan Paluselli (1748-1805) à Edmund Angerer (1740-1794), moine à Stift et compositeur de bonne renommée, auquel on repassa donc la symphonie, en 1992, titrée dans cette copie : Berchtoldsgaden-Musick, Musique de Berchteldsgaden, ville allemande des montagnes bavaroises, peu loin de la frontière autrichienne et de Salzbourg-fief-des-Mozart, connue pour sa mine de sel et son artisanat de jouets pour les enfants. Sans partition originale, on ne sait pas en fait qui a copié qui et quoi. Et tout cas, les encyclopédistes en ont donné une excellente version soignée, grâce à leurs qualités musicales et à celle de leurs accessoires.
Après le père, le fils plein d’esprit, avec La Seranata Notturna, nocturne composé en 1776. Wolfgang Amadeus n’était plus un enfant. L’année suivante, il enverra balader son employeur, l’archevêque de Salzbourg, ce qu'on appelle le 14 juillet de Mozart.
Kindermusik ? Pas si sûr. Et tout cas, le titre a inspiré une partie du public venu avec enfants et petits-enfants, qui ont eu de la patience, même la petite et la grande sœur, devant nous, qui ont passé la première partie du concert à se bourrer de coups de coude pour conquérir l'accoudoir, et la seconde à broyer du noir et à bouder après avoir été séparées pendant l’entracte sur décision grand-parentale.
La seconde partie commence, comme la première, la tristesse de deux petites filles en plus, sur une curiosité signée Léopold Mozart, Die musikalische Schlittenfahrt, Le Voyage musical en traineau, une pièce peut-être musicalement plus intéressante que la Kindersymphonie, avec là aussi des effets réalistes. Peut-être un voyage royal annoncé par des sonneries militaires, et le rythme trottinant s’installe soutenu par la sonnaille des clochettes qu’on imagine accrochées au licou des chevaux, les coups de fouet, le rossignol (indiqués dans la partition). Là aussi, les orchestres y ajoutent souvent leur propre fantaisie, comme un hennissement chevalin avant le départ. Les Encyclopédistes y ont ajouté la percussion du trop des chevaux sur les pavés, un effet pas mal venu musicalement est très bien réalisé, mais erroné, du fait que les chevaux trottent sur la neige. Il y a de jolis passages dans cette œuvre, qui expriment l’hiver et le froid, et, comme pour la Kindersymphonie qu’on devrait penser avec quelque tendresse, même blagueuse, on devrait penser Die musikalische Schlitten avec plus de poésie que de rigolade. Dans la musique russe, la troïka tirée pas des chevaux sonnaillant est une image sonore habituelle des musiques à programme quand elles expriment l’hiver.
L'ensemble Les Encyclopédistes, sous la direction de Florent Albrecht, Paris, Salle Gaveau, 20 octobre 2025. Photographie © musicologie.org.
Le concert s’acheva sur le13e concerto pour piano et orchestre, faisant partie d’un ensemble de trois ayant la particularité de pouvoir être joués en grand orchestre, mais aussi avec quatuor à cordes. Il fut créé par Mozart en personne le 22 mars 1783. C’est une très belle œuvre illustrant parfaitement le style classique porté à son apogée par le triumvirat Haydn, Mozart, Beethoven. Il est très chantant, avec de beaux thèmes au long de trois mouvements de durée égale, entre la clarté bucolique dansante et le lyrisme touchant des épisodes lents, comme toujours chez Mozart. Un équilibre parfait entre l’orchestre et un piano véloce qui passe bien, malgré une projection fluette en raison de son grand âge.
Ce fut une soirée bonne humeur avec un orchestre en bonne forme et son.
À la création de cette œuvre, jeune marié, Mozart fils allait devenir père à son tour, Constance, son épouse, était enceinte de six mois. Malheureusement ce premier enfant ne vivra que deux mois : Wenn die Kindermusik zur Totenmusik wird / Quand la musique pour les enfants devient musique funèbre.
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ISSN 2269-9910

Samedi 8 Novembre, 2025 4:05