Faust et Mephisto, huile sut toile d'Anton Kaulbach (1864-1934).
Il n’est pas facile d’atteindre le Parc de la Musique Ennio Morricone à Rome, excentré et mal communiqué, comme si la musique, « ça devait se mériter ». Enfin, nous y arrivons après quelques péripéties qu’il est inutile de préciser. Peu de monde pour un concert qui a été donné trois fois dans une salle très grande (2700 fauteuils), la salle Santa Cecilia (il y a trois salles dans le « complexe musical », celle-ci, la salle Sinopoli et la salle Petrassi). L’architecte, Renzo Piano, a conçu des bâtiments très jolis à vue d’oiseau et plutôt banals à vue d’humain. Mode oblige, à l’intérieur de la Santa Cecilia les fauteuils sont autour du plateau — avec tous les problèmes sonores que cela comporte, comme l’aficionado parisien peut bien constater à la Philarmonie de Paris s’il n’a pas acheté une place juste en face de l’orchestre (et encore)… Au moins à la Philarmonie de Paris, comme dans la plupart des autres salles parisiennes, est distribué gratuitement un papier avec, a minima, le nom des interprètes — pas à Rome où il n’y a que le programme payant. Et puis, détail qui a son importance, dans les salles parisiennes, il y a plusieurs toilettes avec plusieurs cabinets ou urinoirs. À la salle Santa Cecilia, une seule toilette avec un seul cabinet pour hommes (je dis bien, un seul) pour tous les étages supérieurs : à l’entracte la file d’attente était donc importante parce que l’architecte n’a pas daigné penser que les humains ont certaines nécessités physiologiques…
Trêve de considérations para-musicales et râleuses. Les Scènes du Faust de Goethe de Schumann sont une œuvre trop importante, qui recèle trop de beaux moments et qui est trop rarement donnée pour que nous boudions notre plaisir.
Daniel Harding connaît bien la partition et peut se permettre de la regarder seulement à des moments très précis. Il dirige, très attentif à chacun des solistes, attentif à son orchestre et ses chœurs. Ceux-ci et celui-là répondent fidèlement aux indications. Peut-être la couleur de l’orchestre est plus riante, moins sombre, que celle des orchestres de tradition allemande. Cela donne aussi une interprétation plus colorée. C’est loin d’être un défaut quand on aborde une œuvre hétérogène comme les Scènes du Faust. Et c’est aussi cet aspect d’œuvre composite (autant que le chef-d’œuvre de Goethe), avec des changements de ton fréquents, que Harding semble privilégier, en passant de la tradition opératique à celle de l’oratorio, du sacré au profane en passant par le philosophique, du léger au profond et vice-versa.
Les solistes instrumentaux ont l’occasion de briller à plusieurs reprises — relevons en particulier l’excellent violoncelliste. Autant l’orchestre que le chœur d’enfants et celui des adultes de l’Accademia di Santa Cecilia, ont la précision et le son rond et uniforme des grandes formations — tout en gardant, comme nous le disions, leur personnalité.
Les solistes vocaux sont nombreux. En premier lieu, incarnant Faust et Pater Seraphicus, Christian Gerhaher, réputé en tant que liederiste, qui s’est fait une spécialité de ce double rôle schumannien. Néanmoins les particularités sonores de la salle ne jouent pas en faveur de Gerhaher dont les piani, qui sait si manque d’harmoniques, sont souvent inaudibles. Il semble aussi interpréter par saccades, donnant du volume ici ou là sans que son intention soit claire, et en général il paraît aborder les différents moments de sa particella sans une grande diversité d’accents.
Plus nuancée, plus en voix, Christiane Karg donne une vision touchante de Marguerite — et de son penchant, la pénitente de la troisième partie. Celle qui tire le mieux son épingle du jeu c’est peut-être Johanna Wallroth dans une ribambelle de rôles (Marthe / Souci / le plus jeune ange / Pénitente / Magna Peccatrix) où elle a l’occasion de montrer un très joli timbre, une grande facilité d’émission et une gra0nde aisance avec sa partition. Andrew Staples fait preuve aussi d’une grande aisance et de beaucoup de finesse dans ses différents rôles. Bien campé par les Méphisto de Falk Struckmann, et bonne participation de tous les autres interprètes, Rebecka Wallroth, Annelie Sophie Müller, Natalia Paula Quiroga Romero, Jesús Hernández Tijera et Patricia Westley.
À la fin du concert, si les applaudissements semblent timides au début, une partie du public, convaincu par l’œuvre et par son interprétation, saluera avec enthousiasme et insistance.
Frédéric Léolla
13 avril 2024
Rome, dimanche 13 avril 2025. Auditorio Santa Cecilia, Parco della Musica Ennio Morricone. Szenen aus Goethes Faust (Scènes du Faust de Goethe), oratorio profane en trois parties et sept scènes. Musique Robert Schumann. Livret du compositeur d’après l’œuvre de J.W. Goethe. Avec Christian Gerhaher (Faust, Pater Seraphicus, Doctor Marianus), Christiane Karg (Gretchen / Büßerin / Una Poenitentium), Falk Struckman (Mephistopheles / Böser Geist), Johanna Wallroth (Marthe / Sorge / Jüngerer Engel / Büßerin / Magna Peccatrix), Rebecka Wallroth (Mangel / Jüngerer Engel / Büßerin / Maria Aegyptiaca / Mater Gloriosa), Andrew Staples (Ariel / Pater Ecstaticus / Vollendeterer Engel / Jüngerer Engel), Annelie Sophie Müller (Schuld, Mulier Samaritana), Natalia Paula Quiroga Romero (Büßerin Soprano II), Jesús Hernández Tijera (tenore II), Patricia Westley (Noth, / Büßerin Soprano IV). Orchestra, Coro e Voci Bianche dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia. Maestro del coro Andrea Secchi. Maestra del coro di voci bianche Claudia Morelli. Direction musicale, Daniel Harding.
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