27 janvier 2025, Jean-Marc Warszawski.
Chostakovitch, Bruckner, Symphonies no 8, London Symphony Orchestra, sous la direction de Carlos Païta, enregistrements de 1981 (inédit) et de 1982, Kingsway Hall de Londres. Le Palais des dégustateurs 2024 (PDD036).
Carlos Païta est né en 1932 à Buenos Aires. Peut-être poussé par sa mère cantatrice, il suit des enseignements privés d’harmonie, d’orchestration, d’harmonie, de piano. Le fait d’avoir assisté, au Théâtre Colón à des répétitions sous la direction de Wilhelm Furtwängler semble avoir été décisif (on y pense dans sa version des Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski orchestrés par Maurice Ravel). Il suit par la suite des cours de direction d’orchestre avec Artur Rodiznski.
En 1956, il dirige au Théâtre Colón la création en Argentine de la seconde symphonie de Gustav Mahler, et en 1963 le Requiem de Giuseppe Verdi à la mémoire de John Fitzgerald Kennedy (assassiné le 22 novembre), ce qui fit grandir sa notoriété.
En 1966, il dirige le Radio-Sinfonieorchester Stuttgart, deux ans après il signe un contrat (à la tête du London Symphonie Orchestra) avec la firme discographique DECCA (pour commencer, il enregistre des œuvres de Wagner et de Beethoven) et se fixe en Europe pour une carrière de chef invité qui le mène à Paris, Liège, Bonn, Munich, Moscou, Londres, en Italie, Pays-Bas, Tchécoslovaquie, Bulgarie, Roumanie, Pologne, Hongrie, États-Unis.
Brouillé avec Decca, son fils crée alors le label Lodia, pionnier de l’enregistrement numérique. De son côté, Carlos Païta fonde le London Philharmonic Symphony Orchestra, un orchestre destiné aux enregistrements, mais qui se produit en concert dès 1982.
Il réside à partir de 2003 à Genève, où il décède en 2015.
Tchaïkovski, Orchestre Philharmonique de Russie sous la direction de Carlos Païta, Symphonie no 4, Capricio italien, Roméo et Juliette, Symphonie no 6. Le Palais des dégustateurs 2024 (2 CD. PDD 037). Enregistré en 1980, et 1994.
Il n’est pas très facile de se retrouver dans la chronologie de ses enregistrements et les « repiquages », mais dès le premier, en 1969, pour DECCA, un « Festival » Wagner avec le New Philharmonia Orchestra, l’accent est mis sur la qualité d’enregistrement appelé « phase 4 stereo » sur vingt canaux. DECCA envisageait-il de concurrencer Deutsche Grammophon et son chef emblématique Herbert von Karajan ? Cet enregistrement obtient le grand prix du disque
Marc Pincherle, dans la Revue des Deux Mondes du 1er avril 1969 salue l’événement :
« … Un disque, enfin, parvenu à l’extrême limite de la préparation du Palmarès Charles-Cros, et qui a obtenu à l’unanimité sa place au dit palmarès. C’est un « Festival Wagner » dirigé par un très jeune chef argentin, Carlos Païta, à la tête du New Philharmonia Orchestra de Londres. Comme programme : Tristan et Isolde, Prélude et Mort d’Isolde, l’ouverture du Vaisseau fantôme et celle des Maîtres chanteurs, des pages symphoniques souvent, presque trop souvent entendues. L’interprétation qu’en donne Carlos Païta les revivifie et, un merveilleux enregistrement aidant, on a l’impression de les découvrir. Sauf erreur, ce chef sera mondialement célèbre avant longtemps. »
Suivent en 1973, des ouvertures de Berlioz, Beethoven, Brahms et Wagner, le Requiem de Verdi en 1975, la troisième symphonie de Beethoven (Royal Scottish Orchestra) et des ouvertures de Rossini (Royal Philharmonic Orchestra), en 1976, la première symphonie de Mahler en 1977, la Symphonie fantastique de Berlioz en 1978, mais en 1981, les amours avec DECCA et son « phase 4 » sont consommés, on passe à l’enregistrement numérique du label Lodia en 1980 avec la « Pathétique » de Tchaïkovski, la première symphonie de Brahms en 1981, et la 5e symphonie de Beethoven (1981), la 8e de Bruckner et la 7e de Dvořák (1982), die Götterdämmerung de Wagner (1984)… « Et Les grandes ouvertures » en 1993.
