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Aix-en-Provence, 6 juillet 2025 — Frédéric Léolla

Aix : Rattle emporte l’adhésion totale du public

DON GIOVANNI de Mozart, nouvelle production du Festival d’Aix-en-Provence
Direction musicale : Sir Simon Rattle — Mise en scène : Robert Icke
Festival d’Aix-en-Provence 2025 © Monika RittershausDon Giovanni de Mozart, nouvelle production du Festival d’Aix-en-Provence, sous la direction musicale de Simon Rattle, mise en scène de Robert Icke. Festival d’Aix-en-Provence 2025. Photographie © Monika Rittershaus

Rattle, chéri du public d’Aix, revient au Festival à la tête de l’Orchestre de la Radiodiffusion bavaroise pour Don Giovanni de Mozart.

Depuis l’ouverture, l’émotion est là. Rattle se donne à fond, insuffle de la passion à ses instrumentistes qui la lui rendent bien.

Krzysztof Bączyk ouvre le bal avec sa voix bien timbrée, ronde, en composant un Leporello dans la veine circonspecte et intelligente proposée en son temps par Van Dam — sauf qu’ici les rôles semblent vraiment inversés, et face à l’autorité de Leporello, le Don Giovanni de Schuen peine à s’affirmer. Mais si la voix de Schuen n’est pas énorme, il a un très joli phrasé et un sens du style mozartien. Et son investissement est formidable.

Golda Schultz s’empare du rôle de Donn'Anna avec enthousiasme. La beauté de son timbre, sa facilité dans les vocalises, l’aisance sur toute la tessiture, lui permettent de briller dans toutes ses interventions. Clive Bailey, à la voix puissante, n’est pas la basse profonde que l’on s’attend pour le rôle du Commandeur : il en fait un personnage plus humain, un personnage qui se confond avec le vieil homme qui meurt et avec le propre don Giovanni, qui ne serait que sa propre image de jeunesse. Magdalena Kozena, dont les graves ne sont pas l’atout principal pour incarner donna Elvira (ce qui pourrait étonner chez une cantatrice qui a fait l’essentiel de sa carrière en tant que mezzo) sait tirer parti de son expérience scénique pour surmonter les difficultés du rôle. Quant aux plus jeunes, si Madison Nonoa comme Zerlina peut parfois manquer de volume par rapport à ses collègues et attraper avec un léger retard telle ou telle phrase, elle a une voix pétillante et fruitée et un vrai sens musical, et, de son côté, Pawel Horodyski comme Masetto montre une voix charnue et virile, débordante d’harmoniques — dommage que son phrasé soit alourdi par une volonté constante de souligner les accents toniques des mots.

Un beau plateau, en somme.

Dans ses quelques interventions, l’Estonian Philharmonic Chamber Choir fait un bon travail.

Mais c’est surtout l’orchestre dirigé par Rattle qui appelle tous les éloges. À la fois attentif aux détails qui sont révélés au détour d’une phrase, à la fois imprégné de chaque sentiment qui est présent dans la partition, de la plus grande délicatesse (comme dans ce magique accompagnement au luth et à la voix pianississimo pendant la sérénade de Don Juan) à l’incandescence (pour preuve ce départ aux enfers complètement halluciné avec un orchestre déchaîné), sans pourtant oublier les chanteurs qu’il prend soin de ne pas couvrir, Rattle est le vrai triomphateur de ces représentations.

Sur la mise en scène, pas grand-chose à relever. Icke transforme le livret de Da Ponte en cauchemar d’un homme avant de mourir, hanté par ses anciens comportements sexistes. Comme il arrive souvent, cela oblige parfois à tordre le cou au texte mis en musique par Mozart et à une surcharge de vidéo et d’effets sonores. Rien de très nouveau. Quelques jolies images distribuées avec parcimonie (notable travail de James Farncombe aux lumières), un décor sobre et assez fonctionnel, des costumes où l’on ne sent pas les différences sociales pourtant présentes dans l’original (la relation Zerlina-Don Giovanni perd ainsi une partie de son sens), et en général la sensation que le bon sens est sacrifié sur l’autel d’une prétendue originalité. J’insiste, rien de très nouveau.

 Frédéric Léolla
6 juillet 2025

Aix-en-Provence, 6 juillet 2025. Grand Théâtre de Provence. Don Giovanni, ossia il dissoluto punito, dramma giocoso in due atti. Musique, Wolfgang Amadeus Mozart, sur un livret de Lorenzo Da Ponte d’après Giovanni Bertati, Molière et Tirso de Molina. Mise en scène de Robert Icke. Scénographie d'Hildegard Bechtler, costumes d'Annemarie Woods. Lumière de James Farncombe. Chorégraphie d'Ann Yee. Vidéo de Tal Yarden. Son xde Mathis Nitschke. Dramaturgie de Klaus Bertisch. Illusions de Chris Fisher, Will Houstoun. Coordinateur de cascades : Ran Arthur Braun. Colaborateur artístique à la mise en scène, Gilles Rico. Assistante à la mise en scène, Eleanor Burke. Assitante aux décors, Helen Hebert. Assistante aux costumes, Louise Watts. Assistante aux lumières, Cécile Giovansili Vissière. Avec Andrè Schuen (Don Giovanni), Krzysztof Bączyk (Leporello), Golda Schultz (Donna Anna), Magdalena Kozena (Donna Elvira), Madison Nonoa (Zerlina), Amitai Pati (Don Ottavio), Clive Bayley (Il Commendatore), Pawel Horodyski (Masetto). Assistant à la direction musicale, répétiteur de langue, continuiste, Luca Guglielmi. Chef de chant, David Zobel.

Estonian Philharmonic Chamber Chor (chef de chœur, Aarne Talvik), Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, sous la direction de Simon Rattle.


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