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Aix-en-Provence, 13 juillet 2025 — Frédéric Léolla

Aix : à la recherche de nouvelles voies dans l’Opéra

The Nine Jewelled Deer, de Sivan Eldar et Ganavya Doraiswamy, Festival d'Aix-en-Provence 2025. Photographie © Ruth Walz.The Nine Jewelled Deer, de Sivan Eldar et Ganavya Doraiswamy, Festival d'Aix-en-Provence 2025. Photographie © Ruth Walz.

Pas facile de renouveler le répertoire opératique. Comment faire un théâtre musical (ou une musique théâtrale) qui soit à la fois en accord avec les nouvelles tendances et qui puisse attirer le public (au moins le public d’opéra) ?

À chaque édition le Festival d’Aix tente de relever le défi. En 2025 ce sont Siva Elder et Ganavya Doraiswamy qui ont présenté The nine jewelled deer (La biche aux neuf bijoux). Pari réussi ?

L’œuvre se présente comme un opéra de chambre. Est-ce vraiment un opéra ? Certes, il y a un fil rouge — qui n’est pas toujours évident. Mais tellement alourdi par des digressions à tout moment que le fil rouge est souvent perdu. En fait de « musique théâtrale », nous ne pouvons citer que quelques moments épars (le plus évident est le moment de la mise en branle de l’armée du roi et son entrée dans la jungle — superbes Rajna Swaminathan et Sonia Wieder-Atherton en improvisant aux percussions et au violoncelle respectivement).

L’œuvre se présente aussi comme une fusion entre musique classique, musique électronique, tradition indienne et jazz. Mais à nouveau, les moments de « fusion » sont rares, et nous avons la sensation plutôt d’assister à une juxtaposition de styles, ici la tradition indienne, là la musique contemporaine, dans un canevas qui fait souvent appel à l’improvisation. Les moments où les différentes influences se rencontrent sont rares, et dans les ensembles les musiciens occidentaux se limitent à seconder ou reprendre la tradition indienne sans que leur apport soit très personnel.

Quant à l’adhésion du public, on pouvait noter l’impatience de nombre de spectateurs qui ont accueilli la fin du spectacle avec soulagement, quittant vite la salle pendant les applaudissements. Il est vrai que de nombreuses longueurs n’ont pas aidé à la digestion du spectacle par le public. D’autres, par contre, sont restés dans la salle, à applaudir avec enthousiasme.

L’œuvre se présente comme mise en scène par Peter Sellars. Mais nous ne voyons pas autre mise en scène qu’un jeu d’ombres derrière un grand panneau de gaze (l’effet n’est ni nouveau ni saisissant), ou une mise en place plutôt sombre et sobre plus proche du concert que du spectacle théâtral ou opératique. Nous ne demandons pas de dialogues (il n’y en a pas), nous ne demandons pas une histoire linéaire (s’il y en a une, elle est très très ténue), mais au moins un sens, une cohérence, une volonté de représentation de la réalité qui puisse se différencier du simple concert. Nous ne l’avons pas trouvée.

Et il ne suffit pas pour cela de faire appel au public pour qu’il chante, ou de finir en invoquant de grands principes de paix et d’amour sur lesquels nous sommes tous d’accord — au moins tous ceux qui étaient dans le public. Au vu de la situation actuelle dans le monde, il n’est pas sûr qu’il y ait un vrai consensus là-dessus. Mais les gens à convaincre n’étaient pas dans la salle.

Nous ne pouvons qu’applaudir le Festival d’Aix dans sa quête de nouvelles formes opératiques. Vu la grande tradition musicale indienne, cela se présentait comme une vraie opportunité. Mais pour l’heure l’opportunité ne semble pas avoir été vraiment saisie.

Espérons qu’un remaniement puisse permettre de mettre en valeur les qualités de ce spectacle en le dégageant des longueurs qui l’alourdissent considérablement.

 Frédéric Léolla
13 juillet 2025

Arles, mardi 8 juillet 2025. Luma, Grande Halle. The nine jewelled deer (La biche aux neuf bijoux), opéra de chambre. Musique de Sivan Eldar et Ganavya Doraiswamy (en laissant une large part d’improvisation aux interprètes). Texte Ganavya Doraiswamy en collaboration avec Lauren Groff, d’après Le Conte du grand cerf doré, extrait des Jataka, le premier chapitre des Sutras de Vimlakirti et la vie de Seetha Doraissamy. Mise en scène, Peter Sellars. Artiste plasticienne, Julie Mehretu. Costumes, Camille Assaf. Lumières, James F. Ingalls. Avec Ganavya Doraiswamy (chanteuse), Aruna Sairam (chanteuse tradition indienne), Nurit Stark (violon et alto), Sonia Wieder-Atherton (violoncelle), Dana Barak (Clarinette), Hayden Chisholm (saxophone), Rajna Swaminathan (percussions) et Augusti Muller (electronique – Ircam). Direction musicale, Sivan Eldar


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