Tom Johnson. Capture d'écran.
Le 31 décembre 2024, au matin, décédait Tom Johnson, compositeur né en 1939 au Colorado (USA), de prestige international et demeurant à Paris depuis des décennies. Une des figures majeures du mouvement minimal américain.
Souffrant d’un emphysème pulmonaire depuis plusieurs années, Johnson ne se déplaçait plus sans sa bouteille d’oxygène, mais cela ne l’empêchait pas de continuer à travailler assidûment à ses partitions.
Après avoir étudié à Yale, il prend des leçons particulières avec Morton Feldman. Avec la double facette de critique au Village Voice Magazine et de compositeur, il s’insère dans le mouvement minimaliste naissant à New York et se fait connaître par un opéra de chambre qu’il présente dans la célèbre The Kitchen, dans la même ville, en 1972 : The four notes opera, un radieux exercice de simplicité musicale qui deviendra son œuvre la plus diffusée. La plus diffusée, mais non la plus rentable pour lui, puisqu’il en avait cédé les droits d’édition. Ce qui mènera Johnson à créer sa propre maison, « Éditions 75 ».
Deux éléments surtout font l’originalité de Johnson dans le panorama musical. D’un côté un sens de l’humour bon enfant, détournant avec une fine ironie les codes de la musique classique, comme dans The four notes opera ou dans Failing (a very difficult piece for solo string bass), où l’interprète est prié de se tromper face aux demandes impossibles de la partition.
D’un autre côté, son intérêt pour les mathématiques. En ce sens, Johnson disait qu’il ne voulait pas composer pour exprimer des passions humaines, mais qu’il recherchait la beauté de l’icône. Les mathématiques lui permettaient de trouver la beauté dans la nature pour après la rendre en musique. À partir d’œuvres comme les Rational melodies (1982) ou les Nine bells (1979), il ne cessera d’explorer ce versant.
Johnson possédait le secret de pouvoir attirer l’auditeur lambda — pas besoin de comprendre les subtilités mathématiques de ses œuvres pour en capter l’hypnotique beauté — sans jamais perdre en rigueur. Ayant parfois recours à la parole non chantée soit comme moyen musical (Music for counting) soit de façon pédagogique (The eggs and the basketts) ; consacrant dans d’autres occasions sa musique à un instrument privilégié, soit la contrebasse (Failing) soit la guitare (Alexandrins pour guitare, Canon for Six Guitars, Arpeggios for Guitar), soit le saxophone (Kientzy Loops, du nom de son dédicataire, le formidable saxophoniste français Daniel Kientzy) ; laissant parfois aux interprètes le choix des instruments (Rational melodies) ; l’œuvre de Johnson comprend aussi des œuvres non-chambristes comme le Bonhoeffer oratorium.
Le caractère aimable, mais entier de Johnson, très ami avec Cage, cse asait mal dans les ambiances passablement snobs parisiennes, musicalement dominées par Pierre Boulez (qui détestait Cage et tout ce qui pût lui en évoquer le souvenir). Mais la musique de Johnson était appréciée universellement, et son prestige n’a eu de cesse de croître, en particulier parmi les nouvelles générations.
J’espère que l’Histoire de la Musique lui donnera la place de choix qu’elle mérite.
Pour en savoir plus, je ne peux que vivement recommander le livre Tom Johnson ou la musique logique, de Gilbert Delor (L’Harmattan 2021).
Frédéric Léolla
2 janvier 2025
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