Ludovic Nicot, violoniste à l'Opéra Orchestre de Montpellier Occitanie, élu du personnel Snam-CGT, a pris la parole lors des Victoires de la Musique Classique diffusées sur France 2 pour alerter sur la situation des orchestres, alors même que le gouvernement vient de décider une baisse de 10% (100 millions d'euros) du budget dédié à la Création du ministère de la culture.
Souffrant d'un sous-financement chronique depuis des années, une grande partie des institutions symphoniques et lyriques sont en grande difficulté.
Quelques exemples qui ne sont pas les seuls :
Suite à la baisse des subventions municipales à l'orchestre de Strasbourg et à la stagnation globale de ses financements en période d'inflation : annulation d'une tournée en 2024, de deux séries de concerts symphoniques en 24-25, d'une série pour les scolaires et d'un ciné-concert.
À l'orchestre de Bretagne malgré l'inflation les financements de la Région, de la Ville de Rennes et de l'Etat sont quasiment à leur niveau de 2010. Les locaux sont vétustes. Les élus demandent de baisser le nombre de concerts pour ne pas aggraver un déficit de la structure.
L'orchestre des Pays de la Loire affichait un déficit de 300 000 € en 2023. Il sera de 600 000 € cette année.
À Bordeaux on produisait 6 opéras avec mise en scène par saison jusqu’à il y a 3 ans, et plus d’une vingtaine de programmes symphoniques. Cette saison ce sont 3 opéras et une quinzaine de programmes symphoniques. Il y avait 126 musiciens et musiciennes au sein de l'orchestre au début des années 2000, aujourd'hui 106 théoriquement mais en réalité à peine plus de 80. Les salaires des musiciens et musiciennes n’ont pas été réévalués depuis plus de 15 ans.
À Avignon les financements publics sont au niveau de 2012, tant et si bien que le Commissaire aux Comptes vient de lancer un avertissement au Conseil d'Administration.
À Tours, les musiciens et musiciennes sont maintenus sous statut précaire et le budget a décroché de 17% par rapport à l'inflation depuis 21 ans. Quand on produisait 6 opéras en 2018, on en produit 4 aujourd'hui. On faisait 61 concerts symphoniques, on en fait 50 aujourd'hui. Dernière péripétie, on joue le stabat mater de Dvorak à 13 musiciens... quand la partition est écrite pour 50.
À Lille, sur la saison actuelle le nombre de concerts est inférieur de 23% à ce qu'il était il y a deux ans seulement.
En région Auvergne Rhône Alpes c'est l'ensemble des structures musicales et lyriques qui ont été touchées par la baisse de crédits décidée - et revendiquée - par Laurent Wauquiez.
Ces désengagements financiers de l'Etat et des collectivités territoriales ont des conséquences sur l'emploi et sur les salaires. Par exemple, à l'Orchestre National d'Ile-de-France l'augmentation des salaires des artistes n'a été que de 2% depuis 2017.
Les responsables syndicaux de ces différents orchestres sont en mesure de répondre aux journalistes qui le souhaiteraient
Dans ces conditions l'annonce ministérielle de baisse des crédits — dont on ne connaît pas à l'heure actuelle la répartition sur le terrain — apparaît comme une menace de plus pour un secteur exsangue. Bien entendu, cette alerte au sujet des ensembles permanents ne signifie pas que l'ensemble du secteur musical subventionné n'est pas en grand péril, en particulier les ensembles musicaux spécialisés constitués d'intermittent(e)s.
Mesdames et Messieurs, Madame la Ministre de la culture,
Quel plaisir de jouer en direct à la télévision à une heure de grande écoute. Quel plaisir d’entendre tous ces artistes.
Les orchestres, les musiciennes et musiciens au nom desquels je m’exprime ont la mission première de porter la musique auprès de tous les publics. Parfois dans de prestigieuses salles de concerts, mais aussi dans des lycées ou des hôpitaux. C'est notre vocation : mettre le plus haut niveau d’exigence musicale à la portée de toutes et tous.
Mais aujourd’hui le Ministère de la Culture, et presque partout en France les collectivités, ne maintiennent plus les moyens financiers de la culture en général et des orchestres en particulier.
Le public en est la première victime : moins de concerts, moins de productions d’opéra, moins de musiciens sur scène. Jusqu'où nous mènera cette dégringolade ?
Madame la Ministre, vous avez déclaré que la culture devait irriguer l'ensemble du pays jusqu'aux zones rurales où aujourd'hui les artistes n'iraient pas assez. Quelle idée formidable ! Parallèlement votre gouvernement vient d’annoncer brutalement la baisse de 10%, c’est-à-dire 100 millions d’euros, de son budget dédié à la création. Et supprimer 20 millions d’euros à l’audiovisuel public qui finance en grande partie cette émission.
Notre art est populaire. Partout nos concerts sont acclamés. Ne faîtes pas l’erreur de sacrifier la culture ! Ne sacrifiez pas les orchestres ! Ne sacrifiez pas la musique !
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Vendredi 1 Mars, 2024