Montréal, 5-7 février 2026
Ce colloque réunira chercheur·ses, artistes et praticien·nes pour réfléchir aux langages et non- langages des clowns et à leur relation avec l'univers sonore de l'art clownesque, en parallèle à la première mondiale de l'opéra Clown(s) d'Ana Sokolović, présenté à l'Opéra de Montréal. Inspiré par l’introduction de Masques et Bouffons de Maurice Sand (1859), Clown(s) rend hommage à l’histoire des clowns à travers le cycle de vie d’un clown. D’une façon non narrative, cet opéra en sept tableaux se tourne vers différentes formes d’art—la marionnette, la magie nouvelle, le cirque, l’ombre et la pantomime— combinant des esthétiques pré-cinématiques à des influences cinématographiques, dont I clowns de Federico Fellini et les films de Charlie Chaplin, Buster Keaton, Jacques Tati, ainsi que les performances de Dario Fo. Sokolović varie le nombre de chanteur·ses et l’instrumentation dans chaque tableau, explorant ainsi les multiples déclinaisons de l’univers sonore clownesque et de son rapport à l’opéra.
Les langages inhabituels des clowns—que ce soit l’emploi de langues inventées, le remplacement de la parole par la gestuelle, ou toute utilisation du langage qui brise les conventions—sont souvent mentionnés comme un outil central à leur rôle subversif. En décrivant le personnage de Lucky dans Waiting for Godot de Samuel Beckett, par exemple, Michael Bala (2010) mentionne son « discours formalisant qui est dirigé contre le langage lui-même », puis son retour « à une absence de langage presque animale ». Selon Paul Bouissac (2015), les clowns « exploitent les ressources de langues spécifiques », et « remettent en question les fondements mêmes sur lesquels reposent notre langage et notre société en révélant leur fragilité ». Pareillement, David Robb (2007) décrit le « parler-insensé » (« nonsense-speak ») des clowns comme exposant « la nature arbitraire des conventions symboliques », une caractéristique qui leur permet de « se moquer de la culture officielle et subvertir les relations de pouvoir ». Enfin, Donald McManus (2003) suggère que ce qui définit la figure du clown est son
« habileté, par sa compétence ou par sa stupidité, à briser les règles qui régissent le monde fictif ».
Malgré l’importance des langages (et non-langages) des clowns, il manque une étude comparative qui examine leurs différentes déclinaisons, leurs modalités d’expression et leurs implications politiques et esthétiques à travers les époques et les cultures. Par ailleurs, aucune étude ne se penche sur l’univers sonore du clown—la relation entre silence et effets sonores, les caractéristiques musicales et l’instrumentation qui lui sont associées (explorées par Sokolović dans son opéra)—ni sur la relation entre cet univers sonore et les effets visuels considérés centraux à la pratique clownesque (Dutton 2015), ou encore sur le volet sonore de la représentation des clowns au cinéma. Les « clowns » peuvent prendre de nombreuses formes : clown de cirque, idiot, fou du roi, clown triste, trickster, clown sacré, chou du jingju, personnage de la commedia dell’arte, protagoniste de cinéma burlesque, humoriste de stand-up, Joker, ou clown travaillant auprès des patients dans les hôpitaux (Caron 2006, Carter 2011, Christen 1998, Ferrone 2024, Moses Peaslee et Weiner 2015, Robb 2007, Rudlin 2022, Thorpe 2005, entre autres). Ce qui semble les relier est leur caractère marginal, leur non-conventionalité, leur capacité à briser les conventions et nommer les tabous, le tout sans trop préoccuper le pouvoir, en intégrant, dans les mots du théoricien de la résistance James Scott (1990), les « scripts cachés » (« hidden transcripts », les critiques du pouvoir) dans le « script public » (« public transcript », le discours officiel). À la fois inclus et exclus du discours dominant, les clowns incarnent l’indissociabilité des relations de pouvoir et de la résistance (Amoore et Hall 2013).
Nous invitons des présentations en français ou en anglais qui explorent les langages, non-langages et l’univers sonore des clowns de toutes les époques, cultures et disciplines artistiques. Nous accueillons des perspectives issues de différentes disciplines, incluant (mais ne se limitant pas à) la musicologie, le cinéma, le théâtre, l’anthropologie, la sociologie, l’histoire de l’art, les études littéraires, la psychologie.
En plus des communications académiques traditionnelles d’une durée de vingt minutes, nous encourageons vivement des formats qui brisent les conventions, inspirés par la thématique et l’esprit de ce colloque. Ainsi, les performances, œuvres à exposer, ateliers interactifs, concerts-conférences, projections audiovisuelles, ou tout autre format alternatif peuvent être soumis à évaluation pour intégrer le colloque à condition que votre proposition soit d’une durée maximale de 30 minutes.
Pour soumettre une proposition, merci de remplir d’ici le 20 juin 2025 le formulaire disponible à ce lien : https://forms.gle/xuTn3ZU5SVpotQ9h8. Il faudra indiquer votre nom, votre adresse courriel, votre affiliation si applicable, la nature de votre présentation, un titre et un résumé (350 mots) pour celle- ci ainsi qu’une courte biographie (150 mots). Pour les personnes présentant un autre format qu’une communication orale, nous vous invitons à transmettre du matériel audio et/ou visuel directement dans le formulaire.
