Llorenç Barber est une des figures clés de l’avant-garde musicale espagnole.
Llorenç Barber. Photographie © D.R. (fl).
Influencé dans sa jeunesse autant par les créateurs européens réunis à Darmstadt (Kagel, Xennakis, Stockhausen...) que par les avant-gardes américaines (Cage, Nancarrow…), Barber (Aielo de Malferit, Communauté Valencienne, 1948) a su créer un langage propre. Il a aussi élevé au rang « d’instruments classiques » les cloches. Ainsi, de par le monde il donne des concerts soit en se servant de ses clochers portatifs, soit en se servant des clochers des villes, créant donc des œuvres qui mélangent tradition et avant-garde, à mi-chemin entre le concert et le « paysage sonore ».
En se servant de ses contacts et de son énergie contagieuse, il a aussi encouragé de nombreux talents grâce aux divers festivals qu’il a créés (Nits d'Aielo i Art, Ensems, Parallelo Madrid nuevas músicas...).
À l’occasion des 75 ans de Llorenç Barber, Valencia lui consacre deux expositions dans les deux centres d’Art contemporain les plus prestigieux de la ville.
L’exposition du CCCC est foisonnante d’informations (schéma de vie créative réalisé par le propre Barber, photos de concerts, coupures de presse, programmes de salle, partitions…) et d’installations. Parmi les installations musicales, toutes créées par Barber en personne, une marelle qui sonne selon les pas, une grande enfilade de cloches qui structure la salle centrale, un paëllophone ou instrument de percussion composé de différents plats à paëlla — n’oublions pas que la paella est un plat typique de la région de Valencia et que Llorenç la cuisine à merveille…
Enfilade de cloches et Paëllophone. Photographie © D.R. (fl).
Parmi les autres installations soulignons la machine à coudre de Montserrat Palacios (remarquable chanteuse et performeuse) avec vidéo de Ursula San Cristobal, ou les poétiques assemblages de Fuencisla Francés, notamment en utilisant tantôt le bois, tantôt les partitions de Barber.
Assemblage de Fuencisla Francés. Photographie © D.R. (fl).
la machine à coudre de Montserrat Palacios. Photographie © D.R. (fl).
Assemblage de Fuencisla Francés. Photographie © D.R. (fl).
Il en ressort une exposition aussi intéressante d’un point de vue sonore que d’un point de vue plastique.
Pour sa part, côté visuel, l’exposition à l’IVAM est bien moins séduisante, mais elle permet d’écouter tous les enregistrements de Llorenç Barber ainsi que de consulter d’autres musiques qui ont pu influencer le créateur valencien. Cette exposition a surtout permis de compiler et d’emmagasiner les fonds sonores de Barber.
Ce qui est étonnant, devant cet hommage consacré à Llorenç par les deux plus importantes institutions valenciennes concernant les Arts plastiques, c’est le silence des institutions musicales : comme si l’art sonore ne devait pas être de leur ressort et qu’elles ne devaient s’intéresser qu’aux musiques jouées par les orchestres… Peut-être ignorent-elles tout des avant-gardes musicales depuis la deuxième école de Vienne (et encore !).
C’est plutôt triste.
Mais ne boudons pas notre plaisir devant ces deux expositions qui viennent rendre justice à un créateur toujours personnel et toujours surprenant.
Frédéric Léolla
2024
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Mercredi 20 Mars, 2024 2:00