12 juin 2025 —— Alain Lambert.
Dix disques jazzy pour supporter l’été, plus un livre cédé musical et surréel. Refuge d’Alex Stuart, Room for Blue de Katerina Pipili, Invisible Worker de Yongle and the Doltang, Trio [+] de Fred Nardin, Jultrane plays John, From This Moment On de Mario Ponce-Enrile, Soleils Noirs d’Exeko, Erik Satie d’Hervé Sellin, Drop et Floating World de Soft Machine, Les Ombres de la Nuit de Kristoff K.Roll.
Refuge (Jazz Family 2025) est le cinquième album du quintet d’Alex Stuart, guitariste et compositeur australien, qui a pris forme à Paris, il y a dix ans exactement, à la suite d’une jam magique. Même si l’ancien bassiste est parti pour d’autres aventures, remplacé par Benoit Lugué, qui apporte au groupe, fougueux, un esprit plus rock. Irving Acao est au sax, au piano et claviers, Arno de Casanove à la trompette, à la voix, au piano et claviers, et Antoine Banville à la batterie. Une belle basse en effet, bien présente, qui donne une pêche à la moindre méditation sur les choses simples de notre monde refuge. Une belle fusion avec les nuages.
En concert à Saint-Étienne le 5 décembre et à Valenciennes le 6 mai 2026.
Room for Blue (Jazz Family 2025) est l’œuvre de la chanteuse et compositrice Katerina Pipili. Accompagnée deTommy Scott au piano ou au Rhodes, Gabriel Pierre à la contrebasse, Pierre Alain Tocanier à la batterie, Adriano Tenorio aux percussions, Joël Chausse et Romain Reidid aux trompettes, Louis Chevé-Melzer au sax, Cyril Golamini au trombone et William Bernard au violoncelle. Jouant du simple trio ou le cuivrant fortement (Colors) sa voix s’enlace totalement aux instruments, nappée de soul (Make it Work - Churning) ou plus classique (I Left my Baby) où le violoncelle vient ajouté sa méditation plus mélancolique. Très réussi.
Invisible Worker (Unit Records 2025) est l’album de jazz progressif coréen du groupe Yongle and the Doltang qui débarque en Europe ce mois de juin, cinq musiciens venus de Séoul où leurs trajectoires musicales se sont rencontrées. Le leader Yonglee est au piano, acoustique ou électrique, Yechan Jo est à la guitare, Youngwoo Lee est aux synthétiseurs et à l’électronique, Hwansu Lang à la basse, Daeyon Seok à la batterie. Ils ont invité sur le quatrième titre Fluorescent Light (et Dopamine Rush?) la chanteuse Song Yi Jeon. March of The Invisibles pourrait être l’hymne d’un jazz-rock intemporel ; auquel ils savent aussi intégrer l’électronique d’aujourd’hui.
Ils sont à Varsovie, Lublin et Poznan, les 11,12 et 16 juin, à Berlin et à Wuppertal les 13 et 15, et à Vienne en Autriche les 20 et 21.
Trio [+] (Jazz Family 2025) est le nouvel album de Fred Nardin, pianiste, claviériste et compositeur, avec son trio augmenté. Viktor Nyberg est à la contrebasse, Romain Sarron à la batterie, et sur presque tous les titres Inor Sotolongo aux percussions. Mais ce n’est pas le seul invité qui explique le trio [augmenté], il y a aussi Stefano Di Battista sur un titre, Max Pinto aussi au sax sur deux autres, sur un autre, Raynald Colom à la trompette, et Maxime Fougère ou Sébastien Giniaux à la guitare sur deux autres. Sans oublier Anne Silva sur La chanson d’Hélène. Un trio à choix et couleurs multiples qui s’écoute et s’écoule avec grand plaisir.
Ils seront au Duc des Lombards à Paris du 11 au 13 septembre.
Jultrane plays John (Jazz Family 2025) est le deuxième album du saxophoniste et compositeur Julien Ndiaye, dont le fort lien à John Coltrane, l’amène à le rejouer avec son quartet, presque comme un tribute, un groupe hommage, comme on en trouve dans le rock. Au plus proche tout en gardant la créativité des interprètes : Frédéric D’Oesnitz, piano, Laurent Sarrien, batterie, Gabriel Pierre, contrebasse. Et sur trois titres, Nicolas Folmer à la trompette. En particulier sur Tristesse, qui aurait pu être de Trane lui-même. Une belle recréation, au son ample et magnifique, auquel contribue chacun des musiciens, avec le sax, superbe.
