Yannick Nézet-Séguin. Photographie © D. R.
Les Quatre derniers Lieder de Richard Strauss sont un de sommets du Lied avec orchestre. Les affronter en concert réclame de l’interprète une longue familiarité avec ce répertoire et mobilise de nombreuses qualités : homogénéité des registres, contrôle du souffle, ligne de chant impeccable et diction allemande châtiée. C’est ce que nous apprend, par défaut, la contre-performance d’Angel Blue accompagnée par l’orchestre philharmonique de Rotterdam. La soprano américaine paraît perdue dans un flot orchestral qui la dépasse : le grave est inexistant, le médium affecté d’un impossible vibrato, l’aigu large et incontrôlé et elle semble déchiffrer la partition, quêtant du regard l’aide du chef. Au fil des quatre Lieder, elle tente tout de même quelques nuances. En vain. N’en déplaise au public qui l’acclame, elle passe tout à fait à côté de ce qui devrait être un moment d’introspection poétique crépusculaire et n’est au final qu’une suite d’ânonnements sans unité.
Dans sa version originale de 1873, la rare troisième symphonie de Bruckner est également à sa façon un sommet. Après les secours prêtés à sa soliste dans la première partie, Yannick Nézet-Séguin peut en fin y donner la mesure de son génie de directeur d’orchestre. Lançant les cuivres survoltés dans des fanfares tonitruantes et caressant l’oreille de l’auditeur avec des cordes d’une délicatesse infinie, il gère magnifiquement les contrastes dynamiques de cette symphonie atypique. L’orchestre de Rotterdam répond avec toute la virtuosité voulue, à sa direction précise et énergique et donne une lecture fascinante de cette étrange pièce dont les deux premiers mouvements échappent à toute tentative de structuration, glissant d’un thème à l’autre comme par association d’idées, tandis que le scherzo nous renvoie directement aux formes les plus classiques. L’allegro final en forme d’apothéose, toutes voiles dehors, est un extraordinaire défi sonore d’un triomphalisme quasi délirant. Il vaut à l’ensemble néerlandais et à son chef un succès aussi sonore, lui, tout à fait mérité.
Alfred Caron
23 mars 2025
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