Avec des repiquages de Decca à Lodia, des rééditions (en cassettes aussi) sous d’autres labels pour l’enregistrement de 1969 : London Records (États-Unis, Canada, Brézil), Pax (Israël), Sakura (Singapour).
Carlos Païta dirige : Tableaux d'une exposition (Modeste Moussorgski, orchestration de Maurice Ravel), National Philharmonic Orchestra ; Symphonie fantastique (Hector Berlioz), London symphony Orchestra. Le Palais des dégustateurs 2024. Enregistré au Kingway Hall de Londres en 1984 et 1978.
Cette discographie DECCA puis Lodia n’a pas eu de postérité après la mort de Carlos Païta. À défaut d’inventaire de la presse spécialisée de l’époque, il semble que ses choix esthétiques furent loin de faire l’unanimité de la critique, qui put même douter de ses compétences.
En décembre 1969, il remplace Wolfgang Sawallisch qui est malade, pour le dernier concert de l’année donné par l’orchestre de Paris. Jacques Lonchampt en fait la recension pour Le Monde. Il en tire une impression curieuse, remarque un flot lyrique souvent fort, mais embrouillé, et l’aspect étrange qu’il donne aux œuvres (Mort et transfiguration de Strauss, 4e Symphonie de Brahms), l’étirement des phrases jusqu’à la rupture, des raccourcis vus d’avion. Indéniablement, il lui reconnait un fort tempérament, mais aussi une direction rudimentaire, des malaises rythmiques, une battue binaire quelle que soit la mesure et des absurdités. Sans la qualité des musiciens de l’Orchestre de Paris, cela aurait été, selon lui, une catastrophe, mais il est tout de même « chef dont la passion et l’ardeur sont cependant sympathiques ».
Mihai de Brancovan, dans la Revue des deux mondes, en 1982, n’y va pas avec le dos de la cuiller, pour les débuts du Philharmonie Symphony Orchestra de Londres à Paris : il souligne le manque de précision inquiétant, des fluctuations exagérées de tempo, mise en pièces de la huitième symphonie de Bruckner, une direction primaire, brutale, agressive, et il appelle à « effacer au plus vite ce concert de notre mémoire » (pourquoi en a-t-il donc écrti et publié un article ?).
Carlos Païta, Johannes Brahms (1re symphonie, concerto pour violon), Ludwig van Beethoven (5e et 7e symphonies), National Philharmonic Orchestra of London, Philharmonic Symphony Orchestra, sous la direction de Carlos Païta. La Palais des Dégustateurs 2025 (PDD040). Enregistrements de 1981, 1983 et 1985, Kingsway Hall London, Walthamstow Town Hall.
Comme Karajan ou Glenn Gould, Païta mise sur l’enregistrement comme finalité et non pas comme témoin du concert. Il modifie son orchestre et la perspective sonore en conséquence. Il aime le brut de décoffrage, les effets qu’on pourrait dire populaires, la puissance, l'emphase héroïque, la pulsion : il n’y va pas par quatre chemins, c’est vital, essentiel, cela marche, cela touche et la qualité des enregistrements est superbe.
Éric Rouyer a eu l’excellente idée, d’approcher Alexandre Païta, le fils du maestro, et de négocier la réédition d’enregistrements du fonds discographique Lodia. Un choix d’œuvres plébiscitées qui en rajoute à l’attrait de ce projet, avec tout de même un inédit : la 8e symphonie de Dimitri Chostakovitch, enregistrée en 1981.
Carlos Païta répète le 3e mouvement de la 5e symphonie de Ludwig van Beethoven avec le Philharmonic Symphony Orchestra, au Kingsway Hall de Londres. Jean-Marc Warszawski
27 janvier 2025
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