From This Moment On (Jazz Family 2025)
du batteur, et ici chanteur Mario Ponce-Enrile, venu de Manille en Europe grâce à une tournée européenne de Nana Vasconcelos, accompagné d’un chœur d’enfants. Après une formation en Italie, il arrive à Paris en 2003, et participe à de nombreux concerts mêlant théâtre et jazz. Enregistré dans les studios de Rudy Van Gelder, dans le New Jersey, avec Stefan Vasnier au piano, Frédéric Sayag à la contrebasse, Keith Balla à la batterie, il a choisi des standards souvent oubliés du second quart du siècle dernier, qu’il s’approprie et met en valeur de sa voix suave et sensible, avec un trio au plus proche.
Soleils noirs (Virgule 5 2025) est l’œuvre du sextet vocal Exeko et du pianiste Antoine Delprat, ici seulement arrangeur des six voix. La soprano Célia Tranchand, la mezzo Emily Allison, l'alto Léa Castro, le ténor Manu Domergue, le baryton Loïs Le Van et la basse Olivier Houser. Ils ont décidé avec leur directeur artistique de s’approprier les grands tubes de l’engagé Bernard Lavillier, connus de beaucoup. De On the road again à La Salsa en passant par Fensch Vallée à Noir et blanc ou Les mains d’or. Mais ici l’approche n’est ni rock ni musique du monde, plutôt jazzy dans le swing vocal et les volutes scat qui font danser les mots.
Erik Satie (Indesens Calliope 2025) du pianiste et arrangeur Hérvé Sellin est le troisième volume de ses Jazz Impressions, après Debussy et Fauré-Ravel. Mais ici, il n’est plus soliste, ou presque, mais s’est entouré de complices : Christelle Raquillet à la flûte et Cyril Drapé à la contrebasse, ou Rémi Fox aux sax alto ou soprano et Romain Lay au vibraphone. Ils interviennent ici ou là, un trio ou l’autre, par petites touches impressionnistes qui conviennent bien aux thèmes choisis. De Je te veux aux Gymnopédies, d’une Gnossienne aux Airs à faire fuir, des Trois morceaux en forme de poire aux Avant-dernières pensées en passant par une longue variation soliste titrée Gymnopédia, et dédiée à Aldo Ciccolini, une belle relecture.
À écouter en concert le 11 juin au Bal Blomet de Paris.
Drop (MoonJune records 2025) est une réédition, en cédé, vinyles et numérique, d’un enregistrement de novembre 1971 de Soft Machine que le batteur chanteur Robert Wyatt venait de quitter cinq mois plus tôt, remplacé par l’Australien Phil Howard. Un enregistrement public en Allemagne qui reprend des thèmes de leurs albums Two et Third. Mike Ratledge est aux claviers, Hugh Hopper est à la basse et Elton Dean est aux sax alto, saxello et claviers. Un son brut qui convient bien à leur jazz fusion d’alors. Cette réédition est dédiée à la mémoire de Hugh Hopper et d’Elton Dean.
Floating World Live (MoonJune 2025) est une seconde réédition, en cédé, vinyles et numérique, d’un enregistrement à Breme en janvier 1975 du Soft Machine d’alors, avec encore Mike Ratledge aux claviers, mais aussi Carl Jenkins qui va bientôt le remplacer complètement. Allan Holldsworth est à la guitare, Roy Babbington à la basse et John Marshall à la batterie. Ils reprennent beaucoup de compos de l’album studio Bundles. Le son est plus planant que dans le précédent, du jazz fusion avec guitare qu’ils vont perpétuer dans Soft, puis Legacy et l’actuel Soft Machine avec John Etheridge.
Les ombres de la nuit (Mazeto Square 2025) est un livre double cédé de Kristoff K.Roll (Carole Rieussec et J.Kristoff Camps) qui depuis 2017 recueille des rêves dans toutes les langues et cultures. Ce livre vous donne tous les textes utilisés (et traduits) pour deux œuvres électroacoustiques explorant cette oralité onirique : la Grande Suite à l’ombre des Ondes avec l’ensemble Dedalus, et Les Ombres de la Nuit qui donne son titre aussi au livre. Un ensemble expérimental intrigant et très musical dans sa scansion, sa mise en onde et en ombre. Une expérience dans les territoires du surréel universel.
Alain Lambert
12 juin 2025
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Jeudi 12 Juin, 2025 15:24