Jean-Marc Warszawski, 7 juin 2025
Amy Beach (1967-1944), Camille Schnoor (soprano), Angela Brower (mezzo-soprano), Münchner Symphoniker, sous la direction de Joseph Bastian, Gaelic Symphony, Marie Stuart, Jephthah's Daughter, Extase, Bal masqué. Solo Musica 2025 (SM 488).
Enregistré les 25-27 septembre 2024, Bavaria Musikstudios München.
Amy Beach eut une vie sortant quelque peu de l’ordinaire, se soumettant aux usages de son temps et œuvrant parallèlement avec une belle efficacité aux mésusages. Née en 1867 dans une famille aisée, elle fut une pianiste prodige. À l’âge de seize ans, elle fit ses débuts en public avec le rondo opus 16 de Frédéric Chopin, et un concerto d’Ignaz Moscheles. Deux ans après elle était soliste avec l’orchestre symphonique de Boston pour le concerto en fa mineur de Chopin, cette même année 1885, elle se maria avec le, ou fut mariée au docteur Henry Harris Aubrey Beach, de 24 ans son aîné. En ce temps, le rôle exclusif d’une épouse était celui de maîtresse de maison. Il aurait été inconvenant qu’elle perçoive des rémunérations pour des cours de musiques ou des concerts, mettant en doute les capacités du mari à assurer le revenu de la famille. Donc plus d’élèves, plus de concerts, mises à part quelques rares prstations caritatives. De toute manière, une épouse de bonne famille ne pouvait pas se donner en spectacle. Large d’esprit, le docteur Beach lui permit de s’adonner à la composition musicale, mais pas de prendre des leçons en la matière.
Amy Beach se forma donc en autodidacte, avec des traités, certainement des partitions et en assistant à des concerts. On peut penser qu’elle fut aidée par son mari dans cette entreprise. Lui-même aimait chanter et écrivit des textes pour les chansons de son épouse. Dès les années 1890, ses œuvres furent jouées, avec succès, et elle put les entendre, ce qui est essentiel (mais qu’en était-il des revenus ?), elle les signait Mlle H. H. A. Beach, selon les initiales de son époux. Il semblerait qu’elle soit parfois passée outre l’interdiction de se produire en public.
En 1910, le docteur décéda, suivi l’année suivante par la mère d’Amy Beach, qui vivait sous le même toit depuis son veuvage en 1895, disparitions qui levèrent toute interdiction. Mais les œuvres du programme présent datent toutes d’avant 1911, et sur l’ensemble imposant de son catalogue, on en compte peu avec grand orchestre et encore moins de grandes formes.
Cette première symphonie sur deux est donc étonnante par son ambition et sa perfection. Touchée par la vague des musiques dites nationales, en réalité inspirées des traditions populaires (un beau problème pour les États-Unis), elle décida d’aller entendre du côté de ses ancêtres irlandais. Si on peut y repérer plusieurs airs irlandais, cette symphonie en quatre mouvements appartient à la famille germanique de la fin, orchestralement somptueuse, d’un romantisme, celui lorgnant vers l’Est. Peut-être une coloration influencée d’Antonin Dvorak, qui résida aux États-Unis au début des années 1890 pour créer une musique américaine (!). En tout cas, cette symphonie est une œuvre magnifique, tant de cohérence que de diversité dans les épisodes, les effets, les transitions, les progressions, par le chantant et le contrechantant des voix intérieures, la somptueuse orchestration. Une maîtrise confirmée par Bal Masqué, une pure Valse viennoise made in Boston.
Mais avouons que nous sommes plus touché par les mélodies avec orchestre, dignes de figurer auprès de celles de Richard Strauss. Des mélodies de toute beauté avec parfois un je-ne-sais-quoi d’une très légère évocation bluesy.
Le tout servi par un orchestre et des solistes mêlant leur excellence à celle d’Amy Beach. Cela aussi a de l’importance.
En son temps, cette musique eut du succès, surtout après 1911, quand la compositrice put voyager, notamment en Allemagne, pour la défendre. Pratiquement toutes ses œuvres ont été créées et beaucoup ont été enregistrées. Après sa mort, ce fut l’oubli total. Ce n’était plus un « oubli de l’histoire », mais celui des programmeurs et des marchands de disques.
Ami Beach, Jephthah’s Daughter (La fille de Jephté), aria sur un texte de Charles-Louis Mollevaut, d’après la Bible (Le livre des Juges, 11:38, traduction anglaise par la compositrice), pour soprano et orchestre (ou piano). Jean-Marc Warszawski
7 juin 2025
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Vendredi 6 Juin, 2025 18:10