Le colloque accueillera des présentations en anglais et en français et se tiendra entièrement en présentiel. L’enregistrement au colloque sera gratuit, par contre vous pourrez vous procurer des billets à la représentation de Clown(s) du 5 ou 8 février (plus d’informations suivront). Si vous soumettez une proposition, merci de faire en sorte d’être à Montréal pendant les dates du colloque (du 5 au 7 février 2026) jusqu’à l’annonce des résultats, début octobre 2025.
Pour toute question, veuillez contacter la coordonnatrice de l’activité à l’adresse suivante : clowns2026@gmail.com
Comité d'organisation : Zoey Cochran, Tara Karmous, Ana Sokolović
Comité scientifique : Zoey Cochran, Catrina Flint, Robert Hasegawa, Isabelle Raynauld, Pierre Vachon
Amoore, Louise and Alexandra Hall. « The Clown at the Gates of the Camp : Sovereignty, Resistance and the Figure of the Fool. » Security Dialogue 44, n° 2 (2013) : 93-110.
Bala, Michael. « The Clown : An Archetypal Self-Journey. » Jung Journal :Culture and Psyche4, n° 1 (2010) : 50-71.
Bouissac, Paul. The Semiotics of Clowns and Clowning : Rituals ofTransgression and theTheory of Laughter. London, New York : Bloomsbury, 2015.
Caron, James E. « Silent Slapstick Film as Ritualized Clowning : The Example of Charlie Chaplin. » Studies in American Humor, New Series 3, n° 14 (2006) : 5-22.
Carter, Albert H. Clowns and Jokers Can Heal Us: Comedy and Medicine. San Francisco : University of California Medical Humanities Consortium, 2011.
Cezard, Delphine. Les « Nouveaux » clowns. Approche sociologique de l’identité, de la profession et de l’art du clown aujourd’hui. Paris : L’Harmattan, 2014.
Christen, Kimberly A. Clowns and Tricksters: An Encyclopedia of Tradition and Culture. Denver : ABC-CLIO, 1998.
Course, Magnus. « The Clown Within : Becoming White and Mapuche Ritual Clowns. » Comparative Studies in Society and History 55, n° 4 (2013) : 771-799.
Crick, Oily with the contribution of Sergio Costola. The Dramaturgy of the Commedia dell’Arte. London : Routledge, 2021.
Dagenais, Yves. Le petit auguste alphabétique : dictionnaire illustré des clowns. Paris : Magellan et Cie, 2015.
Dutton, Julian. Keeping Quiet: Visual Comedy in the Age of Sound. Luton: Andrews UK, 2015.
Ferrone, Siro. La commeda dell’arte : actrices et acteurs italiens en Europe (XVIe-XVIIIe siècle). Traduit de l'italien par Françoise Decroisette. Paris : Sorbonne Université, 2024.
Fleury, Raphaèle et Julie Sermon (dir.). Marionnettes et pouvoir :censures, propagandes, résistances. Montpellie : Deuxième époque, Institut international de la marionette, 2019.
Gosselin, Jackie. Une exploration du jeu clownesque ou les vertus de l’échec. Montréal : PUM, 2022.
Irving, Margaret. « Toward a Female Clown Practice : Transgression, Archetype and Myth. » Thèse. University of Plymouth, 2013.
Kelly, Hana. The Potential of the Clown to Renegotiate Notions of Femininity in Contemporary Performance : Ester Van Der Walt’s Transparent. » South African Theatre Journa l 30, n° 1-3 (2017) : 46– 54.
McManus, Donald. No Kidding! Clown as Protagonist in Twentieth-Cenutry Theater. Newark : University of Delaware Press, 2003.
Moses Peaslee, Robert and Robert G. Weiner. The Joker: ASerious Study of The Clown Prince of Crime. Jackson : University Press of Mississippi, 2015.
Peacock, Louise. Serious Play: Modern Clown Performance. Bristol, Chicago : intellect, 2009. Robb, David. Clowns, Fools and Picaros :Popular Forms in Theatre, Fiction and Film. Amsterdam, New York : Rodopi, 2007.
Rudlin, John. Metamorphoses of Commedia dell’Arte: Whatever Happened to Harlequin? Cham : Palgrave Macmillan, 2022.
Russell, Jacqueline. « A Clown of His/Her/Their Own : Clown and Gender Performativity. » Canadian Theatre Review 183 (2020) : 62-66.
Sund, Judy. « Why So Sad? Watteau’s Pierrots. » The Art Bulletin 98, n° 3 (2016) : 321-347.
Thorpe, Ashley. « Only Joking? The Relationship between the Clown and Percussion in "Jungju". » Asian Theatre Journal 22, n° 2 (2005) : 269-292.
Toffin, Gérard. « Ritual Clowns and Laughter in the Religions of the Nepalese Himalayas. » Anthropologica 61, n° 1 (2019) : 111-122
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Samedi 19 Juillet, 2025