Cahiers Maria Szymanowska (7) : Parler du corps. Société Maria Szymanowska, Paris 2025 [212 p. ; ISBN 978-2-48764-602-5 ; 20 / 14 €]
On ne vit intensément que dans et par son corps. Le corps est le moyen de faire avec la violence du monde. Si toutes les souffrances de l’humaine condition s’y (ré)percutent, il est également l’espace de toutes les joies et jouissances de la chair ! C’est autant le plaisir des sens que l’action qui nous rattache à l’existence et nous enjoint de goûter à la saveur de la vie. Parler du corps, c’est donc parler de cette interface confuse qui touche au cœur de l’intime, de son rendu sensible et social, et que la réflexion politique d’une Sophie de Condorcet rend d’une si furieuse actualité : des corps sont dominés par ceux qui bénéficient d’un ordre social profondément inégalitaire, et qu’ils entendent bien perpétuer.
Parler du corps, c’est donc parler de l’être, de notre présence réelle tout autant que symbolique et fantasmatique au monde, en soi et pour les autres. Rien d’ailleurs de plus malaisé que de l’habiter pleinement, ce corps terriblement exposé, profondément inégal et genré. Le corporel, le soma, participe en effet d’un langage obscur, celui de la psyché, un mix d’émotions, de sentiments et d’idées dont il est le terrain de jeux privilégié : le corps, belle caisse de résonance de nos aliénations et angoisses ! Pour en explorer l’historicité et les représentations, la danse et le théâtre sont des disciplines fécondes par leur hybridité et leur charge sensuelle : les perceptions olfactives, tactiles, visuelles et auditives y sont aussi importantes que les mots.
D’une scène cathartique à l’autre le soma parle : le corps anarchique et souffrant devient un corps symbolique et pleinement assumé. C’est à cette autre vie que la sienne qu’aspire ainsi Julie, la femme cachée qui relate ici son parcours de transition pour devenir ce qu’il/elle était, et connaître l’ivresse de la métamorphose d’un corps enfin advenu. Ce corps féminin est cependant le plus exposé, tant il est réifié et vulnérable à la prédation du regard patriarcal. Face à cela, la revendication féministe est simple : reconquérir la joie du corps, d’exister et de vivre ; pouvoir et vouloir tout écouter, tout aimer, tout lire, sans retenue – sans avoir à retrouver le récit sempiternel de l’exclusion de sa féminité.
Si la psyché, la physiologie et le social s’entremêlent et nous définissent dans nos singularités, la mort et la sexualité demeurent les deux dimensions communes à notre humanité. Quelle que soit l’époque, l’art n’a de cesse de les sublimer et d’entraîner vers un imaginaire et une poétique de la sensualité et de l’inconstance des corps, comme une suspension libérée du référentiel mortifère du temps. Une promesse d’infini en quelque sorte.
1. Mariana Saad, « Avant Marx : Sophie de Condorcet, critique morale et sociale d’Adam Smith », dans « Cahiers Maria Szymanowska (7), Société Maria Szymanowska 2025, p. 59.
Avant-propos par Patrick Chapelle
En toute, poème de Malvina Blanchecotte (1830-1897)
Dossier : Parler du corps
Maria Szymanowska : Un épistolaire d’après concert.
Quand Maria et son frère Stanisław écrivaient à leurs parents... par Isabelle Fillon-Flambeaux, Patrick Chapelle, Arkadiusz Roszkowski.
Sylvie Nicephor, Corps, musique et danse à l’époque de la Renaissance d’après les écrits de Thoinot Arbeau.
Jean-Marc Warszawski, Les silences de la musique.
Mariana Saad, Avant Marx : Sophie de Condorcet, critique morale et sociale d’Adam Smith.
Caroline Dumas de Rauly, De l’autre côté de la peau. Représentation et enjeux de la peau dans deux œuvres contemporaines : Nostalgie 2175 de Anja Hilling et A love doll's birth de Laure Cottin Stefanelli.
Clarisse Rubio, Une masculinité qui détruit ? Lecture de l'œuvre d'Édouard Louis.
La femme cachée : cheminement d’une transidentité. Entretien avec Julie et Florence Caron Propos recueillis par Isabelle Fillon-Flambeaux.
Guillaume Meyer, Le déhanché d'Aphrodite – Inédit fiction.
Les Déchirures d’Élisabeth Py, Des collages qui réparent.
Hommage à Gabriel Saad.Gabriel Saad, l’universalisme incarné – Isabelle Fillon-Flambeaux
Prologue au Diable amoureux de Jacques Cazotte – Gabriel Saad.
Littérature | Stanisław Jasionowicz, Crier la crise, nier la crise : solitude et solidarité dans l’expérience poétique de Michel Houellebecq et de Colette Nys-Mazure.
Conversations | Myriam Lévy-Ramière, Culture du viol versus culture du consentement.
Sciences | Jean Rossier, Le corps neuronal.
Les premières de cordée à 1300 euros | Aurore Pegaz, Voyage à travers le corps : la danse comme chemin.
Billet d’humeur | Marianne Simone, Le bon genre universitaire.
Premier roman | Clarisse Rubio, La fille verticale de Félicia Viti.
Histoire | Gauthier de Pétigny, La glaneuse du bois de Villers-Cotterêts.
Françoise Gagliano, Christine Maillard – Moments suspendus.
Les détails dansle site de la Société Maria Szymanowska
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Jeudi 16 Octobre, 2025