Alfred Caron — Paris, Temple du Foyer de l’Âme, 22 octobre 2025.
À s’y méprendre : Astrophil & Stella de Patrick Ayrton

Patrick Ayrton, Astrophil & Stella, Lauren Lodge-Campbell (soprano), Louise Ayrton (violon, direction). Voce8 2025.
Notre époque est décidément bien étrange. Non contente de ressusciter tout un pan oublié de la musique ancienne, elle suscite de nouvelles créations dans le style de ces époques révolues. Non pas des faux comme l’Adagio d’Albinoni ou le Canon de Pachelbel, mais des œuvres nouvelles qui se réclament d’un style de composition ancien et en utilisent le langage au premier degré.
« Astrophil & Stella » de Patrick Ayrton en est un exemple extrême. À l’écoute — en aveugle — on se demanderait d’un bout à l’autre de qui est la musique de cette anthologie d’airs qui convoque les poètes les plus connus de l’ère élisabéthaine, John Lyly, Ben Jonson et bien sûr William Shakespeare, à quoi s’ajoute le plus rare Philip Sydney. Et ce d’autant plus que certains des textes ne sont pas sans nous renvoyer à des œuvres connues comme Didon et Enée (Witches'song) ou the Fairy Queen (« Where the bee sucks ») que, pourtant, on ne reconnait pas. Mais peut-être s’agit-il de maskes jusqu’ici inconnus, tant l’inspiration, l’orchestration, le style vocal nous renvoient au XVIIe siècle anglais. Il s’agit en fait d’un pastiche où, sans doute, des spécialistes plus aiguisés que nous détecteront quelques indices dénonçant la « supercherie » que révèle ça et là l’influence des musiques populaires du vingtième siècle, rock et jazz, que le compositeur a fréquentés dans sa jeunesse. Le résultat, en tous cas, est confondant d’authenticité, d’autant plus qu’il est servi par un remarquable ensemble où figurent quelques-uns des meilleurs instrumentistes de la musique baroque, comme le flûtiste Sébastien Marq ou la percussionniste Marie-Ange Petit, tous deux des Arts florissants, ou encore la gambiste Salomé Gosselin, pour ne citer qu’eux. Ils accompagnent la voix très pure de la soprano Lauren Lodge-Campbell, qui donne beaucoup de relief aux textes. À la tête de ce bel ensemble mené par le violon de Louise Ayrton, Patrick Ayrton, tantôt au clavecin, tantôt à l’orgue, fait vivre cette musique qu’il a lui-même composée comme un hommage à un univers poétique et musical qui le passionne depuis son adolescence. Au final, le critique interroge l’hédoniste : est-ce bien de la création ou cette expérience appartient-elle à cet « âge de la page de variété » qu’Hermann Hesse situe au xxve siècle dans son chef-d’œuvre, Le Jeu des perles de verre, mais qui ressemble singulièrement à notre époque ?
À l’auditeur d’en décider.
Programme disponible en CD et en streaming (Voces8 Records).


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ISSN 2269-9910.

Mercredi 5 Novembre, 2025 2:17