Jean-Marc Warszawski, 4 octobre 2024
Un merveilleux piano, Patrick-Astrid Defossez (composition, improvisation, piano Opus 102 Stephen Paulello) ; Anne-Gabriel Debaecker (composition, improvisation, piano Grand SP 287 Stephen Paulello, électroacoustique, bols chantants), Ciar records 2024 (2 CD, CR 001/002).
Enregistré en 2022-2023, Studio-atelier Stephen Paulello.
Ces deux cédés en trois albums sont du même souffle d’un art abouti par sa réalisation, mais aussi pourrait-on y entendre et y voir un aboutissement de ce qui se bricolait dans les années 1970 entre progressif et underground, et un aboutissement esthétique. Pianos, électronique, bols tibétains (ou résonants). Dire qu’il s’agit de l’alliance de la musique classique, du jazz et de l’électro c’est trop et trop peu en dire.
Nous vivons depuis les voyages populaires, les immigrations massives, le développement des moyens de transmission sonore, comme la radio, la télévision, le disque et la dématérialisation électronique, dans un monde sonore extraordinairement riche et diversifié, même s’il est compartimenté par l’enthousiasme pour tels genres, l’aversion pour tels autres ou encore l’indifférence, c’est-à-dire selon les goûts et les couleurs de chacun.
Le compositeur (et improvisateur) et devant un choix. Soit il défend une certaine idée de pureté esthétique, musique modale, tonale, atonale, dodécaphonique, spectrale, saturée, électronique, académique, blues, jazz, klezmer, la liste est déjà assez interminable, mais chacun des cas est caractérisé par des règles dont on ne peut trop s’écarter au risque de produire des incongruités ou de sortir du genre. Ce qui marque les limites de ces territoires sonores, qui peuvent toutefois s’emprunter avec prudence les uns aux autres, surtout sur le mode de la citation.
Le compositeur (et improvisateur) peut au contraire tailler un bloc dans l’immense carrière sonore qui nous drape, ou en tirer des éléments qui l’inspirent, et les mettre au travail sur sa table à composer. Un brassage à notre sens aussi essentiel que celui des gamètes.
Patrick-Astrid Defossez, Contrepoings, musique classique contemporaine et improvisée, œuvres de Claude Debussy, Albert Roussel, Patrick-Astrid Defossez, avec Patrick-Astrid Defossez (piano), Anne-Gabriel Debaeker (électroacoustique), Jérémie Favreau (piano). Ciar Records (CC 018).
Enregistré en 2022-2024, Studio-atelier Stephen Paulello.
Ici, un programme d’œuvres croisées pour piano de Claude Debussy, d’Albert Roussel et d’œuvres brassées, une suite, de Patrick-Astrid Defossez et deux cédés d’œuvres brassées dans lesquelles électronique, loops, jazz modal, bols résonants sont le solfège, aussi les merveilleux pianos Stephen Paulello, dont l’Opus 102, aux 102 notes et cordes parallèles et des idiomes mozartiens qui peuvent faire sourir (Calme matin).
On connaît les œuvres classiques rockées par le génial organiste Keith Emerson, les Johann Sebastian Bach jazzés par Jacques Loussier, le Mozart égyptien de Hughes de Courson, les traditionnels bretonnants électrifiés par Alan Stivell, mais il me semble qu’on est ici dans quelque chose de plus organique, qu’on peut être là dans la transcription ou le collage.
Un mouvement qui semble se dessiner dont la pianiste Joanna Goodale qui mêle son piano « classique » à des instruments orientaux et des œuvres de Debussy aux bols tibétains, l’ensemble Chakàm qui brasse le târ iranien, le qanun palestinien et la viole de gambe, dans des traditionnels orientaux, mais aussi des compositions originales où l’improvisation à une large place, le pianiste Nima Sarkechik qui brasse Chopin avec les scratches des platines et autres repons d’un DJ. Un nouveau monde sonore passionnant auquel Patrickè-Astrid Deffossez et Anne-Gabeil Debaecker livrent avec ces deux albums trois cédés, avec le renfort en force du pianiste de Jérémie Favreau, un souffle de chef-d’œuvre. Parfait de tact et de mesure, où les effluves jazz domînent, la maison mère de Patrick-Astrid Defossez.
Évaporation, plage 9 (extrait).
Jean-Marc Warszawski
octobre 2024
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Vendredi 4 Octobre, 2024 